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Limoges, capitale de la francophonie

Du 20/09 au 01/10, à Limoges (87) et alentour, se déroulent les Zébrures d’automne ! Sous la férule du metteur en scène et directeur, Hassane Kassi Kouyaté, un hymne à la francophonie dans une myriade de propositions artistiques et culturelles… De la Haute-Vienne à l’archipel caraïbéen, de l’ouest africain aux territoires ultra-marins, un festival aux saveurs épicées et aux paroles métissées.

« En ces temps identitaires, où certains remontent obstinément le cours du temps à la recherche d’une source « pure », où la complexité du monde n’a jamais provoqué de réponses aussi simplistes », commente Alain Van der Malière, le président des Francophonies, « il ne faut pas manquer ce rendez-vous de septembre à Limoges » ! Au menu, rencontres, débats, expos, musique, lectures, cinéma et théâtre : autant de propositions artistiques pour célébrer la francophonie, une langue et son pouvoir de création, dans une riche palette multiculturelle. Comédiens et musiciens de Guadeloupe et de Martinique, du Mali et de Guinée, de France et de Belgique, de La Réunion et de Haïti, femmes et hommes de toutes couleurs, ils sont au rendez-vous de cette nouvelle édition des Zébrures d’automne. Pour donner à voir et entendre, danser et chanter une humanité métissée et une fraternité partagée…

« Les Francophonies sont par excellence le lieu d’ouverture au monde. L’endroit où l’on peut côtoyer la différence qui nous fait autre », proclame avec enthousiasme Hassane Kassi Kouyaté, metteur en scène et directeur du festival. « La création d’expression française est d’une incroyable fraîcheur, qui mérite bien mieux qu’un simple clin d’œil. Déjà, pour la seule France, il faut savoir qu’en moult lieux d’Outremer on n’y trouve ni conservatoire, ni école artistique, parfois même pas de salle de théâtre ou de concert ». Selon l’homme de théâtre, il devient donc urgent d’insuffler une politique volontariste en ce domaine, se réjouissant que par leur existence les Francophonies bousculent les consciences dans le bon sens ! Qui ouvre ensuite son propos à un horizon plus large encore : veiller à ce que la francophonie ne se limite pas aux anciens pays colonisés ou aux membres de l’O.I.F, l’Organisation internationale de la francophonie. « L’Algérie n’en fait pas partie, on y parle encore français, à ce que je sache ! Mon parti pris ? Élargir la francophonie à tous les artistes créant en langue française ».

Le festival ouvrira les réjouissances le 20/09 par un hommage appuyé, et mérité, à Monique Blin disparue en janvier 2022. Une soirée en mémoire de celle qui, avec Pierre Debauche alors directeur du Centre dramatique national du Limousin, créera le premier festival des Francophonies en 1984 et le dirigera jusqu’en 1999 ! Sous sa houlette, émergeront des talents aujourd’hui reconnus : Robert Lepage, Wajdi Mouawad… Pour se clore, le 01/10, avec une « conversation » en compagnie de Daniel Maximin, le poète et romancier antillais qui partagera son regard sur les mondes artistiques et littéraires contemporains. Entre ces deux dates, dans un florilège de créations, quatre spectacles qui s’attarderont sur le territoire métropolitain : La cargaison du 22 au 24/11 au Théâtre du Point du Jour à Lyon, Anna, ces trains qui foncent sur moi les 13 et 14/10 à l’Opéra-Théâtre de Metz, Mon Éli du 09 au 13/05 au Glob Théâtre de Bordeaux, L’amour telle une cathédrale ensevelie du 11/11 au 11/12 au Théâtre de la Tempête à Paris. Yonnel Liégeois

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XY, l’abécédaire poétique

Du 07 au 18/09, la compagnie XY propose Möbius à Chaillot (75), le Théâtre national de la Danse. Une incroyable valse poétique de portés acrobatiques, la grâce et la beauté au rendez-vous. La gestuelle des corps portée à son extrême perfection !

Grâce, beauté, poésie en une incandescente harmonie : durant plus d’une heure, subjugué par les prouesses de la compagnie XY, autant physiques que symboliques, l’imaginaire du spectateur s’envole dans les cintres du chapiteau. Alors que tout se passe au sol, dans la blancheur d’un faisceau lumineux, dans la noirceur des tenues des interprètes… Acrobates, danseurs ? Une envolée d’oiseaux plutôt, majestueuse séquence d’un film animalier, l’impressionnante image d’entrée de la troupe sur le plateau ! Collés-serrés, battant des ailes, un nuage roule, s’enroule et déroule, noir sur blanc, nuée d’humains s’envolant vers un ailleurs incertain. La gestuelle des corps portée à son extrême perfection !

