Ancien directeur du théâtre et des spectacles au ministère de la Culture sous l’ère Lang, Robert Abichared est décédé le 15 juillet. Enseignant, fin connaisseur de Casanova, ce grand intellectuel républicain n’a jamais renié la mission de service public.

Un crève-cœur, à l’annonce de la disparition – dans sa 91e année – de Robert Abirached, écrivain, journaliste, critique, grand universitaire, administrateur officiel d’affaires théâtrales, citoyen républicain au plus haut sens du mot. Né à Beyrouth en 1930, habitant Paris dès 1948, il prépare Normale sup à Louis-le-Grand. Admis en 1952, agrégé de lettres classiques en 1956, il obtiendra, en 1974, son doctorat d’État à la Sorbonne.
En ses débuts, sur trois ans, il édite en trois tomes, dans « la Pléiade », les Mémoires de Casanova. Le prix Sainte-Beuve couronne, en 1961, son essai Casanova ou la dissipation. Dans les revues Études et la Nouvelle Revue française, il livre, jusqu’en 1971, des chroniques de critique littéraire et théâtrale. Il écrit aussi, de 1964 à 1967, dans le Nouvel Observateur. Il entre à la Sorbonne en qualité d’assistant en littérature française, vivant ainsi les événements de Mai 68 aux premières loges. L’année d’après, il est chargé de cours à l’université de Caen, où il crée l’un des premiers instituts d’études théâtrales, y restant jusqu’en 1981. C’est alors que Jack Lang, nouveau ministre de la Culture, qu’il connaît depuis la fondation du Festival mondial du théâtre de Nancy, le nomme pour sept ans à la direction du théâtre et des spectacles, où il mène une politique éclairée, avec toujours au cœur la mission historique de service public.
Un coup d’éclat contre Maurice Druon, ministre de la Culture
Il est bon de rappeler qu’en 1973 Robert Abirached, faisant partie de la commission d’aide aux animateurs dépendant du ministère des Affaires culturelles, en avait démissionné, en compagnie de Renée Saurel, Alfred Simon et Bernard Dort, protestant avec véhémence contre la politique et les propos du ministre d’alors, Maurice Druon. Professeur à Paris-X Nanterre et au Conservatoire national d’art dramatique, il anime une recherche capitale sur l’histoire de la décentralisation (quatre volumes chez Actes Sud-Papiers).

La liste est longue, et gratifiante, de ses écrits sur le théâtre. Pardon pour un insert personnel : me fut comme une Bible la parution, en 1978, de son étude monumentale la Crise du personnage dans le théâtre moderne (reprise chez « Tel », Gallimard), tout comme ses réflexions essentielles dans le Théâtre et le Prince, suivi d’ Un système fatigué (Actes Sud-Papiers). On doit à ce grand intellectuel, homme de petite taille au regard aigu derrière les lunettes, une gratitude éperdue. Jean-Pierre Léonardini