Journal atypique, le Papotin est le fruit d’une aventure peu banale. Initié par l’éducateur Driss El Kesri, chaque semaine, il donne la parole à de jeunes autistes de la région parisienne. Sans langue de bois, dans l’écoute et le respect.

Le Papotin ? Avant tout, un journal atypique dont l’aventure a débuté à l’hôpital de jour d’Antony (92), il y a plus de trente ans déjà… Aujourd’hui, la conférence de rédaction hebdomadaire rassemble des jeunes d’une quinzaine d’établissements de la région parisienne pour mener à bien, et dans la gaieté, l’accouchement de leur journal. Driss El Kesri est le rédacteur en chef de cette petite entreprise de concertation qui ne connait pas la langue de bois ! Bien au contraire, la leur est verte, les questions décomplexées, les interventions déconcertantes de naïveté et parfois percutantes de vérité : une fraîcheur oubliée ou censurée par nos esprits trop formatés.

Chacun a ses thèmes de prédilection, ses obsessions, ses interrogations récurrentes qui, au final, composent un patchwork brut de décoffrage, poétique et drôle. Fidèle au poste, Arnaud est présenté affectueusement par Driss comme le « 1er Papotin », c’est ensemble qu’ils ont conçu le journal à ses débuts : un personnage attachant, très calme et réservé, gérant avec une extrême courtoisie ses questions sur l’âge, le tutoiement ou la permission éventuelle de « renifler les doigts de pied » d’une fille… Assis à sa gauche, Thomas, un beau brun rieur d’une vingtaine d’années, serre fort sa chérie Diane.

Les prises de parole se succèdent, les sentences fusent « les femmes sont moins fortes que les hommes ! », avec une réponse immédiate « Ah ! vous ne connaissez pas ma mère ! ». Un éclat de rire général, qui n’atteint pas Esther, jeune femme brune au regard noir et inquiet : c’est la portraitiste du groupe, elle demande à toute personne l’autorisation de la dessiner. . Très vite on en vient au sujet à la « Une » du prochain numéro, l’interview du lendemain. La première personnalité à s’être volontairement soumise à cette expérience fut Marc Lavoine, compagnon de route depuis le début, co-auteur avec Driss el Kesri de l’ouvrage Toi et moi on s’appelle par nos prénoms- le Papotin, livre atypique.

Nombreux sont celles et ceux qui ont accepté de se prêter au jeu de cette interview corrosive, sans filet : Jacques Chirac, Barbara, Philippe Starck, Renaud, Ségolène Royal etc… C’est Frédéric Mitterrand qu’ils doivent rencontrer, l’excitation est à son comble. Pour Arnaud, une question cruciale : « Driss, tu crois que je pourrai le tutoyer ? », « sans doute, il faudra lui demander ». Nicolas annonce « qu’il mettra un costume » et Johan, comme à son habitude, préparera un discours politique blindé de chiffres et de détails. Dans la salle, un groupe de jeunes, élèves du lycée Expérimental de Saint-Nazaire, n’ont pas perdu une miette des échanges. Peut-être, deviendront-ils des adultes plus tolérants et plus ouverts dans leur vie au quotidien…

La conférence de rédaction s’achève, le groupe se disperse. Alors, une évidence s’impose : ces jeunes autistes communiquent sans faux semblants ni tabous, s’écoutant mutuellement et se respectant. En fait, tout le contraire de la façon de faire des gens dits « normaux », pourtant censés ne pas avoir de problèmes de communication. Chantal Langeard
Les rencontres du Papotin sont diffusées sur France 2, un samedi par mois à 20h30 et en replay sur france.tv. Sur inscription, le Club France TV permet d’assister à France Télévisions, le mercredi 16/11 en soirée, à la projection en avant-première du prochain numéro.