Fernando Pessoa sous toutes les coutures

De l’écrit à la scène, Fernando Pessoa livre toutes les facettes de son personnage. Avec Nicolas Barral et son roman graphique L’intranquille Monsieur Pessoa, avec la mise en scène de L’intranquillité signée de Jean-Paul Sermadiras. La notoriété du petit employé de Lisbonne, enfin universellement reconnue.

Fernando Pessoa (1888-1935), petit employé à Lisbonne, fut reconnu sur le tard poète d’envergure universelle. Sous le titre L’intranquille Monsieur Pessoa, Nicolas Barral publie un roman graphique de belle venue : un jeune pigiste suit à la trace l’écrivain qui crache du sang, afin d’en rédiger la nécrologie avant son décès. Le trait est vif, l’intrigue ingénieuse. Lisbonne est vue en couleurs de mélancolie. Barral invente que deux « hétéronymes » de l’écrivain (si souvent caché sous des identités fictives) lui demandent des comptes.

Au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, Robert Wilson, grand imagier devant l’Éternel, a montré Pessoa  Since I’ve been me, en anglais, français, italien, portugais. Sept interprètes de haut vol, de classe internationale, Maria de Medeiros en tête, ressassent en quatre langues (Pessoa était polyglotte) des sentences frappantes de celui qui affirmait : « La solitude me désespèrela compagnie des autres me pèse ». La gravité du propos est contrebalancée par des séquences virevoltantes, héritées de la parade de music-hall anglo-saxon. Par deux fois, une sorte de prodigieux diorama nous rappelle que Wilson reste le maître de l’enluminure moderne.

L‘hommage à celui qui eut le front de dire que « la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas » a commencé pour moi en octobre, à la Station-Théâtre à La Mézière, sur la route de Rennes à Paimpol. Gwenaël de Boodt, poète qui a de l’or dans les mains, a transformé ce bâtiment prosaïque où l’on faisait le plein, en un théâtre chaleureux. Ce soir-là, la Compagnie du passage, dans une mise en scène de Jean-Paul Sermadiras, présentait L’intranquillité avec deux espèces de clowns métaphysiciens et péripatéticiens, Olivier Ythier et Thierry Gibault. Ils distillent avec art les réflexions aiguës de l’homme à part qui fouille sa conscience. Ils boivent sec (c’est joué), Fernando Pessoa souffrait de cirrhose. On dirait des Pensées de Pascal, mais sans Dieu. Voilà un dialogue vertigineux mené par deux maîtres comédiens, dans une petite forme qui vise très, très haut. Et l’on entend, ici encore, la voix exquise de Maria de Medeiros. Jean-Pierre Léonardini

L’intranquille Monsieur Pessoa, Nicolas Barral (Dargaud, 136 p., 25€). L’intranquillité, Jean-Paul Sermadiras : jusqu’au 29/11 au 100, 100 rue de Charenton, 75012 Paris (Tél. : 01.46.28.80.94). Le Livre de l’intranquillité (624 p., 29€) est publié chez Christian Bourgois éditeur.

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Classé dans La chronique de Léo, Rideau rouge

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