De Téhéran à Paris, l’exil

Du 10/01 au 25/02, au Studio Marigny (75), Aïla Navidi met en scène 4211km. La distance entre Téhéran et Paris, celle qui sépare de ses proches une famille contrainte à l’exil. De la dictature sous le règne du chah à la torture sous le joug du régime islamique, l’émouvant combat pour la liberté entre l’amour d’un pays et l’espoir d’un retour. Sans oublier An irish story au Théâtre de Belleville et J’ai si peu parlé ma propre langue à La reine blanche.

Le plateau recouvert d’un immense tapis persan, la fête peut commencer : Yalda donne naissance à son premier enfant, ses parents Mina et Fereydoun rayonnent de bonheur ! Il n’en fut pas toujours ainsi du temps où, épris de démocratie et de liberté, ils combattaient le régime du chah d’Iran. Prison et torture déjà jusqu’à la chute et à la fuite en Egypte des Pahlavi en 1979, torture et prison encore au lendemain de leur révolution avortée et confisquée par l’ayatollah Khomeini avec l’instauration de la République islamique… Face à la répression programmée, l’exil obligé en 1980 par instinct de survie !

Entre humour et tragédie, Yalda raconte et se raconte. Avec passion, en un langage fleuri et coloré : sa propre naissance en France, ses années de jeunesse en banlieue parisienne, sa découverte d’un pays que ses parents ne cessent de lui décrire et louer, leur confiance chevillée au corps en un avenir radieux, l’accueil incessant de réfugiés iraniens dans le petit appartement… Des scènes fortes de la vie au quotidien loin des leurs et de leurs racines, ponctuées de musique et de chants, entrecoupées de flashbacks où reviennent en mémoire les atrocités commises par les mollahs et leurs affidés, les gardiens de la révolution. « Quand nous sommes partis, nous pensions que c’était pour six mois, ça fait trente-cinq ans », raconte un jour son père à Aïla Navidi, l’auteure et metteure en scène de 4211km. D’où cette envie d’écrire, vite transformée en nécessité « pour mettre en lumière le destin d’une famille déracinée et d’une fille en quête d’identité », confesse-t-elle.

Hommage d’une jeune femme à ses parents, Aïla Navidi donne à comprendre, voir et entendre la douleur du partir de tout exilé, l’attachement viscéral à une terre d’origine, l’espérance ancrée dans le cœur et les tripes d’un possible retour. De parcours individuels en saga universelle, une pièce qui bouscule nos certitudes et ravive nos convictions en la liberté sauvegardée à l’heure où des milliers d’hommes et femmes, d’Iran en Ukraine, de Palestine en Afghanistan, combattent et meurent pour la défense de leur droit à la parole et à la vie. Au tableau final, pour mémoire, défilent en fond de scène les noms des victimes torturées, assassinées ou pendues, depuis la mort de la jeune Mahsa Amini en septembre 2022 pour avoir mal porté son voile ! Des cris de désespoir aux lueurs futures, un spectacle de toute beauté et d’une profonde humanité. Yonnel Liégeois

4211km, de Aïla Navidi : jusqu’au 25/02, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Studio Marigny, Carré Marigny, 75008 Paris (Tél. : 01.86.47.72.77).

Une balade irlandaise

An irish story : jusqu’au 30/01, au théâtre de Belleville. Il était une fois… une histoire irlandaise qui pourrait fort bien être française, italienne ou autre, à l’heure où des hommes et des femmes, fuyant la misère de leur existence et de leur pays, tentent d’aller voir ailleurs si plus verte est la vallée ! Mêlant les langues et jouant des accents, tantôt volubile tantôt secrète, toujours volontaire dans sa quête du grand-père mystérieusement disparu entre l’Irlande et l’Angleterre, Kelly Rivière s’inspire d’une authentique histoire familiale. Entre joies et frustrations au détour de ses recherches, elle nous entraîne avec ravissement et conviction à la quête de ses racines. La saga joliment contée d’une génération l’autre, un spectacle à la tendresse infinie et à l’émotion retenue, à ne pas manquer ! Y.L.

Algérie, au soleil d’une langue

J’ai si peu parlé ma propre langue : du 11/01 au 03/02 au théâtre de La reine blanche. La bonne humeur règne dans les studios de la Radio du Soleil : la station locale rend hommage à une figure emblématique du quartier : Carmen Sintès ! Amies et copines, personnalités hautes en couleurs, se disputent le micro pour évoquer le passé et se remémorer quelques bons souvenirs. Du temps de la minijupe et du yéyé, du grand Charles à la télé et des premières revendications féministes… Sur scène, entre légèreté et gravité, c’est l’évocation d’une jeunesse insouciante marquée pourtant de blessures et déchirures : la nostalgie de l’Algérie, terre de l’enfance qu’il a fallu abandonner, la musique d’une langue qu’on a peu parlée ! Entre images et paroles retrouvées, la metteure en scène Agnès Renaud renoue avec les racines d’une mère trop longtemps silencieuse, faisant de sa propre histoire l’épopée d’un monde perdu gravé en la mémoire de milliers de concitoyens « pieds-noirs ». Distillés au soleil de Méditerranée, les mots sont aptes à panser les plaies et renaissent alors rires et sourires ! Y.L.

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Classé dans Pages d'histoire, Rideau rouge

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