Donne-moi la main…

Au théâtre Charles Dullin du Grand Quevilly (76), Florian Pâque propose Dans le silence des paumes. Tout en sensibilité et poésie, le portrait d’une mère de famille dont les années de dur labeur ont usé et abîmé le corps, surtout les mains. Un hommage à toutes ces femmes qui ont consacré leur vie à l’avenir de leur progéniture.

Deux-trois tables basses avec leurs jolies lampes de chevet, tout autour des chaises éparpillées dans le salon, dans un coin un imposant fauteuil d’un vert criard… L’ambiance est calme, détendue, le public s’installe avec curiosité. Plongée dans une intimité sereine, quelques places demeurent libres, réservées probablement aux hôtes des lieux !

Prendre un enfant par la main…

La lumière se fait plus discrète en cet appartement où nous accueillent les trois enfants devenus grands : une fête, un anniversaire ? Nul ne sait le motif des retrouvailles, ils sont bien là en tout cas, s’adressant à l’absente, l’inconnue, la distante qui ne leur a jamais donné la main : la mère, dont ils vont nous narrer l’existence, brisant les non-dits et le silence des paumes. En direct ou descendue des cintres en off, à tour de rôle leur voix va décrire leur colère et frustration, d’abord, devant cette génitrice qui n’a jamais daigné poser ce geste de tendresse, prendre son enfant par la main, au contraire de toutes les mamans venues conduire ou rechercher leur progéniture à l’école. Incompréhension, désillusion devant ce fauteuil toujours vide…

« Nous sommes restés sans réponse jusqu’au soir de sa vie », témoignent fille et garçons avec une certaine pointe d’amertume. Jusqu’à ce jour, où là devant nous, spectateurs captifs d’une histoire prégnante et embuée d’émotion, « dans ce salon sans souvenirs, nous avons glissé notre visage dans les mains de notre mère »… Des mains crevassées, usées par le travail, parcheminées par le quotidien ménager, honteuses et indignes à caresser de peur de blesser, surtout d’être rejetées et remisées au rang d’intouchables ! Au passage à la vie d’adulte pour les trois protagonistes, au soir de la vieillesse pour l’absente dont la présence se fait de plus en plus vivifiante au creux du vert fauteuil, l’amertume fait place à la tendresse, le rejet à l’amour filial.

Les flacons de produits d’entretien deviennent lumières d’espoir et de reconnaissance à toutes ces femmes dont la vie exemplaire demeure reléguée dans l’anonymat le plus mortifère. Pourtant héroïnes jour après jour pour que l’enfant grandisse et s’épanouisse, leurs mains toujours disponibles pour servir et protéger. Du théâtre hors les murs, au plus près du public qui communie à la respiration des trois comédiens, un texte et une mise en scène de Florian Pâque qui transpire de poésie et de sensibilité. Un vibrant hommage à ces oubliées de l’histoire, mères et travailleuses contraintes à la double peine, usine – bureau/maison, chevalières de l’amour silencieux. Yonnel Liégeois

Dans le silence des paumes, Florian Pâque : Théâtre Charles Dullin, Grand Quevilly, les 25 et 26/11. Les ateliers Médicis, Clichy-sous-Bois, le 02/12. Le Bellovidère, Beauvoir, du 05 au 07/12. L’Athénée Royal, Herstal, le 19/12. Le Théâtre à Domicile, Liège, les 19 et 20/12. Le Théâtre Durance, Scène nationale de Château-Arnoux-Saint-Auban, du 02 au 06/03/26. Le Maïf Social Club, Paris, du 26 au 29/03/26. Le texte (72 p., 12€) est disponible aux Éditions Lansman.

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