Au théâtre du Rond-Point (75), Élise Chatauret met en scène Les moments doux. Un véritable abécédaire de la violence (à l’école, en famille, au travail) à partir d’un fait divers fort médiatisé : des manifestants déchirant les chemises de deux dirigeants d’Air France, la violence d’un plan de 2900 licenciements largement occultée.

En fait de Moments doux, c’est un véritable abécédaire de la violence qu’Élise Chatauret et Thomas Pondevie nous assènent avec une réelle efficacité dans leur dernière œuvre. Si le duo, à la direction de la compagnie Babel, est aux manettes, c’est cependant comme toujours selon le principe d’une démarche développée à partir d’entretiens réalisés avec toute l’équipe d’interprètes, mieux à même ainsi de restituer sur le plateau le plus fidèlement possible, au plan de l’esprit, les paroles d’habitants, cette fois-ci des villes de Sevran, Nancy, Fontenay-sous-Bois et Béthune. Un travail de belle qualité, intelligent et subtil dans sa composition puis son écriture-réécriture pour tirer la substantifique moelle de la… violence.

Mieux qu’un travail documentaire, banalement réaliste, Élise Chatauret et Thomas Pondevie préfèrent, à juste titre, une approche… documentée. Un écart, une nuance qui permettent à l’art théâtral de s’installer. Avec comme point de départ le rappel maintes fois répété entre différentes séquences de ce fait divers qui fit réagir nos bien-pensants de la politique, un acte d’une violence « inouïe », celle perpétrée par des manifestants contre deux dirigeants d’Air France à qui l’on avait arraché et déchiré les chemises. De la violence « inqualifiable » de la suppression de 2900 postes de l’entreprise, il ne fut bien évidemment pas question, pas plus que de la violence qui mène à la violence, ce qui aurait demandé un minimum de réflexion…

Le spectacle, composé d’une série de brèves séquences, est mené à un rythme ternaire d’enfer. Elles tournent autour des thématiques concernant l’école, la famille et le travail, autrement dit les bases mêmes de nos vies. Une vraie ronde dans laquelle les six comédiens (François Clavier, Solenne Keravis, Samantha Le Bas, Manumatte, Julie Moulier et Charles Zevaco), tous épatants car jouant le « jeu » volontairement à la limite de la caricature, s’en donnent à cœur-joie, passant selon les séquences d’une figure à une autre sans coup férir, enfant – parent – patron – employé…, dans un perpétuel entrecroisement que l’astucieux dispositif scénique créé de Charles Chauvet permet de se déployer au mieux. C’est d’une grande drôlerie… vacharde qui n’occulte en rien, bien au contraire, la réflexion sur le phénomène de la violence dont nos vies sont soumises à notre insu. Jean-Pierre Han
Les moments doux, d’Élise Chatauret et Thomas Pondevie : jusqu’au 30/03, du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h30 et le dimanche à 15h30. Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris (Tél. : 01.44.95.98.00).
Le 08/04 au théâtre Gallia de Saintes (17), les 10 et 11/04 au théâtre d’Angoulême (17), le 15/04 au théâtre L’empreinte de Brive-Tulle (19), le 16/05 au théâtre Les passerelles de Pontault-Combault (77).





