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Yalla, l’impossible dialogue

Au théâtre de la Reine blanche (75), Deborah Banoun présente Yalla. Le dialogue impossible entre une jeune soldate israélienne, fusil mitrailleur en bandoulière et un adolescent palestinien, caillou à la main. Dans un dispositif scénique original, un spectacle fort émouvant et percutant.

Une longue table, à chaque extrémité une fille et un garçon tête baissée et les mains sur les yeux…Atmosphère sombre, silence de mort. Elle se lève, parle. Soldate novice, elle regrette presque d’être là, le doigt sur la gâchette. Ses compagnons d’arme l’ont prévenue, elle n’est ni à sa place ni à la hauteur. Dans les bureaux ou monter la garde à la caserne, oui… Elle refuse, elle a dit non, elle veut défendre sa terre, sa patrie. Quelle terre, à qui ? Le gamin la regarde, l’observe, la fixe. Il est chez lui, on l’en a chassé. Comme les grands, il veut récupérer ce qu’on lui a volé, peut-être cette maison ou cette plantation d’oliviers que l’on imagine au loin. Caillou en main, comme les anciens, comme sa mère qui tremble pour lui, il veut défendre sa terre, sa patrie. La peur au ventre, balle qui va siffler ou pierre qui va voler, ils entrecroisent leurs monologues. Paroles intérieures proclamées à voix haute, à tour de rôle, sans jamais se rencontrer ou dialoguer : bouleversantes et pathétiques, poignantes et dramatiques, une jeunesse sacrifiée, un avenir sabordé !

Le temps suspendu entre deux visions d’une même réalité, la tragédie dont s’est inspirée l’auteure Sonia Ristic. En mai 2011, lors de la commémoration de la Nakba (les Palestiniens chassés de leurs terres au lendemain de la création de l’état d’Israël en mai 1948), les exilés se massent à la frontière libano-israélienne. Une manifestation pacifique, pour toute arme des drapeaux, l’armée tire : une douzaine de morts et des centaines de blessés sous les balles de Tsahal. De chaque côté de la table, symbole de partage et de convivialité dans un ailleurs, les paroles fusent. Tantôt acerbes et violentes, tantôt douces et presque poétiques sur ce chemin caillouteux où chaque pas crisse, frontière imaginaire à la mort supposée… Peur et douleur nous sont contées, sans pathos superflu, pour l’une et l’autre la vérité d’un conflit qui les ronge et les dépasse. Jeune fille en uniforme, jeune garçon en jean, ne pourront-ils donc jamais se parler, dialoguer, peut-être s’aimer ?

 Entre foi en la terre promise et colère d’un peuple déraciné, Pauline Étienne et Mohamed Belhadjine maîtrisent leur jeu à la perfection. Le public est submergé, subjugué. Immergé surtout dans un dispositif scénique original, et fort prégnant, dont nous ne dirons mot. Yalla pour l’un, « en avant, allons-y » en langue arabe, Yalla pour l’autre que l’on peut traduire aussi en hébreu par « Dieu, le divin », résonnent cruellement à l’heure d’une nouvelle tragédie. L’humain foudroyé dans la plus sombre inhumanité lorsqu’une jeunesse torpille son futur dans la haine et la violence. Pierre et fusil à terre, nous osons croire encore en un regard partagé l’une envers l’autre. Yonnel Liégeois

Yalla, Sonia Ristic et Deborah Banoun : jusqu’au 20/04, les mercredi et vendredi à 21h, le dimanche à 18h. Théâtre de La reine blanche, 2bis passage Ruelle, 75018 Paris (Tél. : 01.40.05.06.96).         

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Quand Bach danse la rumba…

Au théâtre du Rond-Point (75), le trio Cassol-Platel et Vangama présentent Coup fatal. Entre musiques et danses, le chant choral d’une troupe africaine qui mêle répertoire classique et culture congolaise. Un spectacle hors norme, débridé et coloré, qui explose de créativité et d’humanité.

Ils entrent en scène, avec likembé et balafon, au pas de danse et en musique. Brandissant au-dessus des têtes un banal fauteuil en plastique bleu, marque de fabrique chinoise ! Après la désastreuse et mortifère colonisation belge au Congo, le symbole de l’emprise de l’Empire du Milieu sur le continent africain… Ce qui n’altère en rien l’optimisme de la troupe, danseurs et musiciens ont convenu de porter un Coup fatal à toute forme de censure ou de soumission. Libérés des règles occidentales autant que des traditions locales, mêlant allégrement Monteverdi ou Bach aux airs tribaux, colorant de poussières urbaines autant que de terres ocres la sueur des corps dansants.

Il y a de la rumba dans l’air, un concert dansé sans début ni fin, une suite de tableaux qui déserte de temps à autre la scène pour s’en aller quérir quelques spectateurs et entamer, duo collé-serré, un pas de danse improvisé entre les travées ! Une explosion de créativité, l’humanité ensorcelée de pirouettes chatoyantes, le contre-ténor entonnant quelques arias de Haendel ou de Vivaldi tandis que ses partenaires font résonner et vibrer avec virtuosité calebasses et guitares électriques. Un monde s’invente devant nous, sans bornes ni frontières, un univers où fusionnent classique et moderne. Des danses solo aux mouvements collectifs, d’une voix solitaire au chant choral, c’est feu de joie pour la fraternité-totem, l’amour bigarré, le bonheur métissé… La culture libérée de ses chaînes, loin des mains coupées par le scélérat colon, les doigts divaguant désormais d’un instrument l’autre, ricochant sur la peau du tambour, bondissant au sol pour des figures acrobatiques : occuper et partager l’espace pour faire histoire commune !

Plus de dix ans après sa création encensée au festival d’Avignon en 2014, Coup fatal squatte de nouveau la scène au grand bonheur des spectateurs, le triumvirat belgo-congolais (Fabrizio Cassol à la direction musicale, Alain Platel aux chorégraphies, Rodriguez Vangama à la direction d’orchestre), reprend des couleurs ! Sans oublier le contre-ténor Coco Diaz à la divine voix et Jolie Ngemi, la seule femme du groupe et prodigieuse danseuse. De la musique baroque à la rumba congolaise, la fête des sens, corps et cœurs. Yonnel Liégeois

Coup fatal, Cassol-Platel-Vangama : Jusqu’au 05/04, les jeudi et vendredi à 21h, le samedi à 20h. Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin-Roosevelt, 75008 Paris (Tél. : 01.44.95.98.21). Du 05 au 07/06, au Théâtre de Namur (Belgique).

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Une liberté au goût de miel

Au théâtre de la Colline (75), le réalisateur Khalil Cherti adapte à la scène son film T’embrasser sur le miel. L’histoire de deux amants séparés par une guerre qui n’en finit pas de dévaster leur pays, la Syrie. Un manifeste à la poésie et à l’humanité.

