Simone de Beauvoir, aujourd’hui

Créée en 1923 sous l’impulsion de Romain Rolland, la revue Europe consacre sa livraison de mars à Simone de Beauvoir. L’écrivaine et philosophe aura jeté sur son temps un regard aiguisé par une vigilance toujours en éveil. Un numéro emblématique qui invite aux explorations nouvelles d’une œuvre complexe, subtile et radicale.

Au lendemain de la journée du 8 mars, il est temps, sans doute, de se demander : avons-nous bien lu Simone de Beauvoir ? Son œuvre foisonnante, faite de romans, d’essais philosophiques ou politiques, de journaux de voyages, de mémoires, d’une abondante correspondance aussi, s’est déployée sur l’essentiel du XXe siècle et constitue un témoignage décisif sur son époque. C’est que Beauvoir aura jeté sur son temps, sur les soubresauts de l’Histoire et sur la façon dont ses contemporains y ont réagi, un regard aiguisé par une vigilance toujours en éveil.

Dès la publication de L’Invitée, en 1943, son écriture, fondée sur l’authenticité d’une relation au lecteur et à soi-même, lui aura valu son succès, sanctionné en 1954 par l’obtention du prix Goncourt pour Les Mandarins. Philosophe autant qu’écrivain, elle fut profondément marquée par la pensée existentialiste, qu’elle défendit et illustra. C’est peut-être cette philosophie mettant au premier plan la liberté du sujet – et dont elle fit un mode de pensée et de vie – qui lui permit de se défaire de ses préjugés de classe, et de se faire une infatigable combattante de toutes les libérations : l’émancipation des femmes bien sûr, mais aussi la lutte anticoloniale ou le combat contre les discriminations subies par les homosexuels.

Contemptrice de toutes les aliénations, c’est certainement le combat féministe qui fut la grande affaire de sa vie, de la publication du Deuxième Sexe à la fin des années 1940 à son engagement au sein du Mouvement de Libération des Femmes, en 1970. Un combat dont elle ne négligea jamais la dimension politique. Alors qu’on peut s’inquiéter aujourd’hui de la dérive différentialiste de certains discours féministes qui réduisent les femmes à leur « identité », il est indispensable de renouer le dialogue avec l’œuvre complexe, subtile, authentiquement radicale de Simone de Beauvoir. Jean-Baptiste Para, directeur éditorial

La revue littéraire Europe (Mars 2025, n°1151, 22€)

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