Sarah Ourahmoune, de la tête et des poings

Championne du monde des moins de 48kg en 2008, huit fois championne de France, trois fois championne d’Europe, la boxeuse Sarah Ourahmoune est en finale des jeux de Rio ! Une femme de convictions qui ne fait pas parler que ses poings, généreuse et attachante, à la tête bien pleine autant que bien faîte.

 

 

Salle de boxe d’Aubervilliers, l’ambiance et l’odeur particulières des rings, entre les cordes claque le bruit sec des gants… Une jeune femme, charmante et élégante en tenue de ville, fait son apparition. A l’aise, décontractée dans cet univers d’hommes, le visage souriant et sans nulle marque de coups !

sarah4« Je suis venue à la boxe, presque par effraction », confesse la jolie Sarah Ourahmoune. « En tout cas sans l’autorisation de mes parents, j’avais quatorze ans et je me suis inscrite en cachette, il n’y avait encore aucune fille à la salle, pas de vestiaire pour elles. Said Bennajem, alors mon entraîneur, m’a proposé une séance, ça m’a plus, je suis revenue ». De la boxe éducative d’abord, les mercredi et samedi, puis le premier combat à Élancourt en 1999 pour Sarah, sa première victoire et son premier titre de championne de France la même année… « Mon père était fier, ma mère inquiète, les deux ont vite vu combien la boxe comptait pour moi ». La jeune femme enchaîne alors le parcours d’athlète de haut niveau : équipe de France féminine en 2000, premier championnat du monde en 2001, entrée à l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) en 2002… Durant quatre ans, elle raccroche les gants pour obtenir son diplôme d’éducatrice spécialisée auprès d’handicapés mentaux. Et de remonter alors sur le ring, encore plus forte et motivée, décrochant en 2008 le titre suprême lors des championnats du monde en Chine !

Une fille lucide, Sarah Ourahmoune, qui ne se laisse pas griser par le succès et la notoriété médiatique. D’autant qu’elle a éprouvé aussi le temps de la déception et de l’échec : sa non-qualification aux J.O. de Londres, contrainte de changer de catégorie puisque les moins de 48kg sont hors compétition… « L’échec fait partie du parcours d’un sportif de haut niveau, il faut l’accepter et apprendre à le gérer. La boxe est un sport exigeant, face à l’adversité j’ai appris à me blinder ! ». Sans perdre espoir ni faire l’impasse sur les Jeux de Rio : naissance d’une petite fille, changement de catégorie et d’entraîneur, reprise de la sarah1compétition et qualification pour le Brésil…. « Aujourd’hui, j’ai retrouvé le plaisir de la boxe, avant tout je m’amuse à l’entraînement, les performances suivront ».

Membre du réseau « Femmes et Sport, Sport et citoyenneté », elle n’hésite pas à livrer là aussi le combat sur son blog pour faire reconnaître ses droits et sa féminité. « Même si des progrès indéniables sont observés, le chemin vers l’égalité est encore long et appelle à une prise de conscience générale. Pour en découdre avec les préjugés machistes tenaces, il faudrait changer les regards sur la boxe féminine, des hommes mais aussi des femmes. Il demeure encore des aberrations en termes d’égalité des droits. Certaines salles refusent encore les femmes sous le prétexte que les entraineurs ne savent pas les gérer ou qu’elles pourraient perturber les autres pratiquants ». Et de poursuivre : « A Aubervilliers, les filles ont eu le droit à un vestiaire en 2004, avant nous allions squatter celui du baskett-ball. En équipe de France, il a fallu se battre pour obtenir des aides comme pour les hommes. Sans sponsor, c’est dur financièrement ».

En dépit des préjugés, Sarah éprouve une véritable passion pour sa discipline. Une école de la vie et de l’effort, une école surtout de maîtrise de soi où il faut apprendre à « toucher » sans se faire toucher… « La boxe, c’est comme les échecs, c’est très stratégique ». Contrairement aux apparences, un sport où il faut autant compter sur la puissance de ses poings que sur son intelligence du combat ! Et la jeune sportive n’en manque pas, cultivant à profusion projets et initiatives. Une vraie femme dans la cité, qui met son expérience au profit des autres : création d’une halte-garderie à la salle d’Aubervilliers pendant que les mamans s’exercent à la boxe (une cinquantaine de femmes inscrites, de 18 à 60 ans), création d’une section de boxe éducative pour les enfants handicapés mentaux… Deux initiatives conduites par Sarah Ourahmoune dont elle est particulièrement fière et Said Bennajem également, le patron de la salle et ancien sélectionné olympique. Fier de « Sarah la battante », toujours prête à retourner au combat après chaque coup de gong, ne s’avouant jamais vaincue jusqu’à la dernière reprise ! Une femme à l’énergie sarah2débordante, attachante et généreuse, qui mène avec succès sa double carrière sportive et professionnelle : éducatrice spécialisée, diplômée de Sciences-Po, co-directrice avec son mari d’une salle de sport en entreprise.

Un quotidien très chargé pour la championne, qui assume son statut de femme entre ou hors les cordes ! N’omettant pourtant jamais de se garder du temps pour la famille et sa passion, la peinture et le dessin ! Un plaisir né au temps de l’enfance, dont elle rêve parfois d’en faire son métier… Pour l’heure, place au combat de sa vie, le 20 août à 19h00, pour décrocher l’or ou l’argent : à elle désormais de rentrer dans l’histoire à l’image d’Estelle Mossely, première championne olympique française de boxe féminine ! Au final, quelle que soit la couleur du métal, un incroyable parcours et un fabuleux palmarès. Propos recueillis par Yonnel Liegeois

 

A lire : « Le sport féminin, le sport dernier bastion du sexisme ? », de Fabienne Broucaret avec