Du 29/03 au 08/04, puis du 18 au 29/04, au Théâtre-Studio d’Alfortville, le metteur en scène Christian Benedetti propose Guerre. Une pièce de Lars Norén disparu en 2021, successeur d’Ingmar Bergman à la tête du Théâtre national de Suède. Du retour d’un soldat que la famille croyait cadavre, un théâtre de tensions successives et de situations aux dialogues savamment construits.
« Le public et les acteurs doivent respirer ensemble, écouter ensemble. Dire les choses en même temps. Je préfère un théâtre où le public se penche en avant pour écouter à celui qui se penche en arrière parce que c’est trop fort ». Lars Norén
Au Théâtre-Studio d’Alfortville, Christian Benedetti met en scène Guerre, une pièce de 2003 de Lars Norén, emporté par le Covid-19, le 26 janvier 2021, à l’âge de 77 ans. C’est un hommage posthume à l’adresse de cet auteur né et mort à Stockholm, poète lyrique repenti, qui fut appelé à succéder à Ingmar Bergman à la tête du Théâtre national de Suède et à qui l’on doit plus de 40 pièces d’une intensité sans merci, tant dans la sphère familiale que dans le champ social. Un soldat rendu aveugle (Marc Lamigeon), qui a été prisonnier dans un camp, rentre à la maison après deux ans d’absence sans nouvelles. Il n’est pas le bienvenu. On l’avait cru cadavre. L’épouse, qui ne l’a jamais aimé (Stéphane Caillard), s’est donnée entre-temps au frère (Jean-Philippe Ricci) de ce revenant intempestif. Il y a deux filles. L’aînée (Manon Clavel) se prostitue au contact des troupes d’occupation. La cadette (Alix Riemer) est une adolescente anxieuse au comportement éruptif… Ce sont de courtes scènes d’une stricte économie langagière.

La représentation, réglée de main de maître, Benedetti assumant tout, de la régie à la scénographie, des lumières aux costumes, traduit fidèlement l’esprit de Norén, expert en tensions successives, au sein d’un théâtre de situations aux dialogues savamment construits suivant des critères musicaux. Dans cette forme d’écriture elliptique, les silences s’avouent infiniment parlants, pour ainsi dire, car le metteur en scène possède, au plus haut point, l’art de suggérer les affects par le truchement de corps en expectative, juste avant que se fasse la césure du noir, dans lequel s’effectuent les déplacements furtifs des acteurs, qu’on va retrouver soudain en pleins feux.

La science du jeu constitue d’ailleurs le luxe exclusif de l’esthétique du Théâtre-Studio, où l’on cultive scrupuleusement un dynamisme physique explosif, dont témoignent, cette fois, la brève lutte des deux frères ou l’accès d’hystérie de la plus jeune des filles à terre, à qui la mère flanque des coups de pied dans le ventre. Dit ainsi, cela peut faire peur, mais en vrai, devant chaque spectateur, cela rend résolument compte de la violence du saccage à l’œuvre dans les êtres, ici simulé dans l’infinie détresse de l’intimité domestique d’une famille en miettes, plongée dans la démence d’un conflit qui la ravage de surcroît. Christian Benedetti, qui dirige le Théâtre-Studio d’Alfortville depuis 1997, continue d’en faire un haut lieu d’exigence artistique entre tous digne d’éloge. Jean-Pierre Léonardini
Guerre, de Lars Norén : Du 29/03 au 08/04, puis du 18 au 29/04 au Théâtre-Studio d’Alfortville. Du mardi au samedi, 20h30 (Rens. : 01.43.76.86.56). Le texte (traduction de Katrin Ahlgren et René Zahnd) est publié par l’Arche éditeur.