Libraire à Folies d’encre, à Montreuil (93), Antonin Bonnet raconte son métier au quotidien. Entre passion de la lecture, manutention et tout le travail effectué autour des livres. Plongée au cœur d’une profession qui mêle gestion, échange d’idées et contacts humains.

Folies d’encre à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, une librairie qui, bien que située au-delà du périphérique, a su s’imposer dans le milieu parisien. Née il y a 44 ans, devenue aujourd’hui une institution, elle est la première librairie généraliste indépendante à avoir été créée dans le 9-3. L’organisation de rencontres avec des auteurs et des personnalités – Mona Chollet, Amélie Nothomb, Christiane Taubira ou même François Hollande – lui confère une notoriété de librairie engagée comme le suggère son adresse, avenue de la Résistance. En témoignent les rayonnages avec un large choix d’ouvrages sur les problématiques sociétales. L’évènement de la veille est encore à l’affiche : l’accueil de l’historien Patrick Boucheron, spécialiste du Moyen Âge, qui présentait son dernier livre Libertés urbaines (CNRS éditions). « J’anime les rencontres avec le public. Ça implique de lire l’ouvrage, de connaître l’auteur, mais ce n’est pas un travail de journaliste », note Antonin Bonnet, « on assure la promotion et il n’y a pas de questions pièges ».

Antonin le libraire est arrivé au métier par des détours inattendus. Inscrit à la fac en philo, puis en histoire, il a tenté de concilier études et travail. « Ce n’était pas tenable. J’ai fait plein de métiers : sondages, vendanges, débardage dans la forêt, technicien de surface… Ensuite, durant plusieurs années, j’ai effectué des remplacements comme concierge. À un moment donné, je me suis inscrit à Pôle emploi. En raison de mon goût pour la lecture, on me conseille un brevet d’apprentissage de libraire. C’est ainsi qu’en 2015, j’ai 25 ans, je postule comme apprenti chez Folies d’encre ». Après deux ans d’apprentissage et l’obtention de son diplôme en 2017, le jeune homme est embauché.

Assez rapidement, l’apprenti creuse son sillon et se spécialise dans les sciences humaines et les essais. Grand lecteur, il rédige des notules à destination des clients sur de petites fiches cartonnées accrochées sur les livres. Et devient chef de rayon. « La responsable de la littérature est partie en retraite, le collègue des sciences humaines l’a remplacée ». En parallèle, il donne des cours à « Clermont-Ferrand ou Laval sur l’histoire de la librairie, la loi Lang (qui a instauré le prix unique du livre en 1981, ndlr) ou encore sur ce qu’on appelle les livres de fonds (ceux qu’on distingue des nouveautés) en ethnologie, sociologie et psychologie… ».

Le livre est un objet qui exige beaucoup de manutention : la réception, les retours, la mise en rayon…. « Si on n’amène pas de l’énergie en permanence, ça peut vite tourner au chaos ». Il y a la gestion des offices (nouveautés, sorties du jour) et le réassort. « Ce sont des principes qui s’appliquent à tous les magasins, car la librairie, c’est aussi un commerce qu’il faut gérer, et le mieux possible pour durer », explique Antonin. Avant de conclure : « Venir à ce métier par idéal n’est pas suffisant. Ce n’était pas mon cas, car j’avais aussi besoin de manger. De toute façon, si tu ne gères pas l’aspect commercial, tu ne vends pas et tes idées ne passent pas non plus ». Sa conviction profonde ? « Être libraire, c’est d’abord et surtout aimer les livres et les gens ». Régis Frutier, photos Bapoushoo
Librairie Folies d’encre : 9 avenue de la Résistance, 93100 Montreuil (Tél. : 01.49.20.80.00). Ouverture : lundi (12h-19h), du mardi au samedi (10h-19h).

Avec un réseau de près de 3 500 librairies, la France est l’un des pays où le nombre de librairies est le plus important au monde. Elles représentent 40% du marché devant les grandes surfaces culturelles, la grande distribution et Internet. Elles souffrent aujourd’hui de l’explosion du prix de l’immobilier, et de la concurrence acharnée des plateformes numériques. Leur atout majeur ? Le dialogue et le conseil au lecteur. Le secteur de la librairie emploie 14 000 salariés. Le salaire moyen dans la profession est de 1720€ net. Près de 75 000 nouveautés paraissent chaque année (Source : Syndicat de la librairie française).
Pennac et les droits du lecteur
Professeur de français, écrivain (La saga Malaussène), Daniel Pennac a publié un roman autobiographique, Chagrin d’école (prix Renaudot 2007), dans lequel il raconte son parcours de cancre. Un bouquin émoustillant pour des élèves qui ont des difficultés en classe malgré leur volonté de bien apprendre. Outre cet ouvrage, il a transmis ses « 10 commandements » de lecture dans un essai paru en 1992, Comme un roman. En fait, il s’agit bien plutôt de « droits » que le lecteur peut s’accorder de sa propre autorité :






