Thierry Gibault, l’homme pressé

Le 28/08 à 21h00, à Cosne-sur-Loire (58), Thierry Gibault interprète Une trop bruyante solitude. Un récit du tchèque Bohumil Hrabal, adapté et mis en scène par Laurent Fréchuret. Un texte poignant, un comédien possédé du verbe, hallucinant de vérité.

Le travail, monsieur Hanta n’en manque point ! Depuis des dizaines d’années, il voue au pilon des tonnes de livres dans sa machine infernale, depuis 35 ans il travaille dans le vieux papier et nourrit une presse qui engloutit jour après jour les livres interdits par la censure. « Ce genre d’assassinat, il faut bien quelqu’un pour le faire », songe Hanta à contrecœur. Qui travaille, boit de la bière, déambule dans les rues de Prague, lit, évoque ses amours avec une petite tzigane… Surtout, il ressasse la mission dont il s’est investi : sauver la culture en arrachant à la mort des trésors si injustement condamnés !

Noirci d’encre des pieds à la tête, avec les souris mangeuses de papier pour seule compagnie, il exècre son boulot, « ce massacre d’innocents », chefs d’œuvre de l’humanité. Il sauve l’honneur des auteurs sacrifiés, et sa propre conscience, en épargnant du pilon quelques pépites littéraires. En fait, des milliers qu’il entasse chez lui… Halluciné, hallucinant de vérité, comme possédé du verbe qu’il éructe dans un clair-obscur oppressant en son théâtral sous-sol, le fantastique Thierry Gibault prête figure à l’ouvrier d’Une trop bruyante solitude, le puissant récit du tchèque Bohumil Hrabal. Traduit aujourd’hui dans plus d’une dizaine de langues, il fut d’abord diffusé en 1976 à Prague sous forme de publication clandestine. 

L’ouvrage est une terrifiante dénonciation de cette inexorable machine à broyer l’esprit dont Bohumil Hrabal fut lui-même victime : en 1968, deux de ses livres déjà imprimés seront pilonnés ! Si je suis venu pour quelque chose au monde, c’est pour écrire Une trop bruyante solitude, confessera l’auteur. Adaptée au cinéma par Vera Caïs en 2011, avec Philippe Noiret dans le rôle principal, une œuvre à multiples sens, magistralement mise en scène par Laurent Fréchuret, que Thierry Gibault incarne avec une rare intensité. Le travail asservissement ou épanouissement, le pouvoir dictatorial ou libérateur, le livre papier à recycler ou trésor à décrypter, la culture supplément d’âme ou nourriture indispensable ? Autant de questions cruciales qui parfois pilonnent la vie en tragédie, autant d’interrogations qui résonnent en nos têtes longtemps après l’extinction des feux. Un spectacle à ne vraiment pas manquer. Yonnel Liégeois

Une trop bruyante solitude : le 28/08 à 21h00 au Garage Théâtre, dans le cadre de la 4ème édition de son festival (235 rue des Frères Gambon, 58200 Cosne-sur-Loire. Tél. : 03.86.28.21.93).

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