Jusqu’en janvier 2026, à Moulins dans l’Allier (03), le Centre national du costume et de la scène présente Christian Lacroix en scène. Une rétrospective consacrée à l’ancien créateur de mode, désormais réclamé par les scènes de théâtre, de danse et d’opéra.

Profession, costumier ! Christian Lacroix, qui a participé à la grande fiesta périodique de la mode, avec ses défilés et chroniques mondaines, pendant plus de 20 saisons dès les années 1980, n’a « jamais aimé coudre ». Désormais, mais en fait depuis une quarantaine d’années, le Camarguais natif d’Arles, qui porte beau ses 73 printemps, est un homme de spectacle. « Je suis designer », s’amuse-t-il. En vérité, il conçoit, dessine, assemble (avec toute une équipe il est vrai) des tenues pour la scène, que ce soit au théâtre ou à l’opéra. Jusqu’en janvier, le Centre national du costume et de la scène (CNCS), installé depuis 2006 dans l’ancienne caserne de cavalerie construite en 1768 à Moulins, lui consacre une imposante et belle exposition, judicieusement intitulée Christian Lacroix en scène. La rétrospective, avec environ 140 costumes, vaut le déplacement dans l’Allier. Même si la ligne de chemin de fer qui dessert la cité auvergnate montre souvent des signes de fatigue.
Un artiste flamboyant et baroque
Christian Lacroix est un peu chez lui à Moulins. D’une part, parce qu’il est depuis 2009 président d’honneur de ce musée national, mais aussi parce qu’il est avec quelques autres, dont Martine Kahane, la première directrice, un des fondateurs de cette maison unique en son genre. Déjà par deux fois, en 2007 et 2012, ses créations pour le plateau ont été montrées au public, notamment pour la danse à l’Opéra de Paris. Cette fois, il est incontestable que l’on a sous les yeux le véritable cheminement d’un parcours passionné. Delphine Pinasa, la directrice du CNCS et commissaire de cette exposition, évoque « l’univers fascinant » d’un « artiste visionnaire, célèbre pour son style flamboyant et baroque ». De vitrine en vitrine, s’exprime en effet toute la palette vibrante de celui qui n’envisage pas de travailler autrement que comme un artisan. Véronique Dollfus, la scénographe de cette exposition, fut également celle de Tous Léger au musée du Luxembourg, à Paris.

Dans chacune des vitrines, devant des toiles peintes rappelant l’univers du spectacle, les costumes présentés sur des mannequins sont mis en lumière comme pour une représentation. Ils témoignent des spectacles créés comme le Phèdre mis en scène par Anne Delbée en 1995, ou encore, en 2006, le Cyrano de Bergerac, par Denis Podalydès et la troupe de la Comédie Française. Avec quelques absents, car ils sont encore en tournée ou annoncés pour des reprises. Christian Lacroix a créé les costumes de plus de 30 productions lyriques, pour l’Opéra de Paris, le Festival d’Aix-en-Provence, le Capitole de Toulouse, l’Opéra du Rhin, la Monnaie de Bruxelles, et d’autres scènes lyriques en Allemagne, Suisse, Espagne, Chine, etc…

Sans oublier, en décembre 2024, le Soulier de satin, de Paul Claudel, mis en scène au Français par Éric Ruf. Lequel, visiteur d’un jour, devant la tenue de Lucrèce Borgia portée sur la scène de la salle Richelieu par Elsa Lepoivre, souligne « la qualité de ce costume, qui était la même que celle des robes portées par les jeunes académiciennes de la troupe. Preuve que, pour Lacroix, les figurants ont droit aux mêmes égards que les premiers rôles ».
Des gens qui aiment les puces
« Je n’ai pas une façon de dessiner très académique », affirme Christian Lacroix. Désormais, il utilise surtout une palette graphique. N’empêche, l’exposition démarre par la présentation dans le Salon d’honneur de dizaines de croquis. Suivent, dans une sorte de chronologie : la Renaissance, le XVIIIe siècle, la mythologie, etc… En passant par la vitrine des robes de mariée, un peu comme dans les présentations de mode, quand elles concluent le défilé. Mais ici chacune porte la trace de son rôle, sanglant parfois. Voici celles de Roméo et Juliette, Pelléas et Mélisande…

Elles n’en sont que plus saisissantes, rappelant les drames vécus par les héroïnes qui les ont portées. Un peu plus loin, saluons le Bourgeois gentilhomme, mis en scène par Podalydès, puis le Georges Dandin de Michel Fau. Toujours, poursuit le costumier, « je travaille avec des gens qui aiment l’archive, les puces… J’ai la chance de pouvoir utiliser beaucoup de bijoux récupérés, des broderies qui viennent parfois de vêtements liturgiques. Cela fait partie d’une magie qui m’est très chère, mais qui n’est pas forcément très onéreuse ». Une pratique qui assure cependant la richesse de ces costumes et la symphonie de leurs couleurs.

Plus loin, le « grand final » dans une vaste salle tout habillée de noir accueille « Anges et démons ». Place aux « momies enluminées des catacombes de Roméo et Juliette ». Mais aussi aux trolls du Peer Gynt d’Éric Ruf, lesquels voisinent avec les squelettes des ecclésiastiques de l’Aïda de Johannes Erath donnée à Cologne. Sans oublier le pape échappé de la Vie de Galilée joué en 2019 à la Comédie-Française.

La patte du costumier se retrouve sans difficulté dans chacune de ces réalisations fantastiques, qu’elles soient en tissus patinés et usés par la vie ou délicatement assemblées en papiers collés. Avec toujours une intention particulière. Parfois dans la création pure et libre, d’autres fois, dans le respect des origines, comme pour les tenues de la Carmen de Bizet donnée en janvier dernier à l’Opéra royal de Versailles, dans des costumes absolument fidèles à ceux de la création initiale en 1875 à Paris, salle Favart. L’histoire continue. Gérald Rossi
Christian Lacroix en scène : jusqu’au 04/01/26, tous les jours de 10h à 18h. L’exposition permanente consacrée à Noureev, l’espace dédié à la scénographie, les salles présentant Une petite histoire de la création des costumes sont ouvertes toute l’année. Le CNCS, quartier Villars, route de Montilly, 03000 Moulins (Tél. : 04.70.20.76.20).





