La meilleure façon de courir

Tandis que s’élance ce 10/08 le marathon hommes des Jeux olympiques de Paris, Andrea Marcolongo publie Courir. De Marathon à Athènes, les ailes au pied. Italienne de passeport, Française d’adoption et helléniste de formation, l’auteure s’est frottée à ce mythe grec. Paru dans le mensuel Sciences Humaines (N°370, juillet-août 2024), un article de Jean-Marie Pottier.

En matière de course à pied, l’humanité a mis deux millénaires à gagner quatre cents mètres. Ceux qui séparent les très codifiés 42,195 kilomètres du marathon olympique des 41,8 kilomètres parcourus, paraît-il, au 5e siècle avant notre ère par le messager nommé Philippidès (ou Euclès selon certains) venu annoncer aux Athéniens leur victoire contre les Perses à Marathon : « Nous avons gagné ! », s’exclama-t-il avant de s’écrouler, épuisé à en mourir. Italienne de passeport, Française d’adoption et helléniste de formation, Andrea Marcolongo s’est frottée à ce mythe grec en s’entraînant, des mois durant, pour courir un marathon à Marathon – d’une certaine manière, juge-t-elle, « l’expérience la plus “grecque” » d’une carrière déjà riche de plusieurs ouvrages sur cette « langue géniale ».

Publié en italien sous le titre De arte gymnastica, qui est aussi celui d’un célèbre traité du philosophe Philostrate, son livre alterne récits intimes d’entraînement et chapitres thématiques explorant ce qui a changé dans la course à pied (la participation des femmes, le régime des coureurs, le rôle de la technologie…) et ce que nous venons y chercher d’immuable. Qu’est-ce qui nous pousse à enfiler nos baskets pour accomplir des trajets qui nous ramènent le plus souvent au point de départ ? C’est, selon elle, que la course, malgré les contraignantes routines d’entraînement, nous libère. Elle nous fait sentir le temps, dans toute sa consistance, plutôt que bêtement l’occuper ou le perdre. En sortant notre corps de sa confortable immobilité, elle apaise notre esprit. Elle nous inflige une « douleur immense », certes, mais qui nous protège « des éclats violents de l’existence ». Bref, elle nous aide à combattre l’angoisse de mourir : je cours, donc je suis en vie.

« L’instant après le marathon, nous devons immanquablement cesser de jouer à la course et marcher enfin bien sagement, au pas toute la vie jusqu’à la tombe ». Le mérite de ce livre enlevé et érudit est de nous donner envie de méditer cette leçon avant, après, voire pendant quelques kilomètres de course. Jean-Marie Pottier

Courir. De Marathon à Athènes, les ailes au pied, Andrea Marcolongo (Gallimard, 256 p., 22 €).

Décoiffant, le dossier du numéro 370 de Sciences Humaines frappe fort : Avoir la niaque, une psychologie de la persévérance. Avec, aussi, une analyse du vote en faveur du Rassemblement national lors des élections européennes, l’ethnographie d’une lame de fond. Sans oublier l’entretien de Frédéric Manzini avec la philosophe Fabienne Brugère qui s’interroge sur le désamour avec son Manuel d’un retour à la vie. Dès sa création, Chantiers de culture a inscrit le mensuel sur sa page d’ouverture au titre des Sites amis. Un excellent magazine dont nous conseillons vivement la lecture. Yonnel Liégeois

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