Ancien médecin des Hôpitaux de Paris et d’origine béninoise, Barnabé Laye se veut désormais, et exclusivement, guérisseur par les mots. Une langue aux couleurs de sa terre d’Afrique : ocre mais bariolée, lumineuse et incandescente.
« Ô toi mon enfant je t’ai attendue si longtemps telle une idée fixe, une étoile dans le labyrinthe de ma vie », écrit le poète en hommage au petit d’homme qui voit le jour. « Comment fêter la naissance d’un premier enfant ? », s’interroge Barnabé Laye, ce père d’un nouveau genre.
« J’aurai pu réaliser des photographies mais que peuvent-elles lorsqu’il s’agit d’exprimer les sentiments, l’attente de l’enfant à naître ? Alors, j’ai pris mon crayon et mon cahier d’écolier pour tracer à la hâte ces mots dans leur simplicité et leur enfantine nudité ».
Natif de Porto-Novo au Bénin, le poète fut longtemps médecin le jour et écrivain la nuit avant de consacrer désormais tout son temps à l’écriture. Un verbe nourri de ses racines africaines, planté en terre ocre quand l’arbre-fétiche tutoie les étoiles et la flûte de roseau le chant du vieux calao. Une naissance que les mots chantent dans « Une si longue attente » comme un hymne à la vie dans la nuit tombante au Bénin en pays Yoruba, Adoukè Adoukè ! Un cri d’espérance poétique qui se mue en rugissement politique quand « le monde s’en a à vau-l’eau, tableau en rouge et noir. Rouge comme le sang des Afghans et des rebelles, noir comme les longues femmes du Sahel et le ventre des enfants d’Érythrée »…
Comme il le raconte lui-même, non sans humour, l’envie d’écrire le surprend en pleine jeunesse. A la lecture de « Pleure, ô pays bien-aimé », du Sud-Africain Alan Paton… Un choc, une révélation à l’aube de ses quinze ans, « c’est cela qu’il faut faire, écrire dans une langue simple et dépouillée : laisser la musique des mots épouser l’ardeur des sentiments, traduire la fragilité des existences et la détresse au cœur de l’homme ». Les lignes d’écriture se révèlent parfois lignes de crêtes sinueuses, il deviendra d’abord sauveur des corps avant de muer en guérisseur des âmes, « je trouvais que la médecine était un métier très poétique ! ». Publiant alternativement romans et recueils de poésie, l’écrivain est aujourd’hui reconnu comme l’une des signatures majeures de la littérature africaine contemporaine.
La plume de Barnabé Laye ? « Celle d’un humaniste, à la recherche de l’homme dans sa quête d’identité », témoigne la plasticienne Franceleine de Bellefontaine, « elle est aussi regard sur le monde avec les soubresauts de son histoire, ses aspirations à plus de justice ». Ainsi en va-t-il dans ce second recueil, « Poèmes à l’absente », où Laye laisse exploser son sens du verbe acéré. « Incandescent », affirme Robert Jainin dans la préface. Un verbe qui caracole dans le clair-obscur, entre vision enchanteresse de l’univers et désolation de l’amour absent ou en perdition.
Des mots justes, limpides à l’image de ces peintures afros, prétendument naïves et pourtant si expressives. Yonnel Liégeois