Jussqu’au 05/02, au Théâtre de L’épée de bois (75), Bernard Sobel propose La mort d’Empédocle (fragments). Du poème-manifeste d’Hölderlin, pièce au romantisme tragique de l’auteur allemand qui sombrera dans la folie, le metteur en scène offre une version épurée d’une sublime beauté.
Qu’il n’en déplaise aux grincheux ou férus d’une prétendue modernité, que s’en réjouissent les amoureux du répertoire et du travail bien fait, Bernard Sobel n’a toujours pas paraphé le dernier acte ! À 87 ans, l’ancien « patron » du CDN de Gennevilliers (92) remet l’œuvre en chantier et frappe de nouveau les trois coups sur les planches de L’épée de bois : du 100ecs rue de Charenton hier au bois de Vincennes aujourd’hui, sa Mort d’Empédocle s’impose en toute majesté et nudité. Du grand art, la parole dépouillée de tout artifice.

Face au public, l’immense plateau du théâtre de pierre, une puissante muraille percée de trois ouvertures en belle ogive qui s’enflammeront de couleurs rougeoyantes au fil de la représentation, rien que çà et c’est déjà beaucoup… Des gradins, descendent et montent les interprètes, d’autres s’éclipsent par les portes latérales, des mouvements à la symbolique épurée, avec Sobel chacune et chacun parent à l’essentiel : la profération du verbe, en solo ou en dialogues d’une haute intensité ! Renié, rejeté par les siens, il se raconte qu’Empédocle le philosophe s’est jeté dans les flammes de l’Etna. Non par dépit ou déception, pour l’amour de la vie et de la liberté.

Bernard Sobel, épaulé par Michèle Raoul Davis, s’affronte à la troisième et ultime version de la pièce-poème d’Hölderlin : celle où Empédocle aspire à la solitude, après avoir côtoyé les dieux. De son bannissement par le peuple d’Agrigente qu’il a pourtant sauvé des ruines, il invoque l’espoir d’une vie autre plutôt que de pleurer sur son tragique destin. Sur la cendrée du plateau, gravissant symboliquement les coulées de lave pour atteindre les lèvres du volcan, d’un pas claudiquant et repoussant son ultime serviteur il en appelle à la mort par amour de la sérénité retrouvée. Loin des honneurs et de la gloire éprouvée, de la révolution avortée et de la démocratie bafouée, loin de la puissance des dieux qu’il a osé défier.

Osez savourer la folle poétique d’Hölderlin, poser un pas assuré dans ceux d’Empédocle, gravir les sommets d’une mise en scène percutante. Ici, tout est symbole : le geste, le verbe, le décor, les costumes, les lumières. Un spectacle d’une rare incandescence, avec un magistral Matthieu Marie dans le rôle-titre, adoubé par la prestance d’une troupe à la finesse extrême, cerné par les jeunes élèves de la Thélème théâtre-école de Julie Brochen d’une belle présence. Bernard Sobel en éruption, un grand moment de création ! Yonnel Liégeois
La mort d’Empédocle (fragments) : jusqu’au 05/02 (Jeudi, vendredi 21h, samedi 16h30 et 21h, dimanche 16h30) au Théâtre de L’épée de bois.