Les 2 et 3/02 au CDN de Caen, les 8 et 9/03 au CDN de Besançon, se joue Par autan dans une mise en scène de François Tanguy. Passé le choc de la disparition subite du créateur, le Théâtre du Radeau poursuit la tournée d’un spectacle d’une magnifique beauté.
La stupeur de la disparition de François Tanguy s’estompant lentement avec le temps, le Théâtre du Radeau a repris la route et poursuit la tournée de son dernier opus, Par autan, créé en mai 2022. Lors de la première étape au Théâtre national de Strasbourg, un intense moment d’émotion pour l’équipe et les comédiens, Laurence Chable en tête, sans François Tanguy, mais avec lui quand même absolument partout dans le spectacle, comme dans tous ses spectacles, toujours… Tout au plus, sommes-nous plus attentifs aujourd’hui à cette omniprésence. On pense aussi, du coup, à la chaise vide posée sur le plateau lors des représentations du théâtre Cricot après le décès de son créateur Tadeusz Kantor, cet autre artiste absolu que François Tanguy appréciait tant.

L’émotion est d’autant plus forte cette fois-ci que François Tanguy, emporté par le souffle de ce vent d’autan qui balaye tout sur son passage, semblait en train de se frayer un nouveau chemin dans son parcours d’artiste. Ce vent, on le sent, on l’aperçoit dans ses effets, avec ces grands rideaux flottants qui se gonflent juste devant les comédiens, parfois collés en ligne les uns aux autres ne pouvant résister au mouvement et l’accompagnant. C’est magnifique, beauté sur beauté, celle du plateau dans les nouvelles configurations de cadres, dans la circulation des comédiens toujours étrangement accoutrés, avec coiffes, postiches bien visibles et se présentant comme tels, gants, chapeaux, costumes et accoutrements mirobolants tout droit sortis de malles sans fond, et autres accessoires. Tout ça on connaît, pourtant le retour au même est toujours nouveau, renouvelé, comme les déplacements dans une chorégraphie parfois acrobatique, sans cesse réétudiée. Ces olibrius nous sont désormais fraternels, fantômes bien présents, on les retrouve d’un spectacle à l’autre dans de nouvelles postures, dans de nouvelles figures.

C’est cependant un nouveau chemin que François Tanguy traçait avec Par autan : on pourra désormais toujours rêver en imaginant vers quelles autres contrées il nous aurait mené. Quelque chose d’autre s’ouvre avec ce spectacle dont le titre, après Passim, Soubresaut et Item, a définitivement quitté les rives musicales (Choral, Orphéon, Coda, Ricercar, Onzième, etc.) et donne à entendre, sans plus, les grommelots d’antan qui s’appuyaient certes sur les textes des mêmes auteurs (Robert Walser, Shakespeare, Kafka, Tchekhov, Dostoievski et quelques autres). Pour bien enfoncer le clou (de la compréhension ?), un petit « livret de paroles » est distribué aux spectateurs…Et toujours, plus que jamais, les extraits musicaux de Brahms, Dvorak, Grieg, Scarlatti, Schumann, entre autres, résonnent, alors même qu’un nouveau venu, le pianiste Samuel Boré, vient se mettre de la partie et ajouter à l’ordre/désordre du plateau. Autre dimension qui se fait jour, celle d’un certain humour lové au cœur de ce bric-à-brac si bien agencé.

Oui, vraiment, vers quels chemins François Tanguy allait-il nous mener ? Avec ses très fidèles Laurence Chable et Frode Bjǿrnstad, accompagnés cette fois-ci par Martine Dupré, Vincent Joly, Érik Gerken, Samuel Boré donc et la petite dernière Anaïs Muller. Et toujours avec François Fauvel à la régie et aux lumières, Éric Goudard au son… Jean-Pierre Han
Par autan, mise en scène de François Tanguy : au CDN de Caen (les 2 et 3/02), au CDN de Besançon (les 8 et 9/03).