Simon Abkarian et la mère Méditerranée

En septembre 2018, Simon Abkarian présentait son diptyque « Au-delà des ténèbres », composé du Dernier jour du jeûne et de L’envol des cigognes. Avec Ariane Ascaride, nouvelle et mirifique mère Courage, un bel hommage à la mère Méditerranée. Enregistrée au Théâtre du Châtelet, une pièce diffusée le 22/01 sur France 5, à revoir sur France TV jusqu’en septembre 2021.

 

 Accueilli au Théâtre du Soleil où il a laissé de si beaux souvenirs, Simon Abkarian y montait un diptyque de sa main, mis en scène par ses soins avec une troupe nombreuse, soit Le dernier jour du jeûne et L’envol des cigognes, deux « tragi-comédies » que nous avions déjà eu la chance de découvrir ailleurs. À cette seconde vision, le bonheur est non seulement intact mais approfondi.

L’œuvre, en son entier, constitue une sorte d’ode lyrique au pourtour méditerranéen, qui mêle avec force et tendresse la matière mythique à l’expérience vécue(Abkarian a passé son adolescence à Beyrouth, alors en guerre) avec toutes les ressources d’une langue violemment charnelle, sertie de métaphores hardies et de saillies expressives, dans un incessant mouvement scénique au cours duquel les acteurs poussent à bras les décors de maisons blanches (Noëlle Ginefri Corbel) qu’on pourrait dire à la grecque dehors et dedans. L’histoire d’une famille dans quatre coins de rue, d’abord en paix, avec des êtres vivants et chaleureux, puis en armes dans le fracas des mitrailleuses. L’ensemble dessine une fresque haute en couleur, où le politique sinue en tous sens dans les affects autour d’Ariane Ascaride, mirifique mère courage, mère Méditerranée au don de double vue.

Plaisir violent à la vision d’une histoire à moult rebondissements incarnée sans ambages, racontée par des corps parlant d’une vérité criante en hommage fervent à l’être des femmes dans leurs aspirations multiples, du rêve d’amour au désir de réalisation de soi, de l’intellectualité livresque au dol du viol qui conduit à la soif de vengeance. À ces jeux-là font merveille Chloé Réjon, Océane Mosas, Maral Abkarian, Pauline Caupenne, Délia Espinat-Dief, Marie Fabre, Catherine Schaub. La phalange masculine n’est pas en reste : Abkarian en père sévère, juste, bon, Serge Avédikian en formidable fou shakespearien, Davis Ayala en boucher mordu par le péché d’inceste, Igor Skreblin en guerrier raisonnable, Assaâd Bouab en jeune type à la tête près du bonnet, Victor Fradet, Laurent Clauwaert, Eric Leconte, Eliot Maurel, infiniment crédibles, changeant de peau en un clin d’œil.

Le désir, l’amour, le deuil, la culpabilité tirent le fil rouge de cette humanité. Comme chez Sophocle. Du théâtre populaire dans sa noble acception retrouvée, avec le goût bénéfique du partage chéri au plus haut prix, jusqu’à la mort consentie dans le tenace métier de vivre dressé contre le fanatisme. Je n’en dis pas plus, lecteur, vas y voir toi-même. À toi de jouer. Jean-Pierre Léonardini

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Classé dans La chronique de Léo, Rideau rouge

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