Avignon, le Verbe incarné

Alors qu’Avignon a frappé les trois coups de la 76ème édition de son festival, s’impose un lieu unique et magique qui fête ses 25 ans d’existence. Chantant, coloré, métissé : la Chapelle du Verbe Incarné, dédié aux théâtres d’Outre-Mer. Dirigé par Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain, un théâtre que salua en son temps le regretté Édouard Glissant, le grand poète et romancier antillais.

L’histoire de la Chapelle du Verbe Incarné, à partir du moment où elle a commencé d’être un lieu de théâtre, confirme un tel cheminement, et consacre un tel passage, de l’invitation à la relation, à la présence de la diversité, au chant du monde chanté par les poètes.

Nous nous y reconnaissons donc, qui entrons ensemble dans cette nouvelle région du monde (un théâtre de la totalité), que nous nous offrons mutuellement.

Grâces en soient pour cette fois rendues à Marie-Pierre Bousquet et à Greg Germain. Grâces en soient louées, pour les vieilles pierres et les mots neufs. De la face de cette Chapelle au remuement du monde. La façade de tout théâtre, ou l’ouverture d’espace qui en tient lieu, est de toutes les manières une horloge muette qui mieux que tout oracle nous indique l’heure qu’il est dans notre vie.

« Faire entendre la langue du théâtre de ceux que l’on ne voyait trop rarement sur les scènes de l’hexagone. Pourtant quelles extraordinaires richesses culturelles entre la France, la Caraïbe, l’Afrique, l’Océan Indien et tout ce vaste monde des Grands Larges. C’est long, très long de convaincre de la beauté de la diversité, de la richesse qui se dévoile lorsque s’entrechoquent des imaginaires divers… » 

La vie du théâtre, dans sa recherche de cette totalité qui ne serait pas totalitaire, est d’abord de tremblement. Ce qui nous étonne dans la programmation de ce lieu-ci, c’est qu’elle nous a donné à fréquenter des installations de scène qui ont allié les calmes sérénités des traditions les plus fondées, ou leurs transports les plus ingénus, d’Océanie, de la Caraïbe ou des Amériques, aux hésitations de formes de théâtre qui s’essayaient là et qui, venues elles aussi du monde, approchaient en effet le monde, tâtant et devinant.

J’AI CONÇU MERVEILLE D’UNE TELLE OFFRANDE.

Il n’était pas étonnant qu’un tel effort fût mené en Avignon, où les théâtres de vrai se bousculent, s’interrogent et s’insurgent, et où les fumées  montent de partout, parmi les carnavals d’affiches et les bals d’échasses.

Ces fumées des flambeaux, flambées des mots qui brûlent en chacun, sont un autre lieu de mise en scène du monde, comme le sont éternellement nos Baies et nos Anses, autour de leurs Rochers prophétiques. Édouard Glissant

La chapelle, toute une histoire !

 C’est en 1997 que le comédien Greg Germain, en compagnie de Marie-Pierre Bousquet, obtient, par convention avec la ville d’Avignon, le droit d’occuper la Chapelle du Verbe Incarné, une ancienne chapelle désaffectée. L’enjeu ? En incluant les créateurs d’Outre-Mer dans le concert culturel national, permettre que l’identité culturelle soit reconnue comme un élément de la richesse culturelle de la France d’aujourd’hui, et non comme un motif d’exclusion explicite ou implicite.

L’année suivante, celle du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, la première édition du TOMA, Théâtres d’Outre-Mer en Avignon, y est donnée !

Depuis lors, le lieu s’est imposé en notoriété et qualité. Désormais incontournable dans le paysage du festival, donnant à voir et applaudir talents et créations d’Outre-Mer et d’Afrique, faisant connaître la diversité des théâtres de langue française, créant des liens entre artistes par la confrontation et l’exigence des regards croisés, instaurant parmi les opérateurs du théâtre dans l’hexagone une réelle prise en compte des compagnies de l’Outre-Mer en les intégrant aux circuits de diffusion nationaux… Yonnel Liégeois

Une sélection pour l’édition 2022 :

– Le jour où mon père m’a tué : À l’aube de ses 18 ans, Roméo dit Black Bird décide de venir vivre chez son père. Les deux hommes ne se comprennent pas, ils s’affrontent. Le père tue le fils, les médias s’emparent du drame. De Magali Solignat et Charlotte Boimare, dans une mise en scène de la guadeloupéenne Magali Solignat, meilleur texte francophone ETC Caraïbes/SACD/BEAUMARCHAIS et Prix Textes en paroles.

– Pinocchio 21 : Quand la fée bleue exauce le vœu le plus cher de Gepetto, celui-ci ne s’attend pas à se retrouver papa d’un petit gars d’aujourd’hui, rappeur à ses heures ! Drôle, féerique et philosophe, une libre adaptation du chef-d’œuvre de Collodi ancrée dans notre siècle et qui apporte une réflexion nouvelle sur notre humanité. Texte et mise en scène du réunionnais Antoine Chalard.

– Spectre : Le spectre de la mort s’est invité dans nos lieux de travail, dans nos foyers et a bouleversé les comportements. Un spectacle hommage aux âmes disparues, où se dansent joies, peines, colères et libertés bafouées. Désormais, il n’y a plus de grosses embrassades, de mains serrées chaleureusement…Mise en scène et chorégraphie du martiniquais David Milôme.

– De Vénus à Miriam, au pas de mon chant : La chorégraphe guadeloupéenne Chantal Loïal invite Marie-Claude Bottius, la soprano martiniquaise, à entrer dans la danse pour réinventer totalement son spectacle « On t’appelle Vénus »…  Une création artistique, puissante et bouleversante, qui dénonce avec force l’exploitation et la profanation du corps de l’esclave sud-africaine Sarah Baartman. Entre chant et danse, un voyage poétique en hommage aux ancêtres esclaves, un combat artistique contre les discriminations.

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Classé dans Festivals, Littérature, Musique et chanson, Rideau rouge

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