Jusqu’en janvier 2023, à Landerneau (29), une grande exposition retrace le parcours d’Ernest Pignon-Ernest. Un artiste hors-norme qui, depuis 1966, appose des images grand format sur les murs des villes pour interpeller les citoyens. Plus de 300 œuvres rassemblées, photographies-collages-dessins-documents, pour signifier la puissance créatrice de ce pionnier de l’art urbain.

L’exposition, présentée en l’espace Leclerc de Landerneau jusqu’au 15 janvier 2023, retrace le parcours d’Ernest Pignon-Ernest. Mieux encore, elle explique sa démarche , artistique-intellectuelle-politique, d’hier à aujourd’hui. Plus de 300 œuvres, photographies-collages-dessins-documents, sont exposées, évoquant ses interventions de 1966 à nos jours. L’artiste voyage et se nourrit de rencontres, toujours dans un esprit d’engagement politique et social. Défenseur de grandes causes, gardien de la mémoire et de l’histoire collective… Ernest Pignon-Ernest est considéré comme l’initiateur du « street art ».

La démarche du plasticien est autant artistique que politique, elle s’inscrit dans des lieux et des événements donnés. Comme il s’en explique, « un grand malentendu a consisté longtemps à privilégier mes dessins, à en faire l’œuvre même, à les considérer en oubliant qu’ils ne sont conçus (…) que dans la perspective de leur relation aux lieux ». Loin d’être de simples collages, ses oeuvres sont des interventions cherchant à apostropher les habitants. Ainsi, quand il colle en 1974 ses « Immigrés » sur le bas des façades des belles maisons bourgeoises d’Avignon, ils sont enfermés dans un soupirail. « Cette image est née d’un dialogue avec un groupe de travailleurs immigrés d’Avignon. (…) Ce qui sautait aux yeux, c’est qu’ils étaient pratiquement tous cantonnés dans des tranchées ou des caves, qu’ils n’étaient littéralement pas au même niveau ».

Même chose avec sa série des « Expulsés », montrant un couple avec valise et matelas roulé sous le bras, qu’il placarde de 1977 à 1979 sur les immeubles éventrés d’un Paris en pleine rénovation urbaine. Ernest Pignon-Ernest affiche ses convictions en même temps que ses dessins et prend clairement partie contre les injustices. En 1975, alors que la loi visant à légaliser l’avortement est débattue à l’Assemblée, l’artiste collera les images d’une femme nue agonisant pour signifier que les avortements clandestins tuent en premier lieu les femmes.

Quand des centaines d’images d’une famille noire parquée derrière des barbelés surgissent à Nice en 1974, c’est pour dénoncer l’apartheid et s’opposer à la décision du conseil municipal de jumelage avec la ville du Cap en Afrique du Sud. L’initiateur du « street art » a parcouru le monde et en s’inspirant de l’histoire des lieux qu’il a investis, il a fait resurgir les spectres du passé pour mieux interpeller le présent comme l’avenir. Des figures de résistants sont venues rappeler leurs combats : le militant Maurice Audin (torturé et assassiné par l’armée française en 1957) dans les rues d’Alger en 2003 comme le poète palestinien Mahmoud Darwich à Ramallah en Palestine en 2009. Ernest Pignon-Ernest rendra encore hommage en 2015 au réalisateur Pier Paolo Pasolini, 40 ans après son assassinat. Il dessine son portrait, tenant dans ses bras son propre corps, qu’il colle sur les murs de Rome et de Naples. Amélie Meffre
À lire :

Le précieux Face aux murs (288 p., 30€), l’album qui rassemble une large sélection des œuvres éphémères d’Ernest Pignon-Ernest. Avec les textes d’une cinquantaine d’auteurs qui, dans des formes diverses (poèmes, récits, essais), reviennent sur leur rencontre avec l’artiste et l’une de ses œuvres (Ed. Delpire, 288 p., 30€).
Disponibles, aussi, le catalogue de l’exposition de Landerneau (230 p., 35€) et le magnifique ouvrage d’art que lui consacre André Velter chez Gallimard (360 p., 50€).