72 jours… Entre mars et mai 1871, le peuple de Paris se soulève pour la Commune. Une expérience inédite de République sociale et démocratique, écrasée dans le sang sur ordre de Thiers. Un siècle et demi plus tard, que reste-t-il en héritage ? Jusqu’au 28 mai, ultime épisode de la « Semaine sanglante » au cimetière du Père-Lachaise, Chantiers de culture publie une série d’articles pour célébrer le 150ème anniversaire de la Commune de Paris. Yonnel Liégeois
L’Atelier en fait une somme !
Sous la direction de l’historien Michel Cordillot, les éditions de L’Atelier publient une somme sur ce haut fait révolutionnaire. Un pavé de près de 1500 pages, fourmillant de détails sur les événements et ses acteurs.
Succès inattendu ! Après une semaine dans les rayons, le livre La Commune de Paris 1871 était déjà voué à être réimprimé : disponible à nouveau chez les libraires, début avril… La preuve, cent cinquante ans après cet épisode révolutionnaire qui coupa le pays en deux camps, qu’il captive toujours les Français. « C’est un moment d’histoire passionnant, doté d’une très forte charge symbolique », rappelle l’historien Michel Cordillot, coordinateur de l’ouvrage. « Les classes dirigeantes n’ont jamais eu aussi peur que lors de la Commune, il en est ressorti une légende rouge et une légende noire ».

Le camp versaillais, qui écrase l’insurrection au cours de la Semaine sanglante, dépeindra les communards comme des criminels et des barbares, légitimant l’ampleur de la répression. Pour échapper à cette guerre des mémoires, la trentaine de chercheurs qui s’est attelée à ce livre a mis en perspective les événements avec l’itinéraire de ses acteurs, en s’appuyant sur les ressources du Maitron et ses biographies ouvrières. Héritier de 1848, auquel nombre de communards ont participé, le soulèvement parisien du 18 mars 1871 est porteur d’un formidable espoir.
Un futur social et sociétal
Pour la première fois, l’exercice du pouvoir par les représentants des classes populaires ne relève plus du domaine de l’impensable. « La commune démontre que les classes dominées peuvent avoir un rôle à jouer. Des réformes sociales et politiques sont portées en cinquante-quatre jours, qui vont dans le sens d’un futur social et sociétal », note Michel Cordillot. Un moratoire sur les dettes et les loyers est décrété, avec réquisition des logements vacants. Les associations ouvrières sont autorisées à reprendre la gestion des ateliers abandonnés. Les écoles sont laïcisées, l’égalité salariale entre instituteurs et institutrices décrétée. Cette dernière mesure, une formidable avancée pour l’époque, est obtenue grâce à l’opiniâtreté des communardes. Les femmes vont jouer, en effet, un rôle actif en faveur de l’égalité, notamment salariale, tout en réclamant la liberté d’agir aux côtés des hommes dans l’insurrection. « Elles appellent à la guerre, écrivent dans les journaux, demandent à être ambulancières, cantinières, inventent le mot « oratrice », réclament des crèches pour pouvoir travailler », énumère l’historienne Florence Braka. « Les femmes vont prendre le pouvoir que les hommes leur refusent ».

Tandis que Louise Michel se bat sur les barricades, l’ouvrière Nathalie Lemel réclame des armes pour écraser Versailles. La réaction, elle, inventera l’image de la « pétroleuse » incendiant Paris. « On les a dépeintes comme des furies, des folles. Elles avaient osé défier l’autorité masculine pour agir dans la sphère publique, attaquer la famille en faisant reconnaître les unions libres et en réclamant l’égalité ». Près de 1052 communardes seront arrêtées, et pour certaines lourdement condamnées. La France, elle, basculera définitivement, après 1871, en faveur de la République. Cyrielle Blaire
La Commune de Paris 1871, coordonné par Michel Cordillot (éditions de l’Atelier, 1440 p., 34€50).