Une corde pour funeste plaisir

Au studio Marigny, à Paris, Guy-Pierre Couleau présente La corde. De la pièce de l’américain Patrick Hamilton en 1929 au film d’Alfred Hitchcock en 1948, l’adaptation de Julien Lambroschini et Lilou Fogli livre un huis clos pétri d’humour et de suspense. À trop tirer sur la corde, d’aucuns risquent pourtant d’en perdre le souffle !

Les cartons sont faits, les valises bouclées, Louis et Gabriel déménagent : de bon matin, demain, ils prennent la route de la Suisse pour affaires. Une destination rêvée pour ces deux jeunes parvenus, fiers de leur réussite financière, condescendants et arrogants. Ce soir, ils ont invité un petit comité pour fêter leur départ : la mère de Louis l’intriguant, son ancien professeur de philosophie et leur voisin d’étage, un serrurier de métier pas très fûté mais sympathique… Plus tôt dans la soirée, Louis et Gabriel ont accueilli un copain de promotion, Antoine, qu’ils n’apprécient guère. Il travaille dans le social, un choix de vie radicalement différent, un tempérament profondément humaniste… Un pauvre type, un raté donc au prisme de l’échelle de valeurs des deux compères. Qui ne mérite pas de vivre, sa mort préméditée par pur plaisir, La corde au cou et le corps dans la malle.

Un petit cadenas pour la boucler, la vigilance s’impose, le serrurier à surveiller tout de même, le tour est joué. Précaution supplémentaire, on n’est jamais à court d’idées chez ces gens-là, elle servira de table pour éteindre l’éventuelle curiosité des convives. Bien sûr, lorsque Marie arrive, elle est inquiète, sans nouvelles de son fiancé. La soirée de dupes peut commencer. Entre coupes de champagne et blagues de bas étage, les dialogues fusent, la tension monte, les bourdes de Gabriel s’amoncellent. Pas rassuré, transpirant de peur à l’idée que l’on découvre le cadavre, alors que Louis son comparse n’en finit pas de minauder, de persifler, de se moquer des uns et des autres. Comme à l’accoutumée, soutenu par sa mère (merveilleuse Myriam Boyer) engoncée dans des principes d’un autre âge, soucieuse surtout de ce qu’il est advenu de la soupière en porcelaine prêtée à son si charmant garçon. Tout sonne faux dans cette famille de nantis, tout est vrai pour le public, complice du meurtre commis sous ses yeux. Le paradoxe ? Humour et fous rires ponctuent les discussions, on grignote les amuse-gueules sur la tête du mort, planqué dans le coffre.

Le crime presque parfait, sans mobile apparent, sinon le mépris de classe et la conviction de se croire intouchable au regard de son statut social… Cinéphile averti ou public avisé, nous savons bien que la comédie prendra fin, pourtant l’intrigue nous passionne jusqu’au dénouement. La philosophie en sort grandie, le prof aura le dernier mot pour une pipe oubliée et un ticket de cinéma égaré… Une mise en scène diabolique, sous tension et sans temps mort, une bande d’acteurs au talent machiavélique. Point de « doute raisonnable », corde au cou ou pas, le verdict : une pièce à couper le souffle ! Yonnel Liégeois, photos Bertrand Exertier

La corde, Guy-Pierre Couleau : du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Théâtre Marigny, Carré Marigny, 75008 Paris (Tél. : 01.86.47.72.77).

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