Le guichet SNCF de la gare de Génolhac, fermé en janvier 2015, est aujourd’hui rouvert. Les habitants des Hautes Cévennes et leur comité de défense des services publics et des usagers célèbreront cette victoire, le 4 août. Avec un spectacle qu’ils ont écrit et qu’ils joueront sur le théâtre de leurs exploits militants : à la gare !
Sous la chaleur caniculaire, on s’active autour de la petite gare de Génolhac, village médiéval de 850 âmes, niché au cœur des Cévennes. Des personnages arborant de beaux nez rouges – « A ne pas confondre avec les bonnets rouges », insiste André Joffart, secrétaire du comité de défense des services publics et des usagers dans les Hautes Cévennes – engagent une sorte de ballet sur l’herbe desséchée d’un talus tenant lieu de scène. Tour à tour surgissent un Charlot des Temps modernes, un Arlequin de sexe féminin – « une femme Arc-en-Ciel », rectifie au passage le personnage – suivi d’un épouvantail de chair et d’os malgré de trompeuses apparences et d’un guerrillero d’opérette à la barbe hirsute, cévenole et bien réelle, portant sur l’épaule un perroquet multicolore tout en toc. En cette fin d’après-midi, les protagonistes de la bataille du guichet de la gare préparent le spectacle qu’ils donneront sur ce même quai, témoin de leur mobilisation. Pour célébrer leur victoire. Sous l’œil attentif d’Anne Coutaudier, comédienne, qui les conseille et les épaule dans leur projet, ils répètent.
L’histoire n’a rien de banal, malgré les apparences. A commencer par… sa conclusion : le guichet de Génolhac est le seul en France à avoir été ré-ouvert après sa fermeture. Et l’on sait hélas combien de guichets, de gares, de lignes la vision comptable qui prévaut dans l’entreprise publique a voués à la disparition ! Alors pourquoi pas Génolhac ?
D’emblée, la mobilisation des habitants de la communauté de communes des Hautes Cévennes a été originale, inattendue, surprenante. Par son ampleur d’abord !
Cent-cinquante personnes rassemblées sur le quai de la gare, dès l’annonce de la fermeture programmée pour le 1er janvier 2015. Pourtant, les courriers aux pouvoirs publics restaient lettres mortes. Et la colère montait à mesure qu’approchait la date de fermeture. Dans cette rude montagne qui garde vive la mémoire de la révolte des camisards, de hauts faits de résistance et du long combat des mineurs, on n’apprécie guère la remise en cause de ce qui rend la vie vivable. Poussés à bout, les esprits s’échauffaient. Mais là où la SNCF attendait l’affrontement, c’est à la fête qu’elle s’est trouvée confrontée.
« A quelques jours de Noël, nous avons décidé d’organiser à la gare un accueil festif, en musique, avec châtaignes grillées, vin chaud et chocolats, au passage du Cévenol, le train d’équilibre du territoire qui joint Clermont-Ferrand à Nîmes », relate Claude Magnien, le président du Comité. La presse locale et régionale n’a pas boudé le plaisir de s’en faire l’écho. Et d’emblée des artistes sont de la partie : des acteurs, des musiciens, des plasticiens, jeunes et moins jeunes, installés à proximité…
Quand la SNCF, non contente de fermer le guichet à la date prévue, dépose plainte contre le président du comité pour entrave au trafic ferroviaire, l’inventivité des Cévenols se donne libre cours. Par un hasard du calendrier, c’est le jour du mardi gras que le président doit être entendu à la gendarmerie pour répondre de ces accusations. Pourquoi pas un Carnaval, devant la gendarmerie ? Fleurissent les nez rouges, les défroques multicolores, résonnent les chansons populaires… On fait des crêpes, à la confiture de châtaignes, cela va sans dire ! Rien n’est trop décalé pour souligner l’absurdité de la plainte et de la fermeture des guichets. Pour le plus grand bonheur de la presse qui fait abondamment l’article de cette lutte grandguignolesque. Elle ne sera pas déçue. A Alès, à l’occasion de la table ronde réunissant enfin SNCF, Région Languedoc-Roussillon, élus locaux, syndicats de cheminots et comité de défense, qui emportera la décision de réouverture, c’est aux cris de « Les guichets, c’est nos oignons » que les membres du comité de défense, déguisés en jardiniers, paysans, épouvantails, portant nez rouges distinctifs, viennent ensemencer le terre-plein bétonné de la sous-préfecture, l’enrichir d’un peu de terre des Cévennes et d’un odorant crottin de cheval, avant d’exécuter de joyeuses danses traditionnelles sur la pelouse.
« Ils ne lâchent rien », se lamente le personnage du traître dans la pièce qu’ils répètent. Un spectacle burlesque, qui tire son inspiration de la veine populaire et insolente que la lutte a libérée. Lever de rideau le 4 août à 21 heures, sur le quai de la gare ! Marie-Claire Lamoure
ce n’est pas le seul guichet réouvert en France.
Sur environ 500 fermés, une douzaine ont été réouverts