Dogman et Le poirier sauvage, deux films pour l’été

En salles depuis le 11/07 pour Dogman de Matteo Garrone, depuis le 08/08 pour Le poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan…Deux films qui retiennent l’attention et méritent une pause rafraîchissante dans nos salles obscures. D’une vie de chien à… la vie de famille !

 

D’une vie de chien…

D’abord il y a ces aboiements, cette mâchoire d’un molosse enragé qui vous saute à la figure. Un pitbull blanc, attaché, qui menace celui qui essaie prudemment de le laver. Ça pourrait mal finir. Il faut y aller doucement avec les animaux. Marcello, toiletteur pour chiens à la fois discret et gentil, tient boutique dans une banlieue décrépite du sud de l’Italie. Il sait s’y prendre avec les bêtes, vend un peu de coke pour arrondir les fins de mois et emmène sa petite fille faire de la plongée loin de chez eux dès qu’il peut. C’est un homme bon, un candide, presque, comparé à ses voisins commerçants. Le retour de Simoncino qui vient de sortir de taule, armoire à glace, accro à la cocaïne et à la castagne, ne lui fait d’abord pas peur. C’est l’enfant du quartier, on le tolère. Jusqu’à ce qu’il terrorise tout le monde.

L’auteur de Gomorra (2008) et de Tale of tales (2015) s’est inspiré d’un fait divers pour raconter ce conte social et urbain en forme d’hommage appuyé au néoréalisme italien. La vie quotidienne des petites gens comme elle va, entre fiction et documentaire. Ici, outre le décor majestueux d’un vieux quartier HLM antique comme décroché du monde, c’est la candeur du protagoniste principal qui s’impose comme la carte maîtresse du film : il est de tous les plans et le récit est entièrement filmé de son point de vue. Un rôle de loser dans lequel Marcello Fonte fait merveille et qui lui a valu le prix d’interprétation au Festival de Cannes. Dogman est une auscultation émouvante des zones d’ombre de l’âme humaine et une jolie variation sur l’impasse de la violence.

 

…à la vie de famille

L’erreur majeure serait de se laisser décourager par les trois heures huit minutes du Poirier sauvage, l’équivalent de trois épisodes d’une série lambda. Si l’on connaît le caractère contemplatif du cinéma de Nuri Bilge Ceylan, dont le précédent opus Winter sleep avait reçu la Palme d’or à Cannes en 2014, on connaît aussi sa propension à étirer ou comprimer le temps, une heure-trois heures-cinq heures-finalement c’est pareil… Ainsi qu’à écrire des dialogues à l’infini pour mieux disserter sur l’art, la création, la religion, l’amour au beau milieu des affaires courantes et quotidiennes de la famille, du village, de la société. Au beau milieu d’un écrin somptueux fait de paysages, d’animaux, de lumière et d’amour absolu pour le monde paysan. De retour dans son village natal d’Anatolie, le jeune Sinan, qui a toujours rêvé d’être écrivain, cherche l’argent pour publier son manuscrit, tandis que l’addiction au jeu de son père a plongé toute la famille dans un cycle de dettes sans fin.

De ce scénario minimaliste, Ceylan livre un film magistral d’abord en forme d’hommage à la relation père-fils, au portrait d’un jeune artiste puis au portrait de famille. Il ne choisit pas et traite de tout, prend le risque de se perdre sans se perdre jamais, joue sans crier gare la carte de l’onirisme. Pour rendre son récit accessible par sa capacité à appréhender la complexité des relations, par l’ampleur de sa mise en scène et par la beauté poétique de sa photographie. Ceylan ne surplombe pas son spectateur. Simplement, il ne lâche rien de l’exigence artistique au service d’histoires de jeunes profs diplômés qui deviennent flics par manque de postes, de vieux profs qui s’égarent en jouant aux courses pour essayer de tromper la pauvreté, de puits sans eau et de poiriers sauvages. Dominique Martinez

1 commentaire

Classé dans Cinéma

Une réponse à “Dogman et Le poirier sauvage, deux films pour l’été

  1. zaccaron jean-louis

    j’ai vu le poirier sauvage. Un film magnifique, à recommander aux cinéastes français : ils verront ainsi un film avec un vrai scénario et des dialogues !

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