En Avignon (84), la Maison Jean-Vilar présente Les clés du Festival. Une exposition qui plonge dans les archives de l’incontournable événement estival. Un lieu qui, toute l’année, entretient la mémoire du fondateur du plus grand rendez-vous théâtral au monde.

L’hôtel des Crochans, imposante bâtisse du XVIIe siècle établie sur les fondations d’une demeure familiale de la première moitié du XIVe, abrite depuis 1979 la Maison Jean-Vilar. À l’ombre du palais des Papes, presque en face de l’Opéra, sur la célèbre place de l’Horloge, le lieu était parfait pour entretenir la mémoire du fondateur du Festival. L’Association Jean Vilar et la BNF, depuis des années, géraient là un important fonds d’archives. Lesquelles sont désormais accessibles à un vaste public. Ouverte début juillet, l’exposition les Clés du Festival a vocation à rester pérenne. Antoine de Baecque, historien du cinéma et du théâtre, professeur à l’École normale supérieure, en est le commissaire. Il est l’auteur, entre autres, d’un ouvrage désormais de référence, Histoire du Festival d’Avignon, écrit avec Emmanuelle Loyer.

L’exposition est scénographiée par Claudine Bertomeu avec les lumières créées par le metteur en scène Jean Bellorini. Pour Nathalie Cabrera, coordinatrice générale de l’exposition et directrice du lieu, « la visite débute dehors, dans la cour, avec deux effigies géantes qu’il a fallu un peu tailler pour pouvoir les accrocher sur le mur ». Ces deux figures de proue sont un vestige des décors du Soulier de satin de Paul Claudel, dans la mise en scène d’Antoine Vitez, en 1987, dans la cour d’Honneur.

Le Festival s’est appelé d’abord « Semaine d’art ». C’était en septembre 1947. Dès l’année suivante, Vilar et ses compagnons artistes, notamment le poète René Char, prennent date pour le mois de juillet. Les anecdotes de ce type sont légion. « Nous nous adressons à tous les publics, insiste Nathalie Cabrera. Et l’ouverture du site toute l’année nous permettra de toucher aussi bien les spectateurs érudits, souvent présents d’année en année pendant le Festival, que les curieux de passage ». Pour cela, les Clés du Festival ouvrent les portes de la découverte de ce moment unique de création et de foisonnement des idées. Ainsi l’on découvre que, dans l’impressionnante liste des auteurs joués dans le cadre du Festival d’Avignon, William Shakespeare monte sur la première marche du podium, Molière en seconde position et Bertolt Brecht en troisième.

Les chiffres de fréquentation donnent aussi une idée du dynamisme de l’art dramatique. La première année, 3 000 personnes y ont assisté, 50 000 en 1971, le double en 1982. Le Festival cette année-là fait jeu égal avec le off. Ce dernier est né avec la présentation en 1966 de la pièce d’André Benedetto Statues dans son théâtre de la place des Carmes. Dès l’année suivante, quelques compagnies le rejoignent. Au fil des ans, le off est devenu un géant avec, cette année, près de 1 800 spectacles différents, joués dans 241 lieux.
Histoire et surprises
L’histoire locale est d’une rare richesse. Et remplie de surprises. On apprend ainsi, preuves à l’appui, que la cinéaste et photographe Agnès Varda (elle avait 20 ans la première fois) a, pendant douze années, gravé sur la pellicule des moments rares et c’est à elle que l’on doit des portraits « de travail » de Maria Casarès, Jeanne Moreau, Gérard Philipe, Jean Vilar, etc. Dans sa première période, le Festival était comme le miroir de la saison théâtrale du TNP, le Théâtre national populaire, installé palais de Chaillot à Paris. Puis, en 1964, « voilà l’heure de la réforme voulue par Vilar ». Il ne présente alors aucune de ses mises en scène et fait appel à d’autres créateurs. En 1966, nouveau changement avec l’arrivée de la danse sur la scène du palais des Papes. Pour cette édition, voilà Maurice Béjart et son ballet du XXe siècle. Puis les spectacles de marionnettes pour adultes comme le théâtre jeune public s’ajoutent progressivement à l’affiche.

Une sélection exceptionnelle de photographies, films, enregistrements sonores, témoignages, affiches, programmes, notes et correspondances inédites, décors emblématiques, dessins originaux, maquettes et costumes de légende… Une exposition pour revivre la grande aventure du Festival d’Avignon des origines à nos jours, l’occasion d’en explorer l’histoire, d’en comprendre les enjeux et les grandes étapes, de découvrir les œuvres et les artistes qui ont marqué la programmation et d’entrer dans les coulisses de sa fabrication.

C’est tout le premier étage de la Maison Jean Vilar qui est squatté pour l’occasion ! Pour que le visiteur s’immerge, cœur et corps, dans les créations qui ont fait les grandes heures du festival : du Prince de Hambourg signé Jean Vilar au Mahabharata de Peter Brook, de L’école des femmes de Didier Bezace au Cesena d’Anne Teresa de Keersmaeker… Une exposition qui deviendra itinérante en 2026 pour irriguer les territoires, rencontre privilégiée de la culture avec tous et pour tous.

De petites vidéos signées du comédien Thomas Jolly ponctuent cette passionnante exposition qui réserve encore d’autres surprises. Les petites enceintes qui diffusent les sons ont un temps été utilisées dans la cour d’Honneur. On entend aussi au fil de la visite résonner les trompettes du Festival. Celles-là mêmes qui retentissent avant chaque représentation, la partition datant des années 1950 est signée Maurice Jarre. Elles sont, comme les symboliques clés, un des emblèmes de ce rendez-vous unique qui permet de comprendre pourquoi l’on parle avec raison de « spectacle vivant ». Gérald Rossi, photos Christophe Raynaud de Lage
Les Clés du Festival, l’aventure du Festival d’Avignon des origines à nos jours : du mardi au samedi, de 14h00 à 18h00 à compter de la rentrée de septembre (11h00 à 20h00 tous les jours, jusqu’au 26/07. Fermeture en août). Maison Jean-Vilar, 8 rue de Mons, 84000 Avignon (Tél. : 04.90.86.59.64).





