Jusqu’au 23/08, se déroule à Uzeste (33) la 48ème Hestejada. Un festival créé en 1978 par le musicien Bernard Lubat, une initiative artistique qui privilégie improvisation et convivialité. Loin de la culture standardisée, mêlant sans vergogne innovations musicales et palabres sociales en pays de Gascogne.

Bientôt quinquagénaire, la 48ème Hestejada (fête au village, en gascon) bat de nouveau le rappel à soixante kilomètres de Bordeaux, dans la commune d’Uzeste. Coorganisé avec la CGT d’Aquitaine depuis le bicentenaire de la Révolution française en 1989, un festival qui ne ressemble à aucun autre, une « mine d’art à ciel ouvert » aussi déjantée que le dénommé Lubat Bernard, percussionniste de renommée internationale mais pas seulement, multi-instrumentiste et jazzman émérite, fondateur du festival et maître œuvrier de la compagnie Lubat de Jazzcogne…

Le signataire du Manifeste des œuvriers dévoile l’événement en un langage fleuri dont il est coutumier : « La Cie Lubat et ses artistes œuvriers associés ne perdent ni leur temps ni leur talent à la pro-duction de spectacles déclarés marchandisants télessivants ! Improètes distingués en libertés, esprits critiques en situation critique, ils risquent leur existence sur l’audacieux fil de l’inventé de l’exploré de l’expérimenté de l’exigé, minoritaires bien ou mal compris ! », commente le batteur-persifleur en son propos « jazzgasconnant » et cognant fort singulier, à jamais déroutant pour les non-initiés ! Rien que çà au programme mais pas seulement, avec une féérie d’étoiles musiciennes, conteuses, chanteuses ou débatteuses dans le ciel de Gascogne jusqu’au 23 août : André Minvielle, Juliette Caplat Dite Kapla, Zabou Guérin, Lucile Marmignon, Louis Sclavis et Benjamin Moussay, Marc Perrone, Margot Auzier, François Corneloup, Fabrice Vieira… Sans oublier, le 22/08, l’hommage à Eddy Louiss !

« C’est quoi l’art ? C’est ce qui n’existe pas, c’est pour ça qu’il faut l’inventer », ose proclamer le musicien émérite, multi instrumentiste à tout vent et contre courant, génial producteur de sons et rimeur de mots.
Qui m’aime se suive Urgent créer, criait l’autre
Sauve qui veut la vie…
À la recherche du contre-temps perdu
Et comme disait Thélonius Monk,
compositeurimprovisionnaire d’en base
« Le jazz c’est la liberté… pensez-y ! »
Bernard Lubat

Outre représentations théâtrales, récitals chansonniers et concerts de jazz (de la clarinette aux percussions, de la trompette à l’accordéon…), avec Alain Delmas (un entretien en date de 2023) à la baguette, l’un des responsables régionaux de la CGT et président d’Uzeste musical, comme de coutume temps forts et débats sont à l’affiche de cette 48ème Hestejada : l’exposition des dessins du regretté Gilles Defacque (« Pour l’exposition tu leur diras bien (…) que c’est pas morbide, bien sûr il y a l’hôpital, il y a la mort mais c’est le processus créatif qui ne peut pas s’arrêter. C’est pas morbide. C’est pas un hommage« ), clown poétique et fondateur du Prato à Lille, cet incroyable Théâtre international de Quartier. Sans oublier les diverses rencontres autour de la guerre en Ukraine et en Palestine, la conférence-débat sur Syndicalisme européen et extrême droite à l’ombre de la traditionnelle cabane du gemmeur (ouvrier chargé de récolter la sève des pins), l’hommage rendu au cinéaste Jean-Pierre Thorn, infatigable filmeur des réalités et luttes sociales, des usines et des immigrés ainsi que celui à Jack Ralite autour de Mon alphabet d’existence, son ultime ouvrage publié aux éditions Arcane 17.
D’ici d’en poètes et paysans cultivateurs de culture artistisans techniciens œuvriers
chercheurs créateurs pionniers passeurs transformateurs faux menteurs…
Pour une colère joyeuse dans un océan d’indifférence généreuse…
Le village comme écrin et ses habitants comme partenaires solidaires salutaires
Humour humeur humanité humidité !

Pour une lutte à vie à vivre éperdue d’avance d’enfance…
Ni d’avant ni d’arrière-garde mais bien plus tôt d’avant les gardes…
Bio diversité créatrice artistique culturelle sociale éducative…
Ne pas confondre éducation populaire et démagogie participative
Ne nous laissons pas simplifier, enfumer, entuber, marchandiser !
Musique, cinéma, théâtre mais aussi réflexion-question-confrontation… Uzeste ? Un lieu privilégié, unique en son genre, où se croisent artistes et chercheurs, universitaires et travailleurs : un festival vraiment pas comme les autres ! Yonnel Liégeois
La 48ème Hestejada : du 17 au 23/08. Uzeste Musical visages villages des arts à l’œuvre, 18 rue Faza, 33730 Uzeste (Tél. : 05.56.25.38.46) – uzeste.musical@uzeste.org).

Œuvriers et Ouvriers
Le swing des œuvriers, de Jean-Michel Leterrier avec la complicité d’Alain Delmas (coédition NVO/IN8, 248 p., 25€), est un bel ouvrage, tant par la photographie que par le texte, qui relate les trois décennies de fréquentation/création entre le festival d’Uzeste et la CGT de la Gironde ! « Le compagnonnage s’est vivifié année après année, les artistes se conjuguant aux ouvriers pour donner naissance aux œuvriers, fabuleux exemples de créolisation », soulignent les deux auteurs. De chapitre en chapitre, entrecoupés de portraits aussi savoureux que cocasses des têtes d’affiche comme des « petites mains » à la réussite du chantier, Jean-Michel Leterrier et Alain Delmas dressent avec allégresse l’aventure culturelle de l’organisation syndicale. Des bourses du travail en 1892 jusqu’à l’élaboration de la « Charte de la lecture à l’entreprise » en 1981…

Plus tard, lancée conjointement par l’UD CGT des Vosges et l’hebdomadaire La Vie Ouvrière, il y aura l’invitation d’un « Grand Témoin » aux représentations du Théâtre du Peuple à Bussang (88) dans les années 2000… Sans oublier les initiatives à chaque festival d’Avignon (84) et à celui de la BD d’Angoulême (16), la présence forte de la CGT des Ardennes au Mondial des Marionnettes de Charleville-Mézières (08), la participation au Printemps des Poètes à Paris et au festival de la poésie de Lodève (34) « Les voix de la Méditerranée »… Sans compter les multiples invitations au siège de la centrale syndicale à Montreuil (93) à des rencontres-débats avec écrivains-comédiens ou plasticiens, l’organisation de plusieurs colloques « Travail-Culture-Syndicat » sous l’égide de la Commission confédérale Culture animée en son temps par Jean-Pierre Burdin puis Serge le Glaunec, eux-aussi singuliers œuvriers d’Uzeste et d’ailleurs dont les portraits manquent à l’appel ! En supplément d’âme, le livre s’enrichit d’un DVD symbolisant le mariage heureux entre texte-image et son !
Le manifeste des œuvriers, de Roland Gori/Bernard Lubat/Charles Sylvestre (coédition Actes Sud/Les liens qui libèrent, 80 p., 9€50), affiche et décline le retour à l’œuvre du désir sous toutes ses formes lorsqu’il sonne aux portes de l’existence : la vie de l’humain qu’on soigne, qu’on éduque, à qui on rend justice, qui s’informe, qui se cultive, qui joue, qui s’associe, qui se bat, fort de la solidarité qui s’offre à qui sait la chercher. Ce manifeste revendique la place de l’homme au centre des activités de production et de création pour lutter contre la normalisation technocratique et financière.






































































