Aux éditions Le Clos Jouve, Stéphane Barsacq publie Dominique, suivi de Epectases de Sollers. Une étude monographique d’un vif intérêt, consacrée à deux figures de la littérature française, la romancière Dominique Rolin et Philippe Sollers. Un livre qui se place d’emblée sous le triple signe du respect, de l’admiration, de l’amitié.

D’abord journaliste au groupe Figaro, Stéphane Barsacq fut directeur de collection chez Tallandier, directeur littéraire chez Robert Laffont avant de rejoindre Albin Michel. On lui doit, entre autres, des ouvrages sur Cioran, Rimbaud, Yves Bonnefoy, Johannes Brahms, la pianiste Hélène Grimaud, ainsi que sur le célèbre décorateur des Ballets russes de Diaghilev, Léon Bakst, qui était son aïeul. Né du sculpteur-orfèvre Goudji, Stéphane Barsacq est le petit-fils d’André Barsacq (1909-1973), homme de théâtre complet qui, succédant à Charles Dullin à l’Atelier, y mit en scène notamment Claudel, Anouilh, Audiberti, Félicien Marceau et la pièce l’Épouvantail de la jeune Dominique Rolin, dont Cocteau, Max Jacob et Jean Paulhan saluaient, en 1942, la parution, chez Denoël, du premier roman, les Marais.

Dominique Rolin, fière femme de talent, belle jusqu’en son grand âge, s’est éteinte en 2012, à 99 ans. Sollers est mort l’an dernier. Il avait 86 ans. Ils s’étaient rencontrés en 1958. Leur amour absolu a duré jusqu’à leurs fins respectives. En témoignent, chez Gallimard, deux ouvrages croisés : d’elle, Lettres à Philippe Sollers 1981-2000 et, de lui, Lettres à Dominique Rolin (1958-1980). L’art épistolaire passionnel y est porté au plus haut. Le texte de Stéphane Barsacq se présente sous la forme d’un journal, daté au gré de ses échanges avec l’une ou l’autre. Chez Dominique Rolin priment l’affection joueuse et la coquetterie de l’aînée, sa quête incessante du bonheur, face à un Stéphane Barsacq déférent et ému.

Le chapitre sur Sollers et ses « épectases » (le mot, très fort, désigne l’orgasme à sa plus grande intensité) rend compte de l’intelligence sans pareille de celui qui a écrit Portrait du joueur et tant d’ouvrages (quatre-vingt, au bas mot). Le dialogue avec ce jongleur de stimulants paradoxes porte sur une infinité de thèmes : la musique, Mozart, Shakespeare, l’amour, les femmes, la jeunesse actuelle, Dieu, Venise, la France « moisie » – définition qui lui valut tant de diatribes –, la poésie indispensable… L’hommage est de grand style, beau sans être béat, à l’échelle du sujet humain d’exception que fut Sollers. Jean-Pierre Léonardini
Dominique, suivi de Epectases de Sollers, Stéphane Barsacq (éditions Le Clos Jouve, 116 p., 19€)





