En cette année du bicentenaire de la mort de Napoléon, un singulier personnage fait de l’ombre au petit caporal : Talma ! Sous le titre Talma ou l’Histoire au théâtre, Madeleine et Francis Ambrière lui ont consacré un volumineux ouvrage. Un grand tragédien, favori de l’empereur.

Sans entrer dans la polémique larvée sur la commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon, l’occasion est belle d’évoquer la figure de Talma (1763-1826), qui fut le grand acteur favori du « petit caporal » monté sur le trône. Madeleine et Francis Ambrière, sous le titre Talma ou l’Histoire au théâtre, lui ont consacré un volumineux ouvrage, fortement documenté, qui ne laisse dans l’ombre aucun des aspects de la vie et de l’œuvre romanesque de celui dont Chateaubriand a pu dire : « Il avait l’inspiration funeste, le dérangement de génie de la Révolution à travers laquelle il était passé ».
Fils de dentiste et dentiste lui-même, François-Joseph Talma joue d’abord en société, avant d’intégrer la première promotion de l’École royale de déclamation. En 1787, il débute à la Comédie Française dans le Mahomet de Voltaire. En 1789, il tient son premier grand rôle, Charles IX, de Chénier. En 1791, il entraîne une partie des comédiens français aux Variétés, devenues en 1793 Théâtre de la République, où ils jouent des pièces révolutionnaires. Après Thermidor, Talma devient un familier de Bonaparte qui, empereur, le fera jouer à Erfurt, en 1808, devant « un parterre de rois ».

Napoléon ne goûtait que la tragédie. « Moi-même », affirmait-il, « je suis assurément le plus tragique des personnages du temps ». Il prodiguait à Talma des conseils qui ressemblaient à des ordres : « Nous voyez-vous lever les bras en l’air, étudier nos gestes, prendre des attitudes, affecter des airs de grandeur ? Nous entendez-vous pousser des cris ? (…) Nous parlons naturellement comme chacun parle quand il est inspiré par un intérêt ou une passion ». Le succès magnifique du tragédien par excellence a perduré, à la Comédie Française ou en tournées harassantes, jusque sous la Restauration. Cent mille personnes suivirent son cercueil.
Talma, formé pour partie en Angleterre, révérait Shakespeare et soignait la mise en scène. Il a réformé les costumes avec l’aide du peintre David. Il avait toujours son mot à dire quant aux textes des auteurs d’alors, trop souvent médiocres. Travailleur acharné, riche, couvert de dettes, partagé entre plusieurs femmes, en rivalité permanente avec d’autres comédiens, il a traversé son époque, de Robespierre à Louis XVIII et Charles X, jugé par tous ses illustres contemporains et aimé par le peuple. Il fut le grand artiste d’une sensibilité neuve, héritière du XVIIIe siècle et préromantique. Jean-Pierre Léonardini
Talma ou l’Histoire au théâtre, de Madeleine et Francis Ambrière (Éditions de Fallois, 893 p., nombreuses illustrations, 29 €)