C’est une véritable star, une diva, Marilu Marini ! Capable de magnifier tous les personnages qu’elle incarne et leurs registres de jeu particuliers, même les plus contradictoires, et qu’elle nous offre instantanément avec grâce dans une ironique distance. Ainsi en va-t-il dans La Journée d’une rêveuse (et autres moments…), la pièce de Copi mise en scène par Pierre Maillet.
Il faut la voir, Marilu Marini, s’asseoir au centre de la scène, face au public à l’entame du spectacle ! Et prendre le temps de nous fixer droit dans les yeux et dire « Encore une journée »… Comme en écho à la réplique inaugurale de la Winnie d‘Oh les beaux jours de Samuel Beckett : « Encore une journée divine ». Cette deuxième accroche, Marilu Marini la connaît parfaitement pour
l’avoir maintes fois proférée lorsqu’elle interprétait le rôle-titre de Winnie sous la férule d’un autre argentin comme elle, Alfredo Arias, vieux complice avec lequel elle a souvent œuvré…
D’un théâtre à l’autre – elle fait halte aujourd’hui au théâtre du Rond-Point à Paris avant de poursuivre sa tournée – Marilu Marini, en « rêveuse » de Copi, traine sa chaise comme la petite bonne femme des dessins de l’auteur dans ce qui était encore le Nouvel Observateur. Une réminiscence de la Femme assise, un spectacle directement inspiré de la bande dessinée de Copi qu’elle avait interprété et que lui avait concocté le même Alfredo Arias il y a une trentaine d’années. À remonter le temps, on citera aussi la création de La Journée d’une rêveuse en 1967, mise en lumière toujours par un argentin exilé comme l’auteur, Jorge Lavelli. Aujourd’hui, et depuis 2015, c’est Pierre Maillet
qui est aux commandes et il rend hommage en prologue à son aîné en citant un petit texte de l’auteur dédiant sa pièce au metteur en scène, comme cela, dans un trait aussi rapide que celui de ses dessins.
La Journée… peut alors vraiment commencer, avec la rêveuse Marilu Marini seule en scène ou presque, un pianiste l’accompagne de temps à autre, et une multitude d’autres personnages dont on n’entend que la voix (celle enregistrée de Pierre Maillet soi-même, Michael Lonsdale et Marcial di Fonzo Bo)… Tout un univers doucement déjanté, celui de Copi et de son esprit totalement débridé et fou mais qui, mine de rien, parvient à toucher en nous des zones sombres et sensibles, celles travaillées par la mort notamment.
Il y a dans ce théâtre en constante métamorphose, qui joue du temps et de l’espace à sa manière, un réel effet de pudeur. Et c’est un vrai régal. N’oublions surtout pas la parenthèse du titre La Journée d’une rêveuse : (et autres moments…)… Jean-Pierre Han
Jusqu’au 21/05 au Théâtre du Rond-Point à Paris, le 24/05 au Manège de Maubeuge.