Un voyage en terre inconnue où seuls saltos, portés et voltiges scandent le temps qui file et défile en mouvements d’une grâce et d’une beauté indescriptibles. Projeté en un autre monde, le public retient son souffle, de crainte d’ébranler l’époustouflante pyramide qui s’élève dans l’espace… Sans effort apparent, scandé par une languissante musique, avec élégance et douceur quand la puissance et la dextérité physiques s’estompent dans la magie d’un fantastique porté… Et de son impressionnante hauteur, images au ralenti d’une poésie sidérante, la majestueuse colonne de glisser au sol dans une lenteur calculée. Orchestrées par Rachid Ouramdane, le chorégraphe et directeur de Chaillot, le théâtre national de la danse, les figures s’enchaînent sans temps mort. Un mouvement perpétuel des corps, même si l’un ou l’autre des dix-neuf interprètes fuient le plateau un fugace instant pour y revenir de plus belle, à vive allure, de petits sauts en larges envolées…

Le message fuse dans les airs, abolissant la frontière entre l’individuel et le collectif : seul on est rien, ensemble soyons tout ! La gestuelle fine et précise pour assurer, rassurer et protéger l’autre dans un périlleux exercice, le numéro solitaire qui prend sens et toute beauté sous le regard protecteur et dans la main ferme de la troupe, aucun plus doué et affranchi qu’un autre, chacune et chacun d’un égal talent lorsque les figures s’enchaînent à une cadence effrénée. Un ballet réglé à grande vitesse, où la peur de faillir libère les applaudissements nourris, les respirations suspendues et les bouches grandes ouvertes. Un public en apnée, du début à la fin d’un spectacle étonnamment signifiant, presque une expérience métaphysique nimbée d’une puissante poétique où les mots solidarité et fraternité s’enracinent dans le blanc des yeux pour s’envoler au bleu des cieux. Yonnel Liégeois

Une expérience inédite

Pour la première fois, la compagnie XY, dont les spectacles Le Grand C et Il n’est pas encore minuit… avaient enchanté La Villette en 2012 et 2015, s’est associée avec Rachid Ouramdane, chorégraphe et directeur de Chaillot, le théâtre national de la danse. Forts de leurs expériences artistiques respectives, ils se tournent ensemble vers ce qui les dépasse et cherchent à explorer les confins de l’acte acrobatique. À l’instar des centaines d’étourneaux qui volent de concert dans d’extraordinaires ballets aériens, les dix-neuf interprètes de Möbius inscrivent leurs mouvements dans une fascinante continuité. Leur communication invisible autorise les renversements, les girations, les revirements de situations. Se crée ainsi un territoire sensible tissé de liens infiniment denses et parfaitement orchestrés, une véritable ode au vivant qui nous rappelle l’absolue nécessité de « faire ensemble ».

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Cosne, les mécanos du théâtre

Du 26 au 31 août, à Cosne-sur-Loire (58), le Garage Théâtre propose la troisième édition de son festival d’été. Un lieu imaginé et conçu par le dramaturge Jean-Paul Wenzel et Lou, sa fille comédienne… Une décentralisation réussie en ce troisième millénaire et un souffle nouveau pour une programmation de haute volée.

Jean-Paul Wenzel n’est point homme à s’effondrer devant l’adversité ! Que la Drac Île-de-France lui coupe les subventions et l’envoie sur la voie de garage pour cause d’âge avancé ne suffit pas à l’intimider… Bien au contraire, jamais en panne d’imagination, avec le soutien de sa fille Lou et d’une bande de joyeux drilles, il retape « au prix de l’énergie de l’espoir, et de l’huile de coude généreusement dépensée » selon les propos du critique Jean-Pierre Léonardini, un asile abandonné pour voitures en panne : en 2020, les mécanos nouvelle génération inaugurent leur nouvelle résidence, le Garage Théâtre ! Loin des ors de la capitale, dans la Bourgogne profonde, à Cosne-sur-Loire, bourgade de 10 000 habitants et sous-préfecture de la Nièvre…

« J’avais envie de créer une nouvelle aventure de décentralisation », confie Jean-Paul Wenzel. « Grâce à Agnès Decoux, une amie de longue date qui habite Cosne, m’est venue l’idée de rechercher un lieu pour y fabriquer un abri théâtral et j’ai trouvé cet ancien garage automobile avec une maison attenante ».

