Au Théâtre du Nord, à Lille (59), Louis Arene et Lionel Lingelser présentent Makbeth. Avec un K à la place du C, par le Munstrum Théâtre, une version brillante et délirante d’une des pièces les plus célèbres de William Shakespeare.

Obus, grenades et mines explosent sans répit. Flashs aux éclats aveuglants et fumée âcre percent la nuit poisseuse. Les corps se démembrent puis gisent, désormais sans vie. Le vacarme des bombes s’insinue au plus profond des êtres, comme une symphonie au-delà du funèbre. Avec des allers-retours, dans un trouble émotionnel, entre les landes de l’Écosse médiévale et les guerres contemporaines. Devant un public capturé jusqu’au fond des fauteuils, c’est ainsi que démarre le nouveau spectacle du Munstrum Théâtre. Après sa création à Châteauvallon, scène nationale du Var, Makbeth fait escale à Lille, avant une tournée qui s’annonce copieuse.

La pièce se signale avec un « k » pour la distinguer de l’originale signée William Shakespeare. En 1972, Eugène Ionesco avait proposé une réécriture à sa sauce tragi-burlesque de cette pièce du Britannique et prolifique auteur. Macbett prenait alors deux « t » finaux. Ici, Louis Arene et Lionel Lingelser proposent une adaptation très personnelle de cette œuvre ultime publiée quelques années après la mort de l’auteur en 1616. Macbeth est incontestablement l’œuvre la plus sombre de Shakespeare, l’une des plus célèbres aussi, avec son lot de meurtres et de désespoirs nés dans la pensée confuse de dictateurs fous. Une pièce qui, pour le Munstrum, résonne sinistrement avec « la douleur du monde actuel ».
Malice, humour et hémoglobine
Pour Lucas Samain, qui signe l’adaptation, voilà « l’histoire d’une ambition dévorante qui s’accomplit dans un premier meurtre et en entraîne d’autres en cascade ». Macbeth s’est emparé du pouvoir. Son règne dictatorial s’épuise dans le sang. Sur scène, bien après les formidables combats du début, voilà le temps des intrigues et des meurtres en solo. Le fil du récit parfois se distend, au risque d’égarer, et l’on aurait aimé un peu moins de longueurs. Mais l’équipe avait prévenu, il ne s’agit pas d’une énième lecture du Macbeth original. La démesure, le décor débridé, le grand-guignol qui ont fait la marque de fabrique de la compagnie depuis sa création en 2012 sont avec malice et humour au rendez-vous. Makbeth est d’évidence une des éclosions fortes de ce printemps.

Mentionnons la musique originale et les créations sonores de Jean Thévenin et Ludovic Enderlen. Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Lionel Lingelser, Anthony Martine, François Praud, et Erwan Tarlet ? Les comédiens sont tous parfaits en simples soldats face à la mitraille, en sautillant fou du roi, en traîtres vengeurs, en rois et reine assoiffés de puissance et pris à leur propre piège sans autre issue que leur trépas. Makbeth, juché sur la tour d’arbitre d’un match de tennis, n’est plus au final habillé richement que de sa couronne. Avec le corps recouvert du bout des orteils à la pointe des cheveux d’une matière écarlate et gluante. Son épouse a rejoint les mondes parallèles de la folie. Sans illusion, il contemple encore un instant son œuvre barbare et sanglante. Vraiment, le Munstrum sait magnifier le rouge vif. Gérald Rossi, photos Jean-Louis Fernandez
Makbeth, Louis Arene et Lionel Lingelser : du 10 au 13/06, les mardi et mercredi à 20h, le jeudi à 19h, le vendredi à 20h.Théâtre du Nord, 4 place du Général de Gaulle, 59000 Lille (Tél. : 03.20.14.24.24). Malakoff, Scène nationale du 05 au 07/11. Théâtre Varia, Bruxelles du 12 au 14/11. Théâtre du Rond-Point, Paris du 20/11 au 13/12. Le Carreau, Scène nationale de Forbach et de l’est mosellan les 05 et 06/03/26. La MC2, Grenoble les 11 et 12/03.





