Stiglitz, la fin du mythe américain

Prix Nobel d’économie 2001 et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz n’est pas à proprement parler un dangereux gauchiste. Fervent partisan du marché, il nous livre pourtant, avec Le prix de l’inégalité, un livre « indigné » et particulièrement corrosif.

 

Les raisons de son indignation ? L’explosion des inégalités et la nouvelle réalité américaine où « les riches s’enrichissent, les pauvres deviennent plus pauvres et la classe moyenne se vide ». 

stiglitzLes chiffres, et Stiglitz en donne beaucoup, sont accablants. Ainsi, en trente ans, les salaires des 90 % inférieurs n’ont augmenté que de 15 % quand ceux du 1 % supérieurs progressaient de 150 % et ceux du 0,1 % le plus riche étaient multipliés par trois… Des écarts de revenus qui se doublent d’inégalités de patrimoine plus grandes encore : un cinquième de la population détient 85 % de la fortune totale du pays et, par exemple, les six héritiers de l’empire Wall-Mart détiennent à eux seuls autant que les 30 % inférieurs de la société américaine.

Des chiffres qui font figure de cataclysme dans un pays qui s’est toujours pensé comme celui de l’égalité des chances et une terre d’ascension sociale. Ils réduisent de fait le rêve américain peuplé de self made men passés des haillons aux milliards en trois générations au rang de simple mythe et menacent le patriotisme constitutionnel, ciment de la société américaine et partie intégrante de l’identité nationale. C’est dire si le prix des inégalités est élevé. Elles se payent de la détérioration de l’économie, de l’anémie de la croissance, de la régression sociale et d’un délitement de la démocratie L’une des thèses centrales de l’ouvrage est en effet que si le marché et ses dysfonctionnements ont joué dans l’avènement de cette situation, le système politique en est largement responsable : « C’est la politique qui a modelé le marché, et elle l’a fait pour le conduire à favoriser le haut aux dépens du reste. »

Reprenant à son compte le fameux slogan du mouvement Occupy Wall Street « Nous sommes les 99% », il examine de façon extrêmement documentée le 1% qui pose problème à l’Amérique. Ce 1% qui ne s’est pas contenté de s’enrichir mais qui a aussi travaillé dur pour convaincre le reste de la société qu’un autre monde n’est pas possible. Stiglitz s’attache à détruire cet autre mythe et à montrer au travers d’une trentaine de propositions que les Etats-Unis pourraient tout à fait avoir simultanément une économie plus dynamique et plus efficace et une société plus juste. Une leçon qui ne vaut pas qu’outre-Atlantique. Jean-François Jousselin

« Le prix de l’inégalité », de Joseph E. Stiglitz. Ed. Les liens qui libèrent, 500 p., 25 e

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