Sisyphe, sur le mont d’Avignon

Au théâtre Transversal d’Avignon (84), Pierre Martot présente Le mythe de Sisyphe. Les dieux ont condamné Sisyphe à rouler un rocher jusqu’au sommet de la montagne pour retomber, toujours. Entre le tragique et l’absurde, la mise en espace magistrale de l’ouvrage d’Albert Camus.

Enveloppé d’un long manteau, feuillets en main, l’homme entre en scène. L’air grave dans la semi-obscurité, une petite table sur sa droite, le regard plongé dans celui du public… Pierre Martot, incroyable défi, s’est emparé du Mythe de Sisyphe, l’emblématique essai d’Albert Camus publié en 1942. Rien à voir avec de la philosophie dans le boudoir, un texte d’une haute intensité sur la condition humaine, le chaos et la révolte !

Le tragique et l’absurde

Qui est-il ce Sisyphe, dont le nom est inscrit dans l’imaginaire collectif ? Pour avoir trahi la parole des dieux, le fils d’Éole est condamné à remonter de toute éternité un rocher qui ne cesse de retomber du haut de la montagne… Une histoire bien enracinée dans la mythologie grecque dont Camus s’empare, à l’heure où Hitler sème la mort sur le continent européen : de l’antiquité à l’aujourd’hui, la condition humaine se réduit-elle donc au tragique, à l’absurde, à l’impossible d’un à-venir ? Comme l’existence de Sisyphe, l’homme est-il condamné à une vie de désespoir, le chaos en seule perspective ?

Tantôt parole susurrée, tantôt voix rugissante, tantôt fulminant bras levés, tantôt courbé et agenouillé sous le poids d’un symbolique rocher, sur les pas de Camus Pierre Martot invite à la révolte ! Nulle résignation, le salut de l’homme est dans l’action. C’est la première fois que ce texte de l’auteur de L’étranger est porté au théâtre : une première magistrale, qui exige du spectateur écoute et attention soutenues. De l’obscurité animale, il faut nous soustraire, avance l’écrivain philosophe, pour accéder à « la clarté blanche qui éclaire chaque objet dans la lumière de l’intelligence ». Plus fort encore, affirme-t-il, il nous faut imaginer Sisyphe heureux, il nous faut trouver et emprunter le chemin de la révolte, le seul « qui mène aux visages de l’homme, celui qui donne son prix à la vie et lui restitue sa grandeur ». Quels que soient nos échecs, les obstacles à surmonter, « la lutte pour gagner les sommets suffit à remplir un cœur d’homme ». Une incroyable ligne de vie, une belle leçon de philosophie ! Yonnel Liégeois

Le mythe de Sisyphe, Pierre Martot en collaboration avec Jean-Claude Fall : jusqu’au 26/07 à 12h10, relâche les mercredis. Théâtre Transversal, 10-12 rue d’Amphoux, 84000 Avignon (Tél. : 04.90.86.17.12).

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