Au Pôle culturel d’Alfortville (94), le 18 octobre, Agnès Bihl dévoile 25 ans de la vie d’une femme. Avec un nouvel opus de 18 titres pour chanter le temps qui passe, grandes joies et petites misères, l’amour enchanteur ou contrarié… Une artiste qui décoiffe dans le paysage chansonnier, des textes qui mêlent la rime poétique à l’incorrect politique, le romantique au mélancolique, l’adversité à la fraternité.

Franchise et convivialité ! En ce bistrot de Montmartre, l’enfant de la Butte est à son aise. Un lieu idéal pour laisser les mots s’envoler… « Après le bac, j’ai fait des tas de petits boulots, la galère, je connais », avoue la jeune femme sans une quelconque pointe d’amertume. Déjà, les vrais amours d’Agnès Bihl sont ailleurs : la fréquentation des poètes comme Aragon, Baudelaire et Musset, la chanson dans les bars où elle écume les titres du répertoire. Jusqu’au jour du « coup de foudre, le coup de cœur », elle découvre Allain Leprest dans une petite salle de la Butte aux Cailles. « Ce jour-là, je me dis que les grands de la chanson ne sont pas tous morts, j’en avais un sous les yeux. D’un coup, tout me paraît possible, le soir même je compose ma première chanson ». Pour se produire ensuite en divers cabarets, avant de faire les premières parties de Louis Chedid, Thomas Fersen, Brigitte Fontaine, La Tordue, Anne Sylvestre… Fait rare : des mois durant, Agnès Bihl assure la première partie des concerts de Charles Aznavour, lui qui refusa ce genre d’exercice pendant près de trente ans !

Pour celle qui n’a jamais cessé d’écrire, les chansons s’enchaînent. De La terre est blonde, son premier album jusqu’au dernier né 25 ans de la vie d’une femme, Agnès Bihl ne fait pas vraiment dans la guimauve. Plutôt dans le décapant, une tornade brune ou blonde à la chasse des enzymes plus cons que gloutons. « Qu’on ne se méprenne pas pourtant, ma démarche est artistique, je ne fais pas dans l’humanitaire. Quand Brassens chante Le gorille, il ne crée pas une association contre la peine de mort ! Je fonctionne à coups de mythologie, je m’inscris dans cette histoire de la chanson française, libertaire et contestataire ». Des cris et des rimes pour dénoncer les crimes de ce monde fou où Des millions d’gosses mangent de la viande juste quand ils se mordent la langue. S’élever contre la loi du plus fort mais croire, toujours et encore, qu’il existe des Gens bien… !

Elle l’avoue, elle le chante même, elle est chiante et méchante, surtout chiante, mais ça l’enchante la nana de la Butte ! Pas vraiment buttée sur l’image que l’on se fait d’elle et si le monde ne tourne pas rond, le détestant « comme une manif sans merguez », elle trouve le mot juste, la rime bien acérée pour le vilipender à sa façon. Sur des musiques bien léchées, de la contestation qui n’est ni tract ni propos béton où tendresse et passion se déclinent au diapason de l’humour et de la dérision. Entrez mesdames et messieurs, sous l’chapiteau du temps qui rêve, vous y attend une jolie fille qui minaude et musarde. Gare toutefois, en coulisses il y a de la dynamite, une nana qui décoiffe ! Qui s’empare de sujets tabous comme l’inceste, Touche pas à mon corps, la parole bouleversante d’une enfant à son papa trop aimant…

Femme, elle ne s’en laisse point conter sur la dureté de l’aujourd’hui, du quotidien de la vie, sur la galère de Madame Léonie… Mais aussi, la lassitude dans le couple, l’amour qui casse, le temps qui passe, la déprime… De La complainte de la mère parfaite à Dis, c’est quoi ce plan cul, elle sait aussi chanter avec force tendresse La plus belle c’est ma mère. Agnès Bihl ne se refuse aucune image, sur les lignes de mon visage, on peut bouquiner mon histoire, mes coups de foudre et mes orages, aucun éclat de voix… Prompte à monter au créneau pour toutes ces causes où riment les mots égalité et fraternité, la femme-l’étranger-le gréviste-le sans papiers. Une femme engagée, Agnès Bihl ? « Tout dans la vie est engagement : tenir une plume, ouvrir un journal, dire Je t’aime ». Des convictions scandées sur mesure entre rock et musette, de la chanson populaire bien troussée entre coups de cœur et coups de griffe, émotion et rébellion.
Allez-y, allez-y donc tous écouter la Bihl à l’occasion de la longue tournée qui débute. Elle vous attend, ni parfaite ni refaite, telle que la vie l’a faite… Entre poésie et mélancolie, humour et gouaille aussi, assurément vous serez séduit ! Propos recueillis par Yonnel Liégeois
25 ans de la vie d’une femme, Agnès Bihl : le 18/10, 20h30. Le POC (Pôle culturel d’Alfortville), Parvis des Arts, 94140 Alfortville (Tél. : 01.58.73.29.18). Le 23/10 au vent des Glottes, St Jean de Monts (85). Le 24/10 au vent des Glottes, St Hilaire de Riez (85). Le 26/10 au Kabellig Ruz, Lanloup (22). Le 04/11 au festival Chants d’Elles, Rouen (76). Le 10/11 au festival Chants d’Elles, St Ouen d’Attez (27).





