Camus, un juste

Au Théâtre de Poche, Maxime d’Aboville met en scène Les Justes. Écrite en 1949, la pièce d’Albert Camus s’empare d’un fait historique, l’attentat contre le Grand-Duc Serge à Moscou en 1905, pour proposer une intense réflexion sur l’idée de violence. Du théâtre « philosophique », magistralement orchestré par la compagnie des Fautes de frappe ! Sans oublier Ceci n’est pas une religion, de et avec Élodie Emery, à la grande halle de La Villette.

Sur le plateau, trois hommes et une femme… Qui fomentent un attentat, excédés par la politique antisociale du gouvernement tzariste. Ils réclament justice contre l’arbitraire imposé aux populations paysanne et ouvrière. Le jeune Kaliayev est chargé de lancer la bombe contre l’oncle du tzar. Stupeur, il renonce à son geste : le grand-duc est accompagné de ses deux jeunes neveux !

Avec Les justes, Albert Camus pose la question de front : le droit à la justice autorise-t-il toute forme d’action, jusqu’à la mort d’enfants ou de femmes innocents ? Après cette première tentative, avortée volontairement, les quatre protagonistes s’interrogent avant de passer à l’action de nouveau. Le débat central : « Quel est le prix de la vie d’un homme ? Jusqu’où peut-on aller pour défendre une cause ? » L’idéal révolutionnaire ne s’interdit aucun acte, la mort n’est point un crime en regard de la cause à défendre, affirment d’aucuns avec autorité et conviction. D’autres, dont Kaliayev et Dora sa compagne, en doutent fortement. Pas un théâtre d’action, un théâtre d’idées passionnant et émouvant grâce à l’adaptation réussie du metteur en scène Maxime d’Aboville… Une pièce dont les attendus résonneront bien plus tard dans les réflexions de Camus au cœur du conflit algérien, une pièce qui n’est pas sans faire écho aux conflits qui agitent aujourd’hui notre planète, tant en Ukraine qu’en Palestine.

Dans un autre registre, plus léger et drolatique, en recherche d’un juste équilibre de sa vie, Élodie Emery dévoile sa quête et son enquête autour du bouddhisme et de ses dérives. Ceci n’est pas une religion reprend sur scène le travail journalistique qu’elle a conduit sur les sévices sexuels, attentats à la pudeur et viols, commis au sein de certaines communautés. En particulier celle dirigée par le maître lama Sogyal Rinpoché… Un gourou très proche du dalaï-lama, au courant de ses méfaits depuis des décennies mais silencieux jusqu’à leur révélation fracassante risquant de nuire à son image médiatique…

De la plume à la scène, mêlant quête personnelle et recherche de la vérité, la journaliste livre son témoignage avec force conviction et humour. Un « seule en scène » comme suite logique et bien menée de son documentaire réalisé avec Wandrille Lanos, récompensé de deux prix au Figra (Festival international du grand reportage d’actualité), finaliste du prestigieux prix Albert-Londres ! Une conférence-confession publique bienvenue, invitant chacune et chacun à la vigilance dans sa quête éperdue de spiritualité et de bien-être. Yonnel Liégeois

Les justes, Maxime d’Aboville : du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h. Théâtre de Poche, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris (Tél. : 01.45.44.50.21).

Ceci n’est pas une religion, Élodie Emery : salle Boris Vian jusqu’au 13/09, du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 18h. La grande halle de la Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris (Tél. : 01.40.03.75.75). Les 20 et 21/01/26 à Wolubilis, Bruxelles.

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