Zoé, s’en allant promener…

Jusqu’au 29/02 pour l’une au Théâtre de Belleville (75), seulement trois dates pour l’autre à la Comédie Nation (75), Zoé et M’en allant promener… se révèlent deux pièces fortes d’intelligence et d’humanité. Les metteurs en scène Julie Timmerman et Serge Sandor, dans leur registre respectif, signent avec une rare élégance deux œuvres bouleversantes.

Julie Timmerman (Cie Idiomécanic Théâtre) a écrit et mis en scène Zoé, une œuvre, de son propre aveu, dictée par son histoire personnelle. Le sujet en est grave. Il s’agit de l’émancipation progressive d’une fillette, devenant femme et mère sous nos yeux, au sein d’une famille dont le père, aimé, aimant, est atteint de variations pathologiques de l’humeur. On le dirait aujourd’hui bipolaire. Il y a peu encore, on parlait de psychose maniaco-dépressive. Lui et son épouse, la mère de Zoé, sont comédiens de leur état. Julie Timmerman, sublimant ses souvenirs, après s’être fortement documentée sur l’affection chronique en question, a su, avec une rare élégance, théâtraliser une délivrance chèrement conquise. La partition verbale est vive, inventive, riche d’une sorte de folklore familial plausible, dans un climat électrique où se mêlent le goût partagé de la poésie et les paroxysmes de crise, du dynamisme déchaîné à l’abattement.

Ils sont quatre en scène : Alice Le Strat (Zoé), Anne Cressent (la mère), Mathieu Desfemmes (le père) et Jean-Baptiste Verquin (Victor, le copain d’école, le psy, la mort), tous animés d’un feu constant, dans les registres du tragique ou du pittoresque, non loin du comique parfois. Il y a là un fier courage dans le jeu, à l’unisson d’un texte qui, ma foi, ne s’éloigne, à aucun instant, du ton épique dans l’intime. Les beaux coups de théâtre abondent, entre la sirène du Samu, les embrassades, les bouffées d’un délire incoercible et le lavage musical à grande eau de Wagner, quand Zoé-Siegfried brandit l’épée pour symboliquement tuer un père accablé. Julie Timmerman révèle ainsi, avec une grâce nerveuse, un talent d’écriture parfaitement joint à celui de mettre en scène.

Serge Sándor (Cie du Labyrinthe) a mis en scène M’en allant promener, de Jean-Frédéric Vernier, qui a été bénévole pour l’association caritative les Petits Frères des pauvres. L’acteur Denis Verbecelte tient son rôle. Il est censé visiter, l’une après l’autre, sept personnes enfermées dans un hôpital-prison, jouées par des gens qu’accompagne l’association. Le spectacle est repris pour trois dates au théâtre de la Comédie Nation. La pièce est belle, forte d’une humanité criante et joueuse à la fois, avec les accents infiniment justes d’une commisération proprement fraternelle. Serge Sándor, depuis des années, est passé maître dans la direction d’acteurs qui ne sont pas du métier, de surcroît cabossés, comme on dit couramment. Cette fois encore, c’est bouleversant. Jean-Pierre Léonardini

– Zoé, dans une mise en scène de Julie Timmerman : jusqu’au 29/02, du mercredi au samedi à 21H15. Théâtre de Belleville, 16 passage Pivert, 75011 Paris (Tél. : 01.48.06.72.34) jusqu’au 29 février. En tournée, du 2 mars au 28 mai, sous l’égide des Amis du théâtre populaire.

– M’en allant promener, dans une mise en scène de Serge Sandor : les 30 janvier, puis les 6 et 13 février à 20h. Comédie Nation, 77 rue de Montreuil, 75011 Paris (Tél. : 01.48.05.52.44).

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