Après avoir écumé les temples parisiens du jazz avec « Keys », son troisième album nouvellement gravé, Mélanie Dahan se lance dans une longue tournée nationale. Portrait de l’une des rares chanteuses françaises à se risquer sur ces terres musicales.
Chevelure au vent sur la pochette de son précédent CD, l’image pourrait prêter à confusion. Non, elle n’est point d’origine « Latine », le titre de son second album, plutôt une authentique parisienne la belle Mélanie Dahan ! Qui, d’un concert l’autre, affine et peaufine sa voix colorée en ce domaine spécifique qu’est le jazz vocal.
« J’ai découvert l’univers de la comédie musicale, gamine, au collège », raconte la jeune interprète ». Pour intégrer alors la troupe des Gavroches et en devenir la mascotte, parfaire sa découverte du théâtre musical… Il n’empêche, la chanteuse en devenir, shootée au virus de la musique, n’en reste pas moins une demoiselle sérieuse : « passe ton bac d’abord », scientifique s’il vous plaît, sur les conseils de papa et maman, langues étrangères à l’université puis obtention d’une maîtrise en commerce international. Ses maîtres alors dans la chanson ? Barbara, Brassens, Brel…
A l’âge de 17 ans, sa rencontre avec le jazz (« Ella in Berlin » d’Ella Fitzgerald et « Unforgettable » avec Natalie et Nat King Cole) bouscule tout. En 2001, elle fonde son premier quartet et la richesse de l’expérience l’incite en 2003 à faire le grand saut : être ou ne pas être ? « Je serai chanteuse, je choisis le statut d’intermittente du spectacle ». Alors, s’enchaînent les concerts dans les clubs, les concours réputés de festival de jazz, tel celui de Juan les Pins, où elle est finaliste.
La rencontre avec le pianiste Giovanni Mirabassi fut déterminante. Avec lui, elle enregistre en 2008 son premier CD, « La princesse et les croque-notes », puis récidive avec « Latine » en 2011. « Dans le premier album, je revisitai quelques standards de la chanson française aux couleurs du jazz, alors que le son de « Latine » ose les convergences entre la France et le Brésil, deux langues latines. Je me suis beaucoup nourrie de musiques brésiliennes et j’étais ravie de faire entendre la bossa-nova autrement. Surtout avec un quatuor à cordes qui symbolise cette double culture du jazz et de la musique classique. Avec ce second album, je restai cependant fidèle à ma démarche originelle : swinguer en langue française, alors qu’au départ le jazz vocal creuse son sillon avec les chansons de film américain. Ma passion ? Reprendre le patrimoine de la chanson sous le label jazz avec thème, impro et chorus, on garde le fond pour se libérer sur la mélodie, on s’approprie des standards pour aboutir à une authentique recréation ». Un pari réussi !
Pour en tenter un autre aujourd’hui, encore plus périlleux, avec « Keys », le dernier né… S’entourer de cinq pianistes émérites et au talent reconnu ( Franck Amsallem, Pierre de Bethmann, Thomas Enrico, Manuel Rocheman, Baptiste Trotignon), donner carte blanche à chacun pour revisiter deux standards américains et composer de nouvelles lignes harmoniques… Pourquoi ces musiciens-là ? Outre la reconnaissance de leurs talents respectifs, la réponse fuse, concise et sans fioriture : « Franck le swing, Pierre une frénésie réjouissante, Thomas la délicatesse mélodique, Manuel le coloriste raffiné et subtil, Baptiste la virtuosité éclairée » ! Se joignent à la bande Thomas Bramerie à la contrebasse et Lukmil Perez à la batterie.
Le résultat ? Renouveler l’approche, l’écoute d’airs mille fois entendus (Cole Porter, Victor Young, Herbie Hancock, Benny Golson…), surprendre l’auditoire avec d’authentiques re-créations… Et bien sûr, posée là avec son originale touche de swing, la voix chaude et gouleyante de la belle Mélanie ! De Jazz Magazine à TSF Jazz, les spécialistes, comme l’amateur éclairé, ne s’y trompent pas : « Un troisième disque sous son nom et déjà l’album de la maturité, la vocaliste Mélanie Dahan franchit à grands pas les étapes et compte désormais parmi les voix marquantes de la scène française du jazz », « Mélanie Dahan « réenchante » ces standards dans un projet où se côtoient authenticité, créativité, et sensibilité », « Avec ce nouvel opus, Mélanie Dahan s’est attaquée à de sacrés morceaux mais le résultat est à la hauteur : technique vocale irréprochable, arrangements ciselés et une approche résolument contemporaine et inventive », « La chanteuse Mélanie Dahan a mis la barre très haut en confiant à cinq des meilleurs pianistes du moment la tâche de revisiter chacun deux standards du songbook américain, les arrangements sont somptueux, la voix parfaite de Mélanie donne à l’auditeur le sentiment d’entendre ces thèmes pour la première fois »… Avec « Keys », il nous faut alors l’avouer, et l’en féliciter, la jeune interprète s’offre la clef d’un succès amplement mérité !
Le jazz ? Toujours et encore, donc, une aire de liberté pour la « Princesse », qui en use avec grâce et talent. « Pour faire plaisir au public, partir en voyage avec lui sur le tempo de l’émotion, partager notre humanité et nos valeurs ». En attente de ce rêve qui la taraude de longue date : oser des compositions musicales originales sur les paroles de Bernard Joyet ou de Juliette par exemple et, ultime étape, poser des notes sur ses propres mots. Une belle déclaration d’amour pour une passion dévorante. Yonnel Liégeois