L’histoire commence en mars 2011. Tout un peuple manifeste et réclame le départ de Bachar Al Assad. Pas d’image, juste les cris de joie et de colère, les youyous et les chants des manifestants. Siwan pousse une porte dérobée et pénètre dans sa maison. Elle tient entre ses mains un aquarium rond rempli de chewing-gums enveloppés dans du papier blanc qu’elle a confectionnés en prenant soin d’écrire, dans ces enveloppes de fortune, le goût de la liberté. « Pour vous, quel serait le goût de la liberté ? », demande-t-elle aux manifestants. Pour les uns, le goût du miel, pour d’autres celui du jasmin ou du chawarma… Chaque jour, elle offre aux soldats qui encerclent les manifestants un chewing-gum au parfum de liberté, dans un geste aussi dérisoire que poétique.

ولما كنا ما نعرف شو بدنا نقول، لما كنا نغص بالحكي، كنتي تسأليني: شو؟  صرت قدران ما تموت منشاني ، ولّا لسا ؟

[Et quand nous n’avions plus de mots, quand nos gorges se trouaient.
Tu me demandais toujours :
« Alors aujourd’hui, t’es capable de ne pas mourir pour moi ? »]

Khalil Cherti, dans cette pièce adaptée de son cout métrage éponyme, T’embrasser sur le miel, relève haut la main le défi du passage à la scène. La guerre a séparé les deux amants. Alors Siwan et Emad se filment dans leur quotidien, des vidéos comme des capsules de petits bonheurs volées à la guerre qui leur permettent de maintenir à flot leur amour, malgré la séparation. Des vidéos qui racontent une vie trouée de silences et de points de suspension, où l’on s’aime à distance, où les corps s’enlacent à distance, où l’on partage les rires et les larmes. Les déflagrations nous parviennent, d’abord lointaines, puis se rapprochent, plus fortes, plus violentes, jusqu’à faire basculer le récit et les spectateurs au cœur de la guerre, dans un champ de ruines où les enfants ne peuvent plus jouer, les amants s’aimer.

Comme Siwan et Emad, le public est séparé par un mur érigé par une guerre qui n’en finit pas. Le plateau ainsi divisé nous permet d’être au plus près d’eux grâce à l’intervention de la vidéo. Le jeu sensible et généreux de Reem Ali et Omar Aljbaai, formidables comédiens syriens formés à Alep et Damas et désormais réfugiés en France, confère à leurs personnages une dimension érotique et poétique bouleversante. Dans ce huis clos qui se joue sous nos yeux, c’est l’histoire d’un pays coupé du monde qui se dessine. Face au massacre de tout un peuple, le geste théâtral est bien peu de chose. En redonnant vie aux désirs de rêve et de liberté du peuple syrien sur un plateau de théâtre, Khalil Cherti provoque une catharsis d’une portée politique salutaire. Il nous rappelle combien ce qui se passe là-bas nous concerne tous, ici.

Musique et poésie pour libérer l’imaginaire

 Face à une guerre qui déploie ses tentacules meurtriers jusque dans l’intimité des hommes et des femmes, les mots résistent à la haine. Qu’il s’agisse d’un poème de Maïakovski, d’extraits de films en noir et blanc de l’Égyptien Ezz El Dine Zulficar (le Fleuve de l’amour, 1960) ou du syrien Nabil Maleh (le Léopard, 1971), qui ont le goût de l’enfance, celui des glaces achetées au marchand ambulant par des volées de gamins dévalant les rues d’un pays qui n’existe plus. L’art, la poésie, la musique libèrent alors l’imaginaire. Et si la poésie ne prétend pas arrêter les guerres, elle permet aux hommes et aux femmes de rester dignes, debout face à la barbarie. La mise en scène de Khalil Cherti est d’une sensibilité qui défie tous les obscurantismes. Transcendant les peurs et la mort, T’embrasser sur le miel résonne comme un manifeste à la poésie et à l’humanité. Marie-José Sirach, photos Tuong-Vi Nguyen

T’embrasser sur le miel, Khalil Cherti : Jusqu’au 05/04, du mercredi au samedi à 20h. Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris (Tél. : 01.44.62.52.52).

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Entre guerre et paix

Le 28/03, en l’Espace culturel d’Avion (62), Anne-Marie Storme présente La contrainte. La nouvelle de Stefan Zweig, publiée en 1920, pour la première fois adaptée au théâtre… Partir à la guerre pour accomplir son devoir patriotique ou défendre une position pacifiste envers et contre tout, tel est le débat contradictoire auquel un couple est confronté. Poignant, d’une brûlante actualité.

Un homme à l’esprit chancelant, le corps en tension, la conscience en ébullition… Point de répit pour le spectateur, happé dès les premiers instants par le dialogue qui s’instaure sur scène : à la vie, à la mort, un couple joue sa survie ! Il est artiste, elle est amoureuse, les deux au pacifisme assumé et chevillé dans leurs convictions. Forts de leur exil créateur, leur quiétude est bousculée soudainement : de l’autre côté de la frontière, leur pays est entré en guerre. Que faire : refuser d’aller combattre ou accepter La contrainte, répondre à l’ordre d’appel sous les drapeaux ?

Soldat affecté aux archives militaires durant la Première guerre mondiale, Stefan Zweig sait de quoi il parle lorsqu’il publie La contrainte en 1920. Réfugié en Suisse, l’écrivain autrichien a rejoint le mouvement pacifiste international en 1917, avec son ami Romain Rolland il plaide contre les boucheries guerrières et sanguinaires, contre le sang versé au nom d’idéaux frelatés. « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels », écrit Anatole France au citoyen Cachin, directeur du quotidien L’humanité, en 1922 ! Face à l’homme écartelé entre ses convictions pacifistes et son devoir patriotique, sa compagne est déterminée. « Si tu veux y aller pour agir pour l’humanité, pour ce en quoi tu crois, alors je ne te retiens pas », lui confie-t-elle, « si c’est pour être une bête parmi les bêtes, un esclave parmi les esclaves, alors je me jetterai contre toi ». Pour elle, pacifisme et humanisme ne pactisent avec aucune compromission, même s’il faut mettre sa vie et son avenir en danger. Les dialogues sont poignants, émouvants, l’amour ruisselle de l’un à l’autre. Point de décor, le plateau désert, un faisceau de lumière transperçant les corps, les sentiments à nu, juste au sol un filet de terre pour imager la frontière, à franchir ou pas…

Anne Conti et Cédric Duhem sont criants de vérité, leurs paroles résonnent fort en cette actualité bouleversée, en cette Europe divisée où les bruits de botte battent le pavé, à la veille peut-être d’une entrée des loups dans Paris. L’angoisse, la peur, la colère sont palpables, deviennent presque insoutenables. Que veut dire, hier comme aujourd’hui, résister, refuser, s’opposer ? Des questions qui hantent les consciences des deux protagonistes, rehaussées et entrecoupées par la musique et le verbe (tonitruants, envoutants, percutants) de Stéphanie Chamot, rockeuse et punk convaincante, une parole venue d’ailleurs qui permet au public de reprendre souffle… Une mise en scène de pure délicatesse, un trio de choc qui hante durablement notre imaginaire, entre douceurs et douleurs du cœur. Yonnel Liégeois

La contrainte, Anne-Marie Storme : Le 28/03, 20h30. Espace culturel Jean Ferrat, salle Louis Aragon, Place des droits de l’enfant, 62210 Avion (Tél. : 03.21.79.44.89). La Contrainte (Der Zwang), est publié dans le recueil de nouvelles Le Monde sans sommeil (Payot, 176 p., 7€70).

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Carole Thibaut en folie !

Du 25 au 30/03 à Lille (59), la maison Folie Wazemmes accueille Carole Thibaut. La rencontre avec une artiste aux multiples qualités (directrice du CDN Les Îlets à Montluçon, auteure, comédienne et metteure en scène). Petite fille de Lorraine, elle partage ses colères contre le patriarcat et le capitalisme, elle invite à ouvrir les portes d’une émancipation toujours à portée de main.

Le programme

👉[𝙏𝙝𝙚́𝙖̂𝙩𝙧𝙚] LONGWY-TEXAS : Fille de métallo, de son enfance à l’aujourd’hui, Carole Thibaut retrace l’histoire de la sidérurgie lorraine et de ses luttes. Un récit d’une profonde humanité, la sidérurgie au cœur, cœur vibrant et cœur d’acier. Y.L.

📆mardi 25 mars | 19 h 30

🎟️5/3€ – Billetterie : https://my.weezevent.com/longwy-texas

À partir de 15 ans

👉[𝙏𝙝𝙚́𝙖̂𝙩𝙧𝙚] EX-MACHINA : Un « seule en scène » où la comédienne dénonce avec force humour et virulence la puissance du patriarcat depuis la nuit des temps. Contre le pouvoir autoritaire du masculin, une machinerie à déconstruire en faveur de l’égalité des genres. Y.L.

📆samedi 29 mars | 18 h

🎟️10/6€ – Billetterie : https://my.weezevent.com/ex-machina-carole-thibaut

À partir de 15 ans

Billet couplé ! Venir muni de son justificatif de réservation pour l’un des spectacles et bénéficier ainsi du tarif réduit pour le deuxième !

+ 𝘗𝘳𝘰𝘨𝘳𝘢𝘮𝘮𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘩𝘰𝘳𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘮𝘶𝘳𝘴 :

👉[𝙇𝙚𝙘𝙩𝙪𝙧𝙚] 𝘼̀ 𝙥𝙡𝙖𝙩𝙚𝙨 𝙘𝙤𝙪𝙩𝙪𝙧𝙚𝙨

📌À la médiathèque de Lille-Sud

📆mercredi 26 mars | 14 h 30

🎟️Gratuit sur inscription : https://bm-lille.fr/doc/CALENDAR/10617

📌À la Bourse du Travail de Lille

📆mercredi 26 mars | 18 h 30 Gratuit / Entrée libre

D’une pièce l’autre, Carole Thibaut demeure fidèle à ses convictions. Seule en scène dans Longwy-Texas, forte d’un cheminement allant de l’intime à l’universel, elle interroge héritages symboliques et constructions culturelles (identité, filiation) dans un récit mêlant petite et grande histoire. Des forges de Longwy où elle est née jusqu’aux anciennes forges des Îlets à Montluçon, où elle vit aujourd’hui… Premier acte artistique de la metteure en scène et directrice à son arrivée dans l’Allier en 2016 au Théâtre des Îlets, cœur vibrant et cœur d’acier, une conférence atypique coulée aux fortes chaleurs des hauts fourneaux ! Sans concession pour dénoncer l’absolutisme patriarcal dans Ex-Machina, entre humour et gravité, sincérité et pleine liberté de parole, Carole Thibaut fait œuvre de salut public. Pour qu’émergent un autre possible, un à-venir autre entre homme et femme, les épousailles complices et solidaires du genre humain. Yonnel Liégeois

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Firmine Richard, nouvelle Olympe

Au studio Hébertot, à Paris, Franck Salin présente Olympe. Sous les traits de la comédienne antillaise Firmine Richard, dans sa cellule Olympe de Gouges se remémore sa vie et ses combats : les droits de la femme, l’abolition de l’esclavage. Puissante et émouvante, une rencontre inédite entre l’Occitanie et la Caraïbe !

Sur la place de Paris, Olympe de Gouges, la native de Montauban, était moquée pour son accent du Sud-Ouest. Sur la scène du Studio Hébertot, Firmine Richard ravit le public avec son accent des Antilles ! En robe madras, au fond de sa geôle, l’emblématique pamphlétaire, sous les traits de l’icône guadeloupéenne, se morfond sur son lit de fortune. Dans quelques heures, au lendemain de sa condamnation à mort pour ses écrits subversifs, elle sera guillotinée. Le 3 novembre 1793, place de la Concorde, montant à l’échafaud avec courage et dignité. Contrairement à d’aucuns qui la qualifièrent de « virago, femme-homme impudente, être immoral qui voulut politiquer », son nom s’inscrira à jamais à la postérité, aujourd’hui considérée comme la première féministe française !

Dans sa cellule, Olympe tremble de froid. De colère aussi, contre l’injustice sociale et le mépris des hommes, même ceux qui se prétendent révolutionnaires, à l’encontre des femmes… En septembre 1791, elle signe la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne où elle affirme l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes. Un combat qu’elle conduira sous divers angles : l’instauration du divorce, la reconnaissance des enfants naturels, la création de maternités… Plus fort encore, face aux grands bourgeois et propriétaires terriens, aux seigneurs tout puissants des colonies, elle revendique l’abolition de l’esclavage ! Sa pièce de théâtre, Zamore et Mirza, jouée sur la scène de la Comédie française, ne tient que trois représentations à l’affiche : la pression des colons et des anti-abolitionnistes est la plus forte ! Pourtant, elle demeure fidèle à ses idées jusqu’au bout. Le jour-même de sa condamnation à mort, elle invoque son autre pièce, L’esclavage des Nègres, pour exprimer son opposition à toute forme de tyrannie.

Qui, mieux que Firmine Richard, mêlant parfois occitan et créole sur scène, pouvait endosser un tel rôle ? « Olympienne » dans son interprétation, la comédienne épouse avec talent les causes à défendre : femme et noire ! Convaincante dans l’évocation de la vie de son héroïne, haussant le ton pour affirmer la justesse de ses combats, se grimant de blanc pour dénoncer le racisme, prouvant la modernité d’une pensée qui n’en finit pas d’inspirer le temps présent. Sur un monologue et une mise en scène de Franck Salin, accompagnée par Edmony Krater aux percussions et Eugénie Ursch au violoncelle, une nouvelle Olympe fort émouvante et percutante. Yonnel Liégeois

Olympe, Franck Salin : jusqu’au 06/04, du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 14h30. Studio Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris (Tél. : 01.42.93.13.04).

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Camille Claudel, à la lettre

Au Théâtre des Deux Rives, à Rouen (76), Brice Berthoud propose Du rêve que fut ma vie. À travers billets d’humeur et lettres d’amour, Camille Trouvé plie et déplie la vie de Camille Claudel, la grande sculptrice. Entre génie, poésie et beauté, un spectacle bouleversant.

Femme, muse et rebelle… Après Les Mains de Camille qui explorait l’enfance de l’artiste, ses liens avec famille et contemporains, la compagnie Les Anges au Plafond plonge dans la correspondance de Camille Claudel, sculptrice de génie et sœur de Paul. Des missives libertaires et provocatrices de sa jeunesse parisienne aux courriers non expédiés de lasile où elle fut internée, durant trente ans jusqu’à sa mort en 1943, se dévoile le portrait de Camille entre silences et colères. En quatre soirées, Du rêve que fut ma vie nous apprend à lire entre les lignes, à déchiffrer les billets d’humeur, à décoder les lettres d’amour ou de menace pour tenter de saisir ce moment où l’intelligence vacille face au poids de la douleur et de l’incompréhension.

Avec justesse et doigté, entre mots dits et non-dits sur scène, Camille Trouvé se joue de grands et « petits papiers », les mêle et démêle, les plie et déchire au son de la contrebasse de Fanny Lasfargues (en alternance avec Raphael Schwab). Un duo poignant qui révèle une femme et artiste en lutte pour recouvrer raison et liberté d’expression. Une histoire d’amour et de création que la comédienne et marionnettiste conte avec finesse et poésie. Beau et bouleversant. Yonnel Liégeois

Du rêve que fut ma vie, Brice Berthoud et Camille Trouvé : du 19 au 22/03, le mercredi à 19h, les jeudi et vendredi à 20h, le samedi à 18h. Théâtre des Deux Rives, CDN Normandie-Rouen, 48 rue Louis Ricard, 76000 Rouen (Tél. : 02.35.70.22.82).

Les mains de Camille, par la compagnie Les anges au plafond (Brice Berthoud et Camille Trouvé, directeurs du CDN Normandie-Rouen) : du 10 au 12/04, le jeudi à 14h30, le vendredi à 20h30, le samedi à 19h. Théâtre Jean Lurçat, Scène nationale, avenue des Lissiers, 23 200 Aubusson (Tél. : 05.55.83.09.09).

Rouen, autour du spectacle :

RENCONTRE : avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du jeudi 20 mars.

ATELIER : la Galerie des arts du feu vous invite le samedi 22 mars à 10h à un cours dédié au modelage en écho aux créations de la sculptrice. Quelles que soient vos connaissances et votre pratique, venez vivre une expérience unique.
➔ Durée 2h | Tarif 25 € | Réservation auprès de cecile.lebert@cdn-normandierouen.fr

VISITE AU MUSÉE : le Musée des Beaux-Arts de Rouen vous propose le samedi 22 mars à 15h une visite guidée autour des figures de femmes peintres. Au-delà des difficultés liées à leur formation, des femmes ont dû se défendre pour devenir les artistes qu’elles souhaitaient être. Certaines ont lutté, d’autres se sont éteintes ou adaptées.
➔ Durée 1h | Tarif 3,5 € | Nombre de places limité | Retrait des billets le jour même (Tél. : 02.76.30.39.18)

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Quichotte, chevalier errant et culotté !

De Toulouse à La Rochelle, Gwenaêl Morin propose Quichotte. Le chef d’œuvre de Cervantès librement revisité avec Jeanne Balibar en chevalier errant, Thierry Dupont en fantasque Sancho Panza ! Entre rire et pleurs, une formidable épopée en quête d’amour et de liberté.

Pour toute lance, une longue perche de bois, armure et bouclier en carton… Quichotte fait une entrée fracassante sur la scène occitane ! Après avoir martelé plus que les trois coups pour signifier son intrusion, Alonso Quichano s’improvise d’emblée Don Quichotte, chevalier errant et culotté, défenseur du pauvre et du miséreux, contre tous les maux de la terre d’Espagne et d’ailleurs, contre grands et puissants qui se prennent pour d’invincibles moulins à vent… Transgression suprême, nommez-le Quichotta, notre héros picaresque est femme, Jeanne Balibar en robe légère pour l’heure, en petite culotte et soutien-gorge après quelques épiques combats…

Gwenaël Morin, le metteur en scène, ne se refuse aucune audace. Irrévérencieux dans les images qu’il propose sur le plateau, fidèle pourtant à l’esprit du chef d’œuvre de Cervantès, ce sulfureux et volumineux roman de mille pages et aventures écrit en ce XVIIème siècle débutant ! Bouts de ficelle et carton en armes de destruction massive, banale table de jardin en plastique pour la fière monture Rossinante, trois serviteurs de pacotille pour accompagner notre héroïne renversée, culbutée, terrassée plus qu’à l’accoutumée… Malgré défaites et déconvenues, Quichotte en petite tenue n’en démord point, jusqu’au bout il-elle assumera sa mission, culottée plus que jamais, Marie-Noëlle en formidable narratrice nous le rappelant, « se faire chevalier errant et s’en aller par le monde entier défaire toute espèce de torts et se mettre dans des situations et dangers qui lui rapportassent après succès renom et gloire éternelle« . C’est peu dire, la noble tâche qu’il s’assigne, lorsque misérable auberge devient luxueux château, pauvre paysan seigneur en habit resplendissant, la pitoyable réalité transcendée en glorieux récits chevaleresques !

Une chevauchée effrénée qui entraîne les spectateurs, deux heures durant, en une folie assumée entre humour et tragédie, rire et pleurs. Quichotte est tellement bel et bon que l’on ose y croire, que l’on veut y croire : malgré chutes et échecs, se relever et se tenir debout face à l’adversité, pour les beaux yeux de sa Dulcinée et de l’humanité, lutter encore et toujours au nom de l’égalité et de la fraternité, contre l’oppresseur et en dépit des moqueries consoler et soutenir toujours l’opprimé ! Gwenaêl Morin, en un théâtre de tréteaux sans luxe ni effets de manche, ne cherche pas à illustrer les aventures rocambolesques du seigneur de la Mancha, il distille avant tout l’esprit avant-gardiste du tumultueux roman de Cervantès qui défie les époques et le temps. Contre les moulins à vent, hier comme maintenant, il nous faut braver pouvoirs et savoirs qui imposent une pensée unique, vaincre et terrasser bien-pensants et puissants, rêver-imaginer-chanter un autre possible. Explosive scène de l’autodafé où sont brûlés tous les livres de Quichotte, des romans de chevalerie à la poésie qui ouvre à un autre ailleurs, n’oublions jamais que lecture et culture sont chemins de liberté !

Outre une mise en scène qui fait théâtre avec presque rien, saluons la folle équipée qui squatte les planches : l’incroyable Jeanne Balibar qui fait feu de tout bois, défiant les regards pour éclairer avec force émotion la profonde et tendre humanité de son héros… La magnifique Marie-Noëlle qui se mue en convaincante narratrice… Le discret Léo Martin en fidèle assistant qui déambule manuscrit en main… Le génial Thierry Dupont, membre de la compagnie L’oiseau Mouche qui rassemble des comédiens en situation de handicap mental, qui s’affirme en merveilleux écuyer sous le nom de Sancho Panza ! Créé au Jardin de la rue de Mons lors du récent festival d’Avignon, ce Quichotte hors normes fait suite au Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare qui l’était pas moins, mis en scène déjà en 2023 par Morin et consorts… Il est convenu par délégation expresse du maître des lieux, Tiago Rodrigues, qu’il sévisse deux années encore. Contre vents et marées, encore bien des combats à prévoir, à bousculer esprits grincheux et gardiens du patrimoine ! Yonnel Liégeois, photos Christophe Raynaud de Lage

Quichotte, Gwenaël Morin : du 18 au 22/03, du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 18h. Théâtre Sorano de Toulouse, 35 allées Jules Guesde, 31000 Toulouse (Tél. : 05.32.09.32.35).

La Coursive, scène nationale de La Rochelle, les 25 et 26/03. Théâtre L’Aire Libre, Saint-Jacques-de-la-Lande, les 3 et 4/04. Théâtre du Bois-de-l’Aulne, Aix-en-Provence, les 29 et 30/04.

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Himmler et ses sinistres pouponnières

Jusqu’au 22/04, au théâtre des Gémeaux Parisiens (75), Les petits chevaux conte l’histoire d’une enfant du Lebensborn de Lamorlaye (60), la maternité nazie installée sur le territoire français en Picardie. Aux éditions Gallimard, Caroline De Mulder a publié La pouponnière d’Himmler. L’histoire méconnue de Heim Hochland, la première maternité installée en Bavière en 1936. Une véritable plongée dans un des Lebensborn patronnés par Himmler, visant à créer une race pure et aryenne.

Au détour d’un courrier retrouvé lors d’un déménagement, Violette découvre que sa mère a été adoptée ! Surprise et interrogation : pourquoi Hortense n’en a jamais parlé ? Entre colères et disputes familiales, sa fille la persuade de partir à la quête de ses origines. S’engage alors une véritable enquête policière qui conduiront les deux femmes jusqu’en Allemagne. Pour découvrir l’inavouable, l’impensable : en vérité, Hortense est née dans l’un des Lebensborn (Fontaines de vie), ces maternités nazies créées pour engendrer des enfants « racialement parfaits » au service du Reich ! Des enfants nés dans l’anonymat en Allemagne et dans les pays occupés : Norvège, Danemark, Autriche, Pologne… En France aussi, à Lamorlaye (60) en Picardie : de février à août 1944, vingt-trois enfants y sont nés. Au final, on estime à 20.000 le nombre de naissances. Sans omettre les 200.000 bébés kidnappés, dont beaucoup d’enfants polonais. Un pan d’histoire que la romancière belge Caroline De Mulder narre, avec finesse-tact et sensibilité, dans son roman La pouponnière d’Himmler (à lire ci-dessous la chronique de nos consœur et confrère de la RTBF). « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde« , alertait le grand dramaturge Berthold Brecht dans La Résistible Ascension d’Arturo Ui. Face à la résurgence de l’extrême-droite et des intégrismes, aux saluts nazis décomplexés de divers politiques et puissants industriels, la vigilance s’impose.

Écrite à plusieurs mains (Camille Laplanche, Matthieu Niango, Séverine Cojannot, Jeanne Signé), à partir de témoignages et de faits réels, Les petits chevaux retrace cette page d’histoire méconnue, documentée par quelques rares historiens. Des cartons empilés et brinquebalés sur scène, l’illustration tragique de ces enfants, simples objets manipulables à la merci d’une idéologie mortifère et futures chairs à canon : les petits blonds, symbole de la pureté aryenne, aptes à la survie, les autres, mal nés ou mal formés, condamnés à mort. Dans une mise en scène de Jeanne Signé, d’un costume l’autre, les quatre interprètes incarnent la dizaine de personnages. De l’infirmière dévouée à l’autre fille du géniteur révélé, sinistre suppôt du régime SS... Du théâtre documentaire sans prétention, pédagogique et fort illustratif, qui ouvre et incite surtout à la réflexion : plus jamais ça ! Yonnel Liégeois

Les petits chevaux, Jeanne Signé : jusqu’au 22/04, les lundi et mardi à 19h. Théâtre des Gémeaux Parisiens, 15 rue du Retrait, 75020 Paris (Tél. : 01.87.44.61.11). Des ouvrages à lire : Lebensborn, L’odeur des pins, La fabrique des enfants parfaits.

De la couvaison de bébés sous haute protection nazie à la naissance d’un manuscrit, l’accouchement littéraire n’est pas sans risques. Pourtant, avec La pouponnière d’Himmler, l’auteure belge Caroline de Mulder réussit un magistral enfantement littéraire. S’appuyant sur des documents historiques de première main, la romancière trace par le menu l’extravagante entreprise SS du haut dignitaire du Reich, créateur et patron du réseau de maternités en charge de la sélection « aryenne » des bébés, futurs héros de la nation. De l’arrivée de Renée, une jeune Française enceinte d’un soldat allemand, dans l’un de ces centres médicaux jusqu’à son démantèlement à l’approche des Alliés, une bouleversante plongée dans cette fabrique d’enfants au sang pur, choyés au détriment des nouveaux-nés atteints d’une quelconque déficience et éliminés d’office. Un roman d’une palpitante écriture, d’une foudroyante vérité, d’une sidérante cruauté. Y.L.

La pouponnière d’Himmler (éditions Gallimard, 288 p., 21€50).

Caroline De Mulder, au biberon de la race aryenne !

Heim Hochland, en Bavière, 1944. Dans la première maternité nazie, les rumeurs de la guerre arrivent à peine ; tout est fait pour offrir aux nouveau-nés de l’ordre SS et à leurs mères  » de sang pur  » un cadre harmonieux. La jeune Renée, une Française abandonnée des siens après s’être éprise d’un soldat allemand, trouve là un refuge dans l’attente d’une naissance non désirée. Helga, infirmière modèle chargée de veiller sur les femmes enceintes et les nourrissons, voit défiler des pensionnaires aux destins parfois tragiques et des enfants évincés lorsqu’ils ne correspondent pas aux critères exigés : face à cette cruauté, ses certitudes quelquefois vacillent.

Alors que les Alliés se rapprochent, l’organisation bien réglée des foyers Lebensborn se détraque, et l’abri devient piège. Que deviendront-ils lorsque les soldats américains arriveront jusqu’à eux ? Et quel choix leur restera-t-il ? Reconstituant dans sa réalité historique ce gynécée inquiétant, La pouponnière d’Himmler propose une immersion dans un des Lebensborn patronnés par Himmler, visant à développer la race aryenne et à fabriquer les futurs seigneurs de guerre. Une plongée saisissante dans l’Allemagne nazie envisagée du point de vue des femmes.

Une grande plume belge

Caroline De Mulder s’est imposée en une quinzaine d’années comme une des grandes plumes belges. Originaire de Gand, parfaitement bilingue, elle a fait des études de philologie romane d’abord à Namur, puis à Gand et enfin à Paris. Elle est professeur de littérature comparée et d’écritures fictionnelles à l’Université de Namur. Ce qui frappe chez cette autrice, c’est sa faculté d’adapter son style aux sujets qu’elle traite.  Son premier roman Ego Tango (éditions Actes sud, 2015), couronné du Prix Rossel, plongeait dans l’univers du tango parisien.

Dans Manger Bambi, la romancière belge s’intéressait au phénomène des gangs de filles, au cœur même des banlieues françaises. Pour reproduire au mieux leur champ lexical si particulier, elle s’est plongée dans cette langue en écoutant alors beaucoup de rap français, trainant des jours sur des forums, sur YouTube. Le résultat ? Une langue orale, argotique, presque une scansion. « Je ne pouvais pas voir le monde à travers les yeux d’un gang de filles si je ne maîtrisais pas leur manière de parler ». Dans La pouponnière d’Himmler, paru en mars 2024, elle adopte un style nettement plus sobre. Lucile Poulain et Thierry Bellefroid, chroniqueurs à la RTBF

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Petites formes aux grands effets

D’une scène l’autre, de l’Essaïon (75) à la Reine blanche (75), se jouent Une légende à la rue et L’infâme. La preuve que le théâtre public outrepasse le simple divertissement. Mettant le nez dans des faits de société criants, au cœur même du politique au sens large.

Un bel exemple en est fourni par Une légende à la rue, de Florence Huige (Cie Les Cintres), qu’elle interprète dans une mise en scène intelligemment partagée avec Morgane Lombard. À l’automne 2011, Florence Huige croise une femme étrange aux cheveux orange, bardée de sacs en plastique. Elle parle de torture, de danger de mort… Deux ans après, Florence Huige apprend par les journaux que cette femme n’était autre que Sakine Cansiz, héroïne de la résistance kurde, fondatrice du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dont le dirigeant élu, Öcalan, est en prison depuis une éternité. On parle enfin à son sujet, ces temps-ci, de pourparlers avec la Turquie.

Sakine Cansiz, alias Sara dans la clandestinité, incarcérée douze ans, torturée, mutilée, a été assassinée avec deux autres femmes, rue Lafayette à Paris, par un « loup gris », membre d’une faction de l’extrême droite turque. Bouleversée, Florence Huige se penche sur l’histoire généralement ignorée du peuple kurde. L’autorité de l’actrice, qui fait ainsi œuvre pie, n’exclut pas le zeste d’autodérision qu’elle s’impose, face au malheur de ces autres lointains, qu’elle révèle avec feu sur une scène nue. Sur une autre scène sans apparat, La Reine blanche (75), deux jeunes comédiennes au tempérament de vif-argent ont joué l’Infâme, la pièce de Simon Grangeat mise en scène par Laurent Fréchuret.

Tana (Louise Bénichou), apprentie couturière et brodeuse, s’éloigne d’une mère toxique (Flore Lefebvre des Noëttes lui prête sa voix) qu’elle ne peut plus supporter. Elle a pour amie et seul soutien Apolline (Alizée Durkheim-Marsaudon). Chemin faisant, on assiste à la conquête de soi par Tana, qui va s’émanciper par le savoir-faire acquis dans son métier. D’une écriture simple, droite, juste, qui fait la part belle au mal-être puis à l’émancipation de Tana, les vertus concrètes du texte font de l’Infâme une sorte d’idéal modèle à proposer à un public jeune, apte à se retrouver dans les interrogations de son propre devenir. La preuve en est la belle audience déjà rencontrée par ce spectacle, si brillamment défendu, dans les lycées et collèges. Jean-Pierre Léonardini

Une légende à la rue, Florence Huige : jusqu’au 30/04, les mercredi et jeudi à 21h. Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre-au-Lard, 75004 Paris (tél. : 01 42 78 46 42).

L’infâme, Laurent Fréchuret : Le 18/03 à la Mi-Scène de Poligny (39), les 20 et 21/03 au lycée Honoré-d’Urfé à Saint-Etienne (42).

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Simone de Beauvoir, aujourd’hui

Créée en 1923 sous l’impulsion de Romain Rolland, la revue Europe consacre sa livraison de mars à Simone de Beauvoir. L’écrivaine et philosophe aura jeté sur son temps un regard aiguisé par une vigilance toujours en éveil. Un numéro emblématique qui invite aux explorations nouvelles d’une œuvre complexe, subtile et radicale.

Au lendemain de la journée du 8 mars, il est temps, sans doute, de se demander : avons-nous bien lu Simone de Beauvoir ? Son œuvre foisonnante, faite de romans, d’essais philosophiques ou politiques, de journaux de voyages, de mémoires, d’une abondante correspondance aussi, s’est déployée sur l’essentiel du XXe siècle et constitue un témoignage décisif sur son époque. C’est que Beauvoir aura jeté sur son temps, sur les soubresauts de l’Histoire et sur la façon dont ses contemporains y ont réagi, un regard aiguisé par une vigilance toujours en éveil.

Dès la publication de L’Invitée, en 1943, son écriture, fondée sur l’authenticité d’une relation au lecteur et à soi-même, lui aura valu son succès, sanctionné en 1954 par l’obtention du prix Goncourt pour Les Mandarins. Philosophe autant qu’écrivain, elle fut profondément marquée par la pensée existentialiste, qu’elle défendit et illustra. C’est peut-être cette philosophie mettant au premier plan la liberté du sujet – et dont elle fit un mode de pensée et de vie – qui lui permit de se défaire de ses préjugés de classe, et de se faire une infatigable combattante de toutes les libérations : l’émancipation des femmes bien sûr, mais aussi la lutte anticoloniale ou le combat contre les discriminations subies par les homosexuels.

Contemptrice de toutes les aliénations, c’est certainement le combat féministe qui fut la grande affaire de sa vie, de la publication du Deuxième Sexe à la fin des années 1940 à son engagement au sein du Mouvement de Libération des Femmes, en 1970. Un combat dont elle ne négligea jamais la dimension politique. Alors qu’on peut s’inquiéter aujourd’hui de la dérive différentialiste de certains discours féministes qui réduisent les femmes à leur « identité », il est indispensable de renouer le dialogue avec l’œuvre complexe, subtile, authentiquement radicale de Simone de Beauvoir. Jean-Baptiste Para, directeur éditorial

La revue littéraire Europe (Mars 2025, n°1151, 22€)

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Dans le chaos du monde

Aux Plateaux sauvages (75), Cécile Garcia Fogel présente In situ. En dialogue avec le jazzman Pierre Durand, la comédienne s’empare du poème de Patrick Bouvet. Un duo de choc, ardent et abrasif, avec la complicité de Joël Jouanneau.

Venu de la musique, pratiquant du sampling, Patrick Bouvet applique cette technique de collage à sa poésie sonore. « J’utilise des échantillonneurs qui permettent de prendre des bouts de sons à droite à gauche, et peut-être ce geste-là est-il à l’origine de ma démarche d’écriture ». Il enchâsse sauvagement les mots dans les phrases et les envoie balader hors contexte, tels des électrons libres, pour subvertir la langue et créer des effets (d)étonants. In situ, son premier livre est paru aux éditions de l’Olivier en1999, Shot suivra en 2000, puis d’autres, tous ancrés dans une même expérimentation langagière dans l’esprit de la Beat Generation états-unienne.

Dans In situ, les vocables qui traînent un peu partout dans les conversations et les médias se percutent dans la grande lessiveuse du verbiage paranoïaque contemporain pour dire, selon l’auteur, l’état du monde. Terrorisme, vidéosurveillance, guerre, hélicoptères et sirène, désertification et catastrophes en tous genres, prises d’otages, pétrole et fric… En vrac, le capitalisme libéral précipite la planète et les hommes à leur perte : “ la sortie de la ville/ le charnier/ de la paix : l’eldorado / de la mort”, selon Patrick Bouvet. Quelque’un.e. aspire cependant à retrouver le paradis perdu, sur les pas d’un Adam cherchant son Eve (et vice versa)

Le choc des mots en terrain miné

Dès les premiers mots, Cécile Gargia Fogel nous entraîne dans cette prose bousculée, à l’instar de la réalité violente des temps présents : « “le risque zéro/ça n’existe pas »/ une femme aurait traversé les barrages/avec une arme à/feu/dans son sac/des scénarios de détournement d’avion de prise d’otages de/ gaz toxiques dans le métro ont été testés/mais/ »le risque zéro ça/n’existe pas ». Elle est cet individu qui traverse des paysages incendiés, bombardés, à la recherche d’un territoire encore vierge (le Sahara d’antan, couvert le lacs)… Dans d’héroïques cavalcades ou sur des tempos plus apaisés, sa voix épouse cette écriture de l’urgence construite en boucles successives. En dialogue avec sa rage et ses coups de gueule, ses indignations ironiques, ses fatigues passagères, ses repos de la guerrière, ses mélopées envoûtantes, la guitare de Pierre Durand joue une partition heurtée à la manière de la prose : tantôt jazz, tantôt riffs discordants, tantôt larsen, tantôt silences.

L’ardente actrice et le musicien abrasif s’engagent physiquement dans des jeux de scène pas toujours nécessaires. Pourtant, cette énergie mise au service d’un verbe poétique et brutal emporte l’auditoire. Une immersion charnelle et poétique dans un monde qui nous échappe sans cesse davantage. Mireille Davidovici, photos Laurent Pasche

In situ, Cécile Garcia Fogel : jusqu’au 15/03 (spectacle présenté en partenariat avec le Théâtre Nanterre-Amandiers/Hors les murs), du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 17h30. Les plateaux sauvages, 5 rue des Plâtrières, 75020 Paris (Tél. : 01.83.75.55.70). Le texte est publié aux Éditions de l’Olivier.

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Quatre femmes en selle

À Montluçon (03) puis Albertville (73), Isabelle Lafon propose Cavalières. Quatre femmes libérées et impertinentes qui excellent dans l’art de se raconter et de nous conter de fantasques histoires. Entre légèreté et gravité, l’art dramatique en ses sommets !

Sur la scène des Îlets, la liberté a élu domicile : liberté de parole, liberté de ton, liberté de pleurer ou de rire, liberté d’aller et venir ! D’ailleurs, elles ont de l’espace sur le vaste plateau du théâtre pour vaquer à leurs petites affaires, chevaucher leurs désirs et hobbys : quatre femmes en selle, libres, libérées, impertinentes et Cavalières qui n’hésitent pas, si besoin, à monter sur leurs grands chevaux… Seul un trait de lumière marque leur entrée dans notre univers, trois tabourets dans l’immensité nue, l’art dramatique en son plus simple appareil, une heure trente de plaisir inégalé ! Denise (Isabelle Lafon) l’avoue d’emblée, l’entraîneuse de trotteurs préfère les chevaux aux enfants. Pourtant, elle a accepté la tutelle de la jeune Madeleine, handicapée.

Pour l’aider dans la gestion quotidienne, elle lance un appel à d’autres femmes : venir cohabiter chez elle. Les conditions, surprenantes mais indiscutables ? Avoir un rapport proche ou lointain au cheval, s’occuper sans faillir de l’enfant, habiter l’appartement pour un loyer avantageux mais y venir sans meuble… Saskia (Johanna Korthals Altes) l’ingénieure en bâtiment, Nora (Karyll Elgrichi) l’éducatrice spécialisée et Jeanne (Sarah Brannens) la serveuse de bar relèvent le défi. Chacune est porteuse d’une histoire singulière avec ses succès et ses échecs, des sauts d’obstacle réussis ou manqués. À tour de rôle, par petits mots déposés ou lettres interposées qui marquent sur scène décalage et proximité, elles soliloquent ou dialoguent entre elles. Sur l’attention à porter à Madeleine que nous ne verrons jamais, surtout à propos de leur existence de femme en quête d’un futur, d’une utopie peut-être à conquérir, en tout cas à construire.

Entre les quatre femmes, si incroyablement différentes dans leur parcours de vie, se nouent des liens forts de familiarité, de complicité. Ce qui n’exclut pas les prises de tête ou coups de colère, les embardées et foulées de traverse ! Les protagonistes s’exprimant toujours face au public, de la scène à la salle se tisse alors un étrange sentiment de connivence. Renforcé par les doutes, hésitations dont sont porteuses les quatre comédiennes oscillant en permanence entre l’improvisation et la trame de leur texte. Entre mots oubliés, usurpés, changés, la vie est là dans toute sa complexité, tout à la fois fluide et solide entre affirmations et contradictions : les choix individuels sont-ils frein ou moteur à un projet commun ? Sur quels critères se fondent la réussite ou l’échec du vivre ensemble ? Avec le seul poids des mots, du bel et bien-fondé nom de sa compagnie, Les Merveilleuses, Isabelle Lafon et ses trois comparses en font la démonstration. Sous couvert de peu ou de presque rien, l’essentiel au sens premier du terme, elles nous offrent un instant de théâtre à nul autre pareil, tout à la fois aride et lumineux,.

Le spectacle semble se construire devant nous, avec nous, complices de ce quatuor qui tente un possible autre, de faire cause commune en ne masquant rien de leurs aspérités. Elles comme nous, à cheval entre illusions et aspirations, certitudes et doutes… Sommes-nous au théâtre ou dans la vraie vie ? Prenante, émouvante, la question surgit devant un tel enchantement qui descend des cintres et se propage sur l’immensité désertique de la grande scène. Pourtant étonnamment, magnifiquement, extraordinairement habitée par quatre frêles silhouettes habillées d’un simple rayon de lumière. Mais quelle lumière, yeux écarquillés, pour éclairer ce chemin d’émancipation qui nous est proposé ! Yonnel Liégeois

Cavalières, Isabelle Lafon : Les 11 et 12/03 au CDN de Montluçon, le 18/03 au Dôme d’Albertville.    

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Longwy, la sidérurgie au cœur

En pays minier, la comédienne Carole Thibaut présente Longwy-Texas. Fille de métallo, de son enfance à l’aujourd’hui, la metteure en scène et directrice du CDN Les Îlets de Montluçon retrace l’histoire de la sidérurgie lorraine et de ses luttes. Un récit d’une profonde humanité, cœur vibrant et cœur d’acier.

À la manière d’une conférencière de l’intime, avec Longwy-Texas, Carole Thibaut nous conte l’histoire de la sidérurgie lorraine et de ses luttes à travers les figures de ses père, grand-père et arrière-grand-père. Outre sa mémoire de petite fille et des documents d’archive, il y a aussi des photos, des bouts de films Super 8, les journaux télévisés de l’époque. Les uns les autres narrant le quotidien des salariés, leur colère devant le naufrage industriel, leur refus des licenciements et de la mort de leur région. Il y a surtout les archives sonores de Lorraine Cœur d’Acier, première radio libre créée par la CGT à Longwy en 1979, animée par Marcel Trillat et Jacques Dupont, journalistes de La Vie Ouvrière, alors l’hebdomadaire de l’organisation syndicale.

De l’émetteur clandestin installé au sommet du clocher de l’église, défendu et protégé par la population locale, elle colore rouge sang la fermeture des usines, les manifestations, les concerts de soutien, le quotidien des femmes de sidérurgistes et la galère des salariés immigrés. Enfin, il y a Carole Thibaut seule en scène qui, dans un cheminement allant de l’intime à l’universel, interroge héritages symboliques et constructions culturelles (identité, filiation) dans un récit mêlant petite et grande histoire. Des forges de Longwy où elle est née jusqu’aux anciennes forges des Îlets à Montluçon, où elle vit aujourd’hui… Premier acte artistique de la metteure en scène et directrice à son arrivée dans l’Allier en 2016 au Théâtre des Îlets, cœur vibrant et cœur d’acier, une conférence atypique coulée aux fortes chaleurs des hauts fourneaux ! Yonnel Liégeois

Longwy-Texas, Carole Thibaut : le 06/03 au Théâtre de Cristal, Vannes-le-Châtel (54). Le 07/03 en la salle des Petits nez rouges, Favières (54). Le 20/03 au Musée de la mine, Saint-Eloy-les-Mines (63). Le 20/06 à Lavaveix-les-Mines (23). Texte disponible chez Lansman éditeur.

Retour sur histoire

Un père, comme une petite légende personnelle, le chant distendu d’un pays enfoui sous la terre. Un père, d’autres avant lui, ouvriers et ingénieurs des hauts-fourneaux qui ont fait la grandeur de la sidérurgie lorraine avant que les usines soient remplacées par des terrains vagues et des golfs. Dans une conférence intime, au fil de photographies et de documents d’archives, Carole Thibaut se retourne sur son histoire familiale. Non par nostalgie, mais pour interroger avec minutie les mythes qui ont peuplé son enfance, la grandeur industrielle, l’ascension sociale et la dure noblesse des « métiers d’hommes ». « Fille au pays des pères », (…) comment, dans un même geste, arracher Longwy à l’oubli et rompre les liens qui l’y rattachent encore ?
Victor Roussel, conseiller artistique au Théâtre de la Bastille, lors des représentations parisiennes.

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Amour et mort, le duo

Au théâtre de la Bastille (75), Tiago Rodrigues présente Antoine et Cléopâtre. Entre mots d’amour et paroles de mort, une étonnante chorégraphie du verbe. Magnifiquement orchestrée par le directeur du festival d’Avignon, superbement interprétée par les deux artistes-chorégraphes lisboètes, Sofia Dias et Vitor Roriz.

Le mot précède ou accompagne le geste, et réciproquement… Des mots scandés et répétés jusqu’à épuisement, psalmodiés et parfois criés pour en appeler d’autres sur le même mode. Devenant alors phrases, strophes, poèmes, épopées verbales tandis qu’un bras s’abat ou se lève, qu’un pas s’esquisse d’avant ou de retrait, que la main d’Antoine frôle celle de Cléopâtre, que le doigt tendu de l’un appelle celui de l’autre sans jamais devoir le toucher… Un inattendu ballet de mots et de gestes en lisière de scène, quelques mobiles suspendus tournent et s’agitent en arrière-fond au gré d’un souffle venu des berges du Nil ou d’une fenêtre ouverte de la chambre royale : nul ne sait, sinon qu’Antoine et Cléopâtre s’aiment d’une folle passion ! De l’événement, Plutarque a légué des pages d’histoire à la postérité. Shakespeare a traduit en tragédie les tourments amoureux du couple, Mankiewicz immortalisa leur image sous les traits de Richard Burton et Liz Taylor.

En ces diverses sources, Tiago Rodrigues a puisé l’inspiration. Pour nous livrer un étrange récital, langage du corps et vague à l’âme où, paradoxe, les deux protagonistes parlent amoureusement l’un de l’autre sans jamais engager un quelconque dialogue amoureux ! « Antoine dit… » dit Cléopâtre, « Cléopâtre dit… » dit Antoine, « Antoine respire… » constate l’une et « Cléopâtre respire… » rétorque l’autre sans que les regards se croisent. « Antoine expire » dit l’une comme « Cléopâtre expire » dit l’autre, ainsi en va-t-il de toute la représentation. Une fusion amoureuse qui se « dit » et se révèle puissamment charnelle alors que les corps gardent en permanence leur distance : singularité exclusive du théâtre qui autorise l’imaginaire du spectateur à vaquer sur des images insoupçonnées ! Coulent le miel et le vin délicieux, embaument les fruits odorants, la tiédeur des corps et la couche fraîche. Pourtant, si les oiseaux volent encore en un ballet harmonieux, bientôt le sang des guerriers se répandra sur terre, bientôt la flotte égyptienne sombrera en mer, bientôt « Antoine verra son corps allongé transpercé par son épée » dit Cléopâtre. La fin nous est bien connue, bientôt la mort, « le même futur trempé de sang » disent et répètent Antoine et Cléopâtre ! D’hier à aujourd’hui, le temps du bonheur et l’issue en horreur pour eux comme pour nous, le duo éternel qui scande la vie : l’amour et la mort. Le Styx ou le Sphinx, Éros et Thanatos…

De temps à autre, surgit un air de musique pour esquisser un pas de danse et signifier la modernité du propos. Sans rompre l’envoûtement d’une enivrante mélopée de paroles et gestes, sans troubler l’étreinte d’une symphonie incantatoire où attirance et répulsion, passion et trahison s’épousent en un délirant crescendo. Une mise en scène d’une extrême délicatesse et finesse, une double interprétation d’une sublime beauté et de la plus haute perfection ! Yonnel Liégeois

Antoine et Cléopâtre, Tiago Rodrigues : Jusqu’au 14/03, du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h. Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, 75011 Paris (Tél. : 01.43.57.42.14).

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