Jusqu’au 8/05, au Théâtre du Gymnase (75), Eric Bouvron met en scène Lawrence d’Arabie. La reprise d’un spectacle grand public, au succès mérité… Avec une incroyable économie de moyens, entre idéaux politiques et ironie de l’histoire, la magie du désert pour nous conter une extraordinaire épopée. Sans oublier Les heures terribles et noires du royaume de Castille au Théâtre du Soleil.

Le décor est planté. D’un côté le quartier général de l’administration anglaise au Caire, de l’autre l’immensité désertique qui exacerbe les incessantes querelles entre tribus arabes… L’histoire de Lawrence d’Arabie ne se déroule pas sur grand écran, même si l’imaginaire de chacun s’allume à l’évocation du célèbre film de David Lean ! Nous sommes bien au théâtre, celui du Gymnase à Paris, où Eric Bouvron met en scène avec grand talent l’épopée légendaire d’un obscur mais jeune et brillant archéologue anglais, Thomas Edward Lawrence. Qui décroche, fort de sa maîtrise de la langue arabe et de la connaissance du terrain, un poste d’officier du renseignement dans l’armée d’occupation. Molière du meilleur spectacle privé en 2016 pour Les Cavaliers, adapté du roman de Joseph Kessel, le metteur en scène confirme un talent certain pour donner à voir et entendre ce qui relève des grandes épopées.

Sans machinerie envahissante mais forts d’une imagination débordante, huit comédiens pour interpréter une soixante de personnages avec changement de costumes à vue, deux musiciens ( Raphaël Maillet au violon, Julien Gonzales à la batterie et l’accordéon) et une chanteuse ( Cecilia Meltzer à la voix envoûtante)… Il en faut peu pour nous conter, en des tableaux d’une vérité et d’une beauté saisissantes, les soubresauts d’une histoire qui débute en 1916, lorsque l’empire ottoman allié à l’Allemagne impose son joug en terre arabe. Le jeune Lawrence, investi de la confiance gagnée auprès des chefs de tribus, boute l’envahisseur hors d’Arabie et promet alors aux belligérants, groupés sous la bannière de Fayçal, la création d’une nation indépendante qui inclut Syrie, Jordanie et Irak des temps modernes. Las, la duperie est de taille : en un accord secret, faisant fi de la victoire des peuples autochtones, Anglais et Français se sont préalablement partagés territoires et zones d’influence.
Un spectacle de haute tenue qui, du premier au dernier tableau, tient le public en haleine. Porté par le convaincant Kevin Garnichat dans le rôle-titre, accompagné de son serviteur et aide de camp oriental d’un humour désarmant Slimane Kacioui ! Une page d’histoire formidablement bien illustrée, la première d’une série de trahisons des puissances occidentales éclairant les tragédies à venir dans l’Orient contemporain. Yonnel Liégeois
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Roland de Roncevaux, toujours vivant !
Ainsi en décide la reine de Castille en 1492, au lendemain de la victoire des Chrétiens sur l’occupant arabe en la bonne ville de Grenade : le chevalier Roland n’a pu être occis par les impies, il est toujours vivant ! En 1740, comme le colportent et chantent les troubadours, la troupe du Radis couronné reçoit mission d’illustrer à nouveau ce haut fait d’armes quelque peu surprenant et déroutant.

En dépit d’un titre ô combien convaincant (!), Les heures terribles et noires du royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus, de rebondissements aussi divers que saugrenus, l’échec est patent, l’histoire têtue, à chaque tentative révisionniste Roland est bien mourant ! Même l’illustre Voltaire, convoqué en renfort de pertinence, ne parviendra à bousculer le cours des événements… Une pochade d’une truculente énergie, servie par de belles images animées et mise en scène par David Levadoux et Charlotte Andrès au Théâtre du Soleil, jusqu’au 20/03 à la Cartoucherie (75). Fort d’un humour foutrement déjanté dont le spectateur doit solidement tenir le fil, emporté par l’enthousiasme qui submerge le plateau, un spectacle dont chacun peut devenir chevalier servant. Y.L.