Jusqu’au 31/12, à Montreuil (93), le Musée de l’Histoire vivante accueille Marx en France. Une exposition qui retrace les années parisiennes du philosophe allemand, à travers dessins humoristiques et œuvres contemporaines. Paru dans Le Montreuillois, un entretien de Jean-François Monthel avec Éric Lafon, le directeur scientifique du musée et commissaire de l’exposition.

Jean-François Monthel – Que raconte Marx en France, la nouvelle exposition du Musée de l’Histoire vivante ?
Éric Lafon – Il est frappant de constater que Karl Marx est toujours d’actualité. 2023 célèbre les cent quarante ans de sa mort. Cette commémoration a donné lieu à la publication de nombreux hors-séries dans la presse. Il y a eu aussi, en 2017, la sortie du film de Raoul Peck sur la jeunesse de Marx. La réédition de ses œuvres rencontre un certain succès. Le Musée de l’Histoire vivante s’associe à ce mouvement, à sa manière. Nous nous sommes intéressés aux années parisiennes de Marx. Et nous avons souhaité explorer la permanence de son image et de sa pensée, à travers un panel d’œuvres et de documents amusants et accessibles à tous.

J-F.M. – Quand Marx a-t-il séjourné à Paris ?
É.L. – Il arrive en 1843, avec son épouse, Jenny, enceinte. Il est chassé par la monarchie de Juillet, en 1845. Il revient en 1849, avant d’être à nouveau expulsé. Les Allemands forment alors la plus grande communauté étrangère à Paris. Il y a des intellectuels, mais aussi des ouvriers, des tisserands, des métalliers… Karl Marx fréquente le café Le Régence, où il croise les premiers socialistes et les révolutionnaires français. C’est là qu’il rencontre pour la première fois Friedrich Engels. Pour tous les révolutionnaires de cette époque, Paris occupe une place «centrale». La Révolution française est encore proche.

J-F.M. – Que reste-t-il de cette époque de sa vie ?
É. L. – Quand Marx vient à Paris pour la première fois, il n’a que 25 ans, il est totalement inconnu. Nous avons cependant réussi à suivre sa trace. À travers sa correspondance, nous le retrouvons par exemple à Argenteuil et à Enghien-les-Bains, où sa fille et lui se font soigner pour des maladies pulmonaires. Ils vivaient alors dans des conditions misérables. Plus tard, en 1882, Marx embarque à Marseille pour l’Algérie, à bord du paquebot Le Saïd. Un voyage que lui ont conseillé les médecins pour soigner ses problèmes respiratoires. Il séjournera plusieurs mois à Alger. Nous exposons d’ailleurs la dernière photo de lui, prise dans un studio algérois. Karl Marx s’était fait raser la barbe pour l’occasion ! Pour plonger dans l’ambiance, nous avons aussi entièrement restauré la véranda du musée, où nous avons installé des transats…

J-F.M. – Une partie de l’exposition est consacrée à la pensée de Marx. En quoi reste-t-elle d’actualité ?
É. L. – Ses analyses sont décortiquées aujourd’hui encore dans toutes les facultés d’économie, même les plus libérales. Elles expliquent le capitalisme. Avec des dessins, des planches de bandes dessinées, Marx en France propose d’aborder simplement les notions de profit, de plus-value, de lutte des classes… Nous exposons également toutes sortes d’œuvres contemporaines qui montrent à quel point l’image de Marx inspire. Son visage barbu est de toutes les manifestations, parfois dans toutes les couleurs. Cela mérite d’y regarder de plus près. Propos recueillis par Jean-François Monthel
Marx en France : Du 25/03 au 31/12/23, au Musée de l’Histoire vivante (31 bd Théophile-Sueur, parc Montreau, 93100 Montreuil).
Marx en France, le livre
En lien avec l’exposition, le Musée publie Marx en France. Histoire, usages et représentations (en vente à la boutique, 24€90). Sous la plume d’une dizaine d’historiens de la jeune génération, l’ouvrage rassemble la centaine d’œuvres présentées au musée. Dont Jean-Numa Ducange, spécialiste de l’histoire des marxismes et auteur notamment du remarqué Marx à la plage, le Capital dans un transat.