Wenzel est connu comme le loup blanc dans le milieu théâtral. Comédien, metteur en scène et dramaturge, avec une bande d’allumés de son espèce, les inénarrables Olivier Perrier et Jean-Louis Hourdin, il co-dirige le Centre dramatique national des Fédérés à Montluçon durant près de deux décennies. Surtout, il est l’auteur d’une vingtaine de pièces, dont Loin d’Hagondange, un succès retentissant, traduite et représentée dans plus d’une vingtaine de pays, Grand prix de la critique en 1976. Loin de courir après les honneurs, l’homme de scène peut tout de même s’enorgueillir d’être deux fois couronné par la SACD, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques : en cette année 2022 pour l’ensemble de son œuvre et quarante-cinq ans plus tôt, en tant que… jeune talent !

Depuis trois ans maintenant, le Garage Théâtre accueille donc à l’année des compagnies où le public est convié gratuitement à chaque représentation de sortie de résidence. À l’affiche également un printemps des écritures où, autour d’un atelier d’écriture ouvert aux habitants de la région, sont conviés des auteur(es) reconnus comme Michel Deutsch, Marie Ndiaye, Eugène Durif… Enfin, du 26 au 31/08, se tient le fameux festival organisé par la Louve, du nom de la compagnie de Lou Wenzel : au programme théâtre, musique et danse avec des spectacles ouverts à tous et de plus en plus plébiscités par le public.

« Cette nouvelle aventure de décentralisation est encourageante, elle promet un avenir joyeux », confie Jean-Paul Wenzel avec gourmandise. « Après la création du Centre dramatique de Montluçon et les Rencontres d’Hérisson (petit village de 700 habitants) dont j’ai partagé l’animation avec Olivier Perrier pendant 28 ans, ce désir de poursuivre un théâtre de proximité et d’exigence ouvert au plus grand nombre, tel le Théâtre du Peuple à Bussang, me tient toujours autant à cœur », avoue le dramaturge sans cesse à fouler les planches ! Qu’on se le dise : en novembre 2022, il squattera les Bouffes du Nord à Paris, lieu emblématique du regretté Peter Brook, dans Les couleurs de l’air du jeune auteur et metteur en scène Igor Mendjisky !

Confiant en l’avenir, Jean-Paul Wenzel l’affirme, persiste et signe, « le théâtre ne peut pas mourir » ! « J’ai fait toute ma carrière dans le théâtre public, je suis un enfant de la République ». Se désolant cependant qu’aujourd’hui « cette même République s’éloigne peu à peu de son rôle essentiel qui est de soutenir ce lien si précieux entre l’art et le peuple », élargissant son regard à tous les services publics en déshérence : éducation, hôpital, transports… « Un peuple sans éducation, sans culture, sans confrontation à l’art, est un grand danger pour la République », affirme-il avec force et moult convictions. Jean-Paul Wenzel ? Un grand homme des planches, un citoyen de haute stature. Yonnel Liégeois

Le Garage Théâtre, 235 rue des Frères-Gambon, 58200 Cosne-sur-Loire (Tél. : 03.86.28.21.93) le.garage.theatre@gmail.com

DEMANDEZ LE PROGRAMME, une sélection :

– Le 26/08 à 21h00 : « Le trouble fête », (cie La Louve). Scénario et mise en scène : Vivianne Théophilidés. Jeu : Lou Wenzel

– Le 27/08 à 20h30 : « Léo 38 ». Chant : Monique Brun. « C’est bouleversant, sans rien que l’amour le plus franc », Jean-Pierre Léonardini

– Le 28/08 à 19h00 : « Profession prophétesse » ou la prophétie dans mon boudoir. Adaptation et jeu : Valérie Schwarcz et Karine Dumont. Une production du Théâtre des Ilets, CDN de Montluçon, et du Théâtre des Lucioles, avec le soutien des Plateaux sauvages.

– Le 29/08 à 21h00 : « LUX » (cie Yma) : Qu’avons-nous fait des étoiles ? Conception- Chorégraphie : Chloé Hernandez. Interprétation-chorégraphie : Juliette Bolzer. Création vidéo-chorégraphie : Orin Camus. Création Lumière-régie générale : Sylvie Debare. Création Musicale : Fred Malle. Texte additionnel : Fabrice Caravaca

– Le 30/08 à 21H00 : « Colère Noire », de Brigitte Fontaine (texte édité aux éditions Les belles lettres/Archimbaud). Adaptation, mise en scène et jeu : Gabriel Dufay. Musique : Alice Picaud. Lumière : Juliette Oger-Lion. Régie son/vidéo : Anais Georgel

– Le 31/08 à 19h00 : Surprise avec Gilles David, de la Comédie Française. À 21h00 : Close UP, de Koffi Kwahulé. Jeu : Denis Lavant. Saxophone : Camille Secheppet

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De Claudel à Thomas Bernhard…

Jusqu’au 26/02 aux Déchargeurs (75), Salomé Broussky propose Le pain dur de Paul Claudel. Une pièce de jeunesse, sans concession sur les méfaits de l’argent. Sans oublier Le jour se rêve, le ballet de Jean-Claude Gallotta et Maîtres anciens de Thomas Bernhard.

