Jorge Semprun, l’écriture ou la vie

Jusqu’au 26/07 en Avignon (84), au Théâtre des Halles dirigé par Alain Timar, Hiam Abbass et Jean-Baptiste Sastre présentent L’écriture ou la vie. Une adaptation du livre de Jorge Semprun, au titre éponyme, où l’écrivain tente d’exorciser la mort après son expérience des camps de concentration, à Buchenwald. Un spectacle poignant, percutant, pour qu’explose la vie.

Chapelle du Théâtre des Halles, un espace confiné, à l’image de la promiscuité qui régnait dans les baraquements de la mort… La faucheuse avance masquée, comme les comédiens au visage d’une blancheur marbrée, encagés entre les murs de pierre. Seuls de minces éclats de lumière scintillent dans les yeux des protagonistes, éclairent la noirceur du temps qui nous est conté. D’un moment l’autre, ils surgissent de derrière de hauts fourneaux, peut-être, hauts rouleaux de carton pliés ou déployés à convenance, aux couleurs sombres ou vives selon l’inspiration de la jeune plasticienne Caroline Vicquenault. Qui partage la scène avec deux immenses comédiens, la palestinienne Hiam Abbass et le hongrois Geza Rohrig, interprète principal du film Le fils de Saul, Grand prix au festival de Cannes 2015 et Oscar 2016 du meilleur film étranger.

De l’une et l’autre, la voix porte, tantôt tonnante et puissante, tantôt chantante ou chuchotante, pour clamer la fureur de vivre de celui qui ne cessera de « remuer le passé, mettre au jour ses plaies, purulentes, pour les cautériser avec le fer rouge de la mémoire ». Une mission salutaire, L’écriture ou la vie, à laquelle se résout Jorge Semprun (1923-2011), matricule 44904, après de longues années de silence sur son expérience mortifère. « Le XXème siècle fut certainement l’un des siècles les plus violents de l’histoire », commente Jean-Baptiste Sastre, le bouillonnant metteur en scène. Celui qui promène son imaginaire explosif des communautés Emmaüs à la Cour d’honneur du Palais des papes d’Avignon, des enfants de Naplouse aux détenus de la prison de Toulon ne pouvait à son tour se taire plus longtemps, à la vue de ce mal au monde qui survit à Auschwitz… Avec ce travail de création sur l’œuvre de Semprun, il tente de répondre à l’interrogation portée par l’auteur en personne : comment raconter une vérité peu crédible, comment susciter l’imagination de l’inimaginable ? « En travaillant la réalité, avec un peu d’artifice ! ».

Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass en sont convaincus : à l’heure où les survivants glissent dans le silence de l’Histoire, « si parler est impossible, se taire est interdit ! ». D’où ce devoir de mémoire qu’ils font leur, quand le fascisme prend couleur de la haine raciale, du fanatisme, de la purification ethnique et des nationalismes exacerbés. Futilité ou espoir ? Sur le décorum cartonné du final, planant au-dessus d’une large ligne colorée rouge-sang, le vol noir des corbeaux a cédé la place à l’aile blanche d’une colombe. Yonnel Liégeois

L’écriture ou la vie, de Jorge Semprun : avec Caroline Vicquenault, Geza Rohrig, Hiam Abbas et Jean-Baptiste Sastre également co-metteurs en scène. Jusqu’au 26/07, à 11h00 (relâche les 13 et 20/07). Théâtre des Halles, 22 rue du Roi René, 84000 Avignon (Tél. : 04.32.76.24.51).

De Châteauvallon à Toulon

De la production de L’écriture ou la vie par le théâtre Liberté de Toulon à l’explosion de son Festival d’été qui s’ébroue au grand air sur la pinède de Châteauvallon jusqu’au 26/07, la scène nationale du Var au double visage fourmille de créations et de projets. Pour les petits et grands, de la danse du Nederlands Dans Theater aux dialogues musicaux des fantasques Fromager-Laloux, De l’Opéra national du Rhin avec On achève bien les chevaux à l’Opéra de Toulon avec le Mozart-Requiem de Bartabas… Charles Berling, le directeur des lieux, metteur en scène et comédien, n’en démord pas, il veut encore croire que le bonheur est contagieux ! L’interprète de Léon Blum, une vie héroïque a inscrit à l’éphéméride de la prochaine saison, de mars à mai 2024, un temps fort sur la thématique « Oh ! Travail… ». Souffrance, labeur ou émancipation : que pouvons-nous espérer aujourd’hui du travail ? Une question, parmi d’autres, qui surgira d’un spectacle à l’autre, en salle ou en plein air, sur les scènes du Châteauvallon-Liberté.

Châteauvallon : 795 chemin de Châteauvallon, 83192 Ollioules. Le Liberté : Grand Hôtel, place de la Liberté, 83000 Toulon. Tél. : 09.80.08.40.40.

Poster un commentaire

Classé dans Festivals, Littérature, Pages d'histoire, Rideau rouge

Laisser un commentaire