Le 22/12, la chaîne T18 diffuse les quatre derniers épisodes de L’art de la joie. L’actrice et réalisatrice italienne Valeria Golino s’est attelée à l’adaptation du chef-d’œuvre de Goliarda Sapienza. Une ode à la liberté insolente, dense. Paru dans le quotidien L’Humanité, un article de Catherine Attia-Canonne.

Une petite fille entame une course effrénée en pleine nuit alors que, derrière elle, l’incendie fait rage. L’entame de l’Art de la joie donne d’emblée le ton : son héroïne, Modesta (enfant, interprétée par Viviana Moccario, et, adulte, par Tecla Insolia) fuit. Sa famille. Sa condition. Sa solitude. Sur sa route, elle croise Mimmo (Giovanni Calcagno), qui la confie au couvent dont il est l’homme à tout faire. Traitée moins bien qu’une chèvre dans sa propre maison, Modesta ne peut que se comporter en animal, jusqu’à ce que la mère supérieure Leonora (Jasmine Trinca) la prenne sous son aile. Instruite, nourrie « tous les jours comme si c’était dimanche », dit-elle, elle dort dans « des draps au parfum de dragée ».
Figure féministe fougueuse
Sa nature rebelle, celle d’une enfance souillée, et son autodétermination, pourraient mettre à mal ce confort. « Elles avaient Dieu, je voulais avoir la vie. Et, à la vie, les sœurs opposaient des mots comme le mal, le péché et l’obéissance ». Sans remords ni regrets, Modesta saisit sa chance lorsqu’elle est placée chez la princesse Brandiforti (Valeria Bruni-Tedeschi), aristocrate farfelue et arrogante, qui intime à Modesta de ne jamais céder à la maternité « qui éloigne les femmes de leur vie. Tu pourrais perdre toute ton intelligence, toute ta force », lui assure-t-elle. Née sur les pentes de l’Etna le 1er janvier 1900, sa trajectoire la mènera jusqu’au rivage de la Méditerranée, à Catane, au travers de la Première Guerre mondiale et de la grippe espagnole.

Cette adaptation du scandaleux pavé de Goliarda Sapienza est magistralement portée par Tecla Insolia, révélation montante du cinéma italien. De façon sensuelle, elle donne chair à cette figure féministe fougueuse, à ses outrances, à ses amours bisexuelles. Ces six épisodes sont tirés de la première partie du roman, soit les vingt premières années de Modesta. Nous avons hâte de voir la suite. Catherine Attia-Canonne
L’art de la joie, Valeria Golino : T18, 21h, lundi 22/12. Les deux premiers épisodes sont disponibles en replay.
L’art de la joie, Goliarda Sapienza
D’un chapitre l’autre, un bonheur de lecture à savourer sans modération. Près de 800 pages qui se dégustent à petites gorgées pour que dure la musique des mots : la joie, tout un art ! Une histoire de femme écrite par une femme, Goliarda Sapienza… L’écrivaine sicilienne, méconnue, achève en 1976 un volumineux roman, L’art de la joie. Consacré aujourd’hui comme une œuvre majeure de la littérature italienne, un classique, il ne sera jamais publié du vivant de son auteure. Un roman devenu culte qui nous conte la vie aventureuse, et amoureuse, de Modesta la sicilienne, née pauvre mais insoumise, éprise de son destin que nul ne peut lui imposer.

Une saga à multiples rebondissements, haletante et poignante, qui nous plonge avec talent et ravissement dans les soubresauts de l’Histoire, individuelle et collective : la femme et le peuple, libérés. Disponible sur ArteTV, ne manquez pas Désir et rébellion-« L’art de la joie » de Goliarda Sapienza, le documentaire de Coralie Martin. Au travers d’archives qui restituent la voix de l’écrivaine sicilienne disparue en 1996, un hommage lumineux à son destin et à son chef-d’œuvre « anarchiste » qui a triomphé de l’oubli près de vingt ans après sa mort (Le Tripode, 798 p., 14€50). Yonnel Liégeois





