La précarité, au bas de notre porte

Véronique Mougin a publié un témoignage émouvant. Celui de Brigitte, une femme bien sous tout rapport qui, peut-être, habite en bas de chez vous. Avant de se retrouver SDF, du jour au lendemain.

 

 

C’est une battante, Brigitte. Confiante et conquérante, parée de tous les atours de la réussite : la beauté, la santé, le travail et l’amour… Un salon de remise en forme où elle investit ses quelques économies, un patron qu’elle aime et soutient en vue d’agrandir sa petite affaire. Jusqu’au jour où la femme battante devient une femme battue et s’enfuit un soir, pour échapper aux coups de trop et se retrouver à la rue : sans papier, sans argent, sans toit.

brigitte“ J’habite en bas de chez vous ” n’est pas un énième témoignage complaisant sur la vie de ces hommes et femmes qui sombrent un jour au plus noir de la précarité. Une première nuit dans un commissariat, une seconde à l’abri d’un square, la troisième dans le centre d’hébergement d’un hôpital parisien : on en retrouve d’autres, on se sent moins seule mais on ne parle toujours pas, par fierté et honte mêlées. Et les jours passent, les semaines aussi, l’étau se resserre, la chute semble inexorable lorsque l’on se couche, corps usé et tête fatiguée, sur un grabat de fortune. Place des Vosges, sous une porte cochère des beaux quartiers. Et Brigitte de raconter alors les efforts incroyables à fournir, les stratégies à déployer : pour survivre d’abord au froid et à la faim, tenter de garder sa dignité face à l’adversité, se penser encore homme ou femme à part entière en dépit des regards apitoyés ou des conseils mal avisés des associations de solidarité…

Pêle-mêle, au nom des sans-abri dont elle a partagé le sort durant deux longues années, Brigitte dénonce autant la dureté de la vie dehors que l’incurie des services sociaux, l’indigence des politiques mises en œuvre autant que l’indifférence des élus en charge de les conduire. Avec cette conviction, chevillée au corps : pour espérer s’en sortir, avant de sombrer dans l’alcool ou le dégoût de soi-même, la drogue ou la prostitution, il faut une main tendue. Tout de suite, sans attendre… Un jour de plus, il est souvent trop tard. Si être SDF est un combat quotidien pour la survie au sens fort du terme, ne plus vouloir le rester s’avère une tâche presque insurmontable sans aide ni soutien permanents. Et pourtant, Brigitte en témoigne, elle était une battante, une citoyenne bien insérée comme nombre d’entre nous. Derrière une vie en lambeaux, elle l’atteste, “ dans la rue il y a beaucoup de gens normaux à qui le ciel est tombé sur la tête ”.

Aujourd’hui la jeune femme s’en est sortie, elle a retrouvé du travail.  Pas rassurée pour autant, “ je sais d’expérience que l’on peut avoir des papiers en règle, un travail, des amis, une famille et se retrouver à dormir dehors. Je ne suis pas à l’abri, vous non plus ”. En tout cas, jamais elle n’oubliera les autres. Toutes les autres : plus d’un sans-abri sur trois est une femme. Yonnel Liégeois

J’habite en bas de chez vous, par Brigitte, en collaboration avec Véronique Mougin (coédition France Info – Oh éditions, 268 p., 18€90).

 

Plume de femme

Ancienne journaliste à L’Express, Véronique Mougin est une femme de plume qui en use avec talent et conviction. Qui ose, surtout, servir la cause de toutes ces “ Femmes en galère ”, celles qui vivent avec moins de 600€ par mois, dont elle nous a conté le quotidien dans un précédent ouvrage ( La Martinière, 280 p., 17€). Et d’élargir son regard à l’ensemble de la population des sans-abri, avec “ Les SDF, idées reçues ” (Le cavalier bleu, 125 p., 9€).

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