Marie Payen, la nuit

Du 22 au 30/04, sur la scène des Plateaux Sauvages (75), Marie Payen propose La nuit c’est comme ça. Un « poème improvisé », un seule-en-scène où le langage prend des chemins de traverse entre déraison et folie. En une ambiance aux lumières tamisées, un regard cru, désespéré et parfois désespérant, sur notre monde à la dérive.

Enfants assassinés, têtes coupées, vieillards sortis de leur lit… Proférés avec force et sanglots, les mots sonnent prémonitoires, comme en résonnance avec une actualité brûlante. Juchée sur ce qui s’apparente à un tas d’immondices, vieux sacs et vieux papiers, Marie Payen a troqué la longue tunique d’une éclatante blancheur plastique de Perdre le nord, son précédent spectacle, contre une piteuse traîne en jute d’un marron délavé. D’une antique danse des mots émouvante et percutante, la comédienne se fait désormais récitante d’un poème improvisé, clocharde sur les berges de Seine ou d’ailleurs, l’oreille toujours attentive aux paroles de plus miséreux et miteux, le fou rencontré sur un quai de RER ou l’homme des cavernes égaré au fin fond de la campagne hexagonale. Entre les roulements et battements du percussionniste Raphaël Chassin, la langue hoquète, les mots s’entrechoquent et se percutent en sortir de gorge. La plainte monte des profondeurs du ventre et tente obstinément de se frayer un passage : le temps présent s’est fait ténèbres, La nuit c’est comme ça, des maux aux mots la parole est vertige sans fond !

De quoi accouchera ce vieux monde ? Femme qui sait ce qu’enfanter veut dire, tel un cheval fou dans un jeu de quilles, la nouvelle Don Quichotte caracole en vue d’improbables perspectives plus réjouissantes. Petits papiers multicolores lancés en l’air, personne pour venir les cueillir en plein vol, faibles lumières d’Hervé Audibert qui progressivement s’étiolent, plus noire encore la chute au sol ! Un cri désespéré, voire désespérant, qui se veut pourtant « soliloque adressé aux étoiles » confesse l’interprète, visage et mains rougis sang. Au final, on peine à croire au possible avènement d’un homme nouveau. Un spectacle d’une étrangeté absolue, aussi tragique que poétique, qui met à nu nos errances et nos failles, interpelle le futur. De catastrophe en déraison, grand est le risque que les trompettes de l’espoir se muent en trompettes de Jéricho. Que le jour, c’est comme ça, ne devienne éternelle nuit ! Yonnel Liégeois

La nuit c’est comme ça, de et avec Marie Payen : Du 22 au 30/04, du lundi au vendredi à 19h, le samedi à 16h30. Les Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières, 75020 Paris (Tél. : 01.83.75.55.70).

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