Jusqu’au 14/09, à Bussang (88), le Théâtre du peuple fête son 130ème anniversaire. D’une saison l’autre, un bel été vosgien quand comédiens, villageois et citadins investissent la cathédrale de bois. D’un roi nu à une belle bête, plaisir et bonheur des planches.

Au cœur de la forêt vosgienne, cathédrale laïque en bois depuis 1895, 130 ans d’histoire, le Théâtre du Peuple arbore fièrement sur son fronton sa devise légendaire « Par l’art, pour l’humanité » ! Un site mythique, célébré par Romain Rolland, où chaque année la foule s’enthousiasme de la prestation des comédiens amateurs entourant les professionnels, marque de fabrique du lieu, où chaque année le public s’émerveille à la traditionnelle ouverture des lourdes portes du fond de scène lors de la représentation. La metteure en scène, comédienne et directrice du lieu, Julie Delille invite le public à entrer en résonance, à faire relation avec les autres. Comme le proposait Édouard Glissant, le regretté poète – romancier et philosophe antillais, il importe ainsi de « se changer en échangeant sans se perdre ni se dénaturer » ! Encore plus et mieux en ce cent-trentième anniversaire : « Aucune fête digne de ce nom ne peut exister sans la joie d’être ensemble, sans celle de la rencontre et de l’échange », affirme avec conviction la metteure en scène et comédienne », et d’ajouter « au milieu de multiples célébrations, nous croiserons dès la mi-juillet un roi aussi tyrannique que ridicule, inspiré par quelques-uns de ce monde. À la tombée des nuits d’août, une mystérieuse bête nous emmènera pour un voyage au cœur de la forêt sauvage ».

Le Roi nu, la pièce écrite par Evgueni Schwartz en 1934 en Union soviétique c’est aussi bien Staline qu’Hitler ! La pièce, jamais jouée du vivant de l’auteur, a depuis connu un triomphe mondial. Et ironiquement, elle n’en est que plus actuelle, tant tel ou tel dirigeant a aujourd’hui la tentation de jouer les apprentis-sorciers, notamment de l’autre côté de l’Atlantique… « Le tyran est un bouffon : il fait le show, danse sur Village People, sature les écrans et pour humilier constamment, la vulgarité en bandoulière », commente Sylvain Maurice, le metteur en scène. « Prisonnier de son reflet, il finit dans le plus simple appareil, nu comme un ver. Schwartz déshabille littéralement la tyrannie avec autant de poésie que de férocité, il est notre contemporain ». Au fil des décennies, l’évidence s’impose, le cadre de la forêt vosgienne se prête à merveille à ces coups de cœur et coups de folie que nous offre ce lieu unique en son genre. Héritage fabuleux des fondateurs : Maurice Pottecher surnommé le « Padre », son épouse l’actrice Camille de Saint-Maurice prénommée affectueusement tante Cam, Pierre Richard-Willm à la direction artistique du Théâtre du Peuple !

1895, une date symbolique ! L’année d’une double naissance, celle du Théâtre du Peuple et celle de la CGT, la double aventure des prémisses d’un « théâtre élitaire pour tous » et de « l’éducation populaire » initiée par les bourses du travail. Plusieurs années durant (voir les archives du théâtre, ndlr), sous l’égide de l’Union départementale des Vosges et de La Vie Ouvrière, l’hebdomadaire de l’organisation syndicale, chaque été des centaines de salariés ont goûté aux délices de Bussang, une représentation suivie d’un débat avec le « Grand témoin » invité par le journal. En témoigne le regretté Jack Ralite dans la revue Frictions, lors du 120ème anniversaire. Bussenets, citoyens d’ici ou d’ailleurs, que la fête commence, le bonheur est dans le pré ! Yonnel Liégeois, photos Jean-Louis Fernandez
Le roi nu, Sylvain Maurice : jusqu’au 30/08, du jeudi au dimanche à 15h. Je suis la bête, Julie Delille : jusqu’au 30/08, du jeudi au samedi à 20h. Théâtre du Peuple, 40 rue du Théatre du Peuple, 88540 Bussang (Tél. : 03.29.61.50.48).

À lire : Le Théâtre du Peuple de Bussang, cent vingt ans d’histoire, par Bénédicte Boisson et Marion Denizot (Éditions Actes Sud). Le Théâtre du Peuple, par Romain Rolland (préface de Chantal Meyer-Plantureux, Éditions Complexe). Un siècle de passions au Théâtre du Peuple de Bussang, par Frédéric Pottecher et Vincent Decombis (Gérard Louis éditeur). Théâtre populaire, enjeux politiques de Jaurès à Malraux, par Chantal Meyer-Plantureux (préface de Pascal Ory, Éditions Complexe). Théâtres en lutte et Politiques du spectateur, par Olivier Neveux (Éditions La Découverte).
À écouter : « Le théâtre de Bussang, une aventure villageoise ». Un documentaire d’Amélie Meffre, réalisé par Anne Fleury (France Culture, La fabrique de l’histoire. 1ère diffusion : 02/11/2016).





