Au théâtre du Balcon d’Avignon (84), Isabelle Starkier présente Ubu Président. Une adaptation du chef d’œuvre d’Alfred Jarry, signée Mohamed Kacimi. Deux chômeurs patentés, le père et la mère Ubu, rêvent devant le frigo vide : gagner l’élection présidentielle.

Père Ubu, imaginé dès 1896 par l’écrivain facétieux Alfred Jarry, était dès ses origines obscures à la fois capitaine de dragons, comte de Sandormir, roi de Pologne, docteur en pataphysique, grand maître de l’ordre de la Gidouille, etc. Désormais, sous la plume de l’écrivain et dramaturge Mohamed Kacimi, qui adapte l’œuvre célébrissime, Ubu veut devenir Président. Le drame, c’est qu’il est élu ! Pour cette nouvelle version, la mise en scène est d’Isabelle Starkier, les musiques signées Alain Territo. Ubu Président est devenu une désopilante comédie musicale. Avec Stéphane Miquel, dans la peau grasse du père Ubu, parfait dans ce rôle de grand guignol effrayant. Clara Starkier est une mère Ubu d’une belle sottise, qui roucoule d’amour pour son débile d’époux. Les musiciens comédiens Stéphane Barriere, Michelle Brûlé et Virgile Vaugelade sont autant à l’aise instruments en main que lorsqu’ils chantent ou jouent la comédie.

Mohamed Kacimi a frappé juste. Père Ubu est un beau parleur, qui éructe, harangue des foules avec une démagogie fantastique et n’a qu’un seul et unique but : capter pour lui et ses amis, mais en vérité surtout pour lui, toutes les richesses de la nation. Si l’on efface un peu, juste un peu, la farce, l’image de personnages actuels se matérialise sans la moindre erreur possible. Donald Trump par exemple… Passer de chômeur professionnel à locataire du palais présidentiel ne pose aucun cas de conscience à Ubu. Du moment qu’il y a du fric à faire. Les pauvres seront toujours plus fauchés ? Qu’importe à ces personnages qui flirtent avec les idéologies les plus nauséabondes. Voilà « une réflexion sur les enjeux mondiaux contemporains tout en redécouvrant ce classique de la littérature française », pointe l’auteur.
Le langage vert de père et mère Ubu est conservé, juste un peu modernisé. Leur « risible et terrifiante » ascension sociale mériterait presque que l’on précise dans le programme que « toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé… ». Gérald Rossi
Ubu président, Isabelle Starkier : jusqu’au 26/07, 18h30. Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Puy, 84000 Avignon réservations (Tél. : 04.90.85.00.80).
« Ubu c’est l’emblème du tyran, mais d’un tyran ridicule, pathétique, comme notre 21ème siècle sait en produire à la pelle – à tarte ! C’est celui devant lequel on hésite entre rire et pleurer, celui qui n’a plus même l’air vrai : un dictateur en carton-pâte maquillé sous les oripeaux populistes de la démocratie ». Isabelle Starkier, metteure en scène
« J’ai conçu cette pièce comme un cri d’alarme. À travers les aventures grotesques d’Ubu, je veux montrer comment la démocratie peut basculer, d’un moment à l’autre, dans l’absurde et la violence quand la démagogie l’emporte sur la raison. C’est l’ambition que je porte avec cet Ubu : faire du rire une arme contre l’obscurantisme, rappeler que l’art reste un des derniers remparts contre la folie des hommes ». Mohamed Kacimi, auteur