Déterminée, exaltée, la jeune et belle Lumir n’en démord pas : pour la cause, la libération de la Pologne, quoiqu’il en coûte il lui faut récupérer l’argent ! Harcelant sans répit Turelure, ce parvenu méprisant et convaincu que tout s’achète et se vend, pour qu’il lui rende cette somme de 20 000 francs… Tout est pourri au royaume de Coufontaine : l’affection entre père et fils, l’amour entre amants, la tendresse entre fille et père. La morale, la foi, les hautes valeurs de justice et liberté pour lesquelles on prétend se battre ? Rien ne résiste à l’appât du gain, à l’attrait de l’argent, il est nouveau dieu qui terrasse toute religion ou louable utopie. « La force du Pain dur ? C’est un thriller métaphysique où le langage est à fois poétique et abrupt (…) J’ai été saisie par la portée universelle du propos, par les manipulations imbriquées les unes dans les autres, par la noirceur des personnages », témoigne Salomé Broussky, la metteure en scène. « Tous sont à la fois antipathiques et très humains. Chacun veut triompher, sans considération pour autrui ». Un décor minimaliste, des costumes rougeoyants d’avidité, un quatuor de comédiens à l’éloquent phrasé pour un Claudel déroutant.

De la noirceur claudélienne à l’optimisme chorégraphié, il n’y a qu’un pas dansé à mettre dans ceux de Jean-Claude Gallotta à l’heure où Le jour se rêve ! En trois temps et trois mouvements, trois tableaux entrecoupés par deux solos du maître de ballet, le spectacle s’emballe et éblouit le public. Subjugué par les costumes multicolores jusqu’à la peau dénudée, le rythme endiablé, la prestance des dix interprètes, femmes et hommes à parité pour nous conter heurts, malheurs et bonheurs de notre planète… Au cœur de cet hommage au mythique et regretté Merce Cunningham, portés par la musique de Rodolphe Burger le rocky, danseurs et danseuses rivalisent de talent. Entre sauts déliés, pas chaloupés, entrelacs amourachés, duos collés-serrés et figures groupées, ils nous invitent à bouger, résister, laisser tomber comme eux masques et convenances. Laisser libre cours, au final, à notre imaginaire pour qu’explose de l’un à l’autre spectateur le plaisir de faire figure commune : un moment de total bonheur, transfiguré par les corps et les sons, baigné de lumières que l’on aimerait à jamais voir briller !

Un spectacle qui, à n’en point douter, laissera de marbre le vieux Reger assis sur la banquette de la salle Bordone du Musée d’art ancien de Vienne : jamais il ne lèvera la jambe, pas même le petit doigt ! Le regard fixe et figé face à L’homme à la barbe blanche, la toile du Tintoret, les mains tremblantes plus que mouvantes, il tue le temps à déverser son ire et sa haine : de la nation autrichienne, de l’état autrichien, de l’art d’état, de l’art tout court, de la religion et du politique, du beau et du laid au final ! Maîtres anciens ? Un roman sulfureux de Thomas Bernhard paru en 1985, subtilement mis en scène par Gerold Schumann et superbement interprété par le grand François Clavier, au sens propre comme au figuré… De nouveau sur la scène parisienne des Déchargeurs en raison d’un succès mérité, tension et attention du public ne faiblissent point, emporté par cette logorrhée mortifère à laquelle échappe seule l’épouse défunte du réputé musicologue qui, depuis plus de trente ans et tous les deux jours, vient se poser là devant le même tableau. La dénonciation acerbe d’une société autrichienne gangrénée de relents xénophobes jusqu’aux travers contemporains, du bien-pensant au mieux-disant, des poncifs éculés sur la geste esthétique aux propos véreux de politiciens décervelés. La mise en abîme aussi d’une existence solitaire, condamnée à la vacuité quand le désir de vie chute aux enfers d’une société sans espoir ni utopie. Yonnel Liégeois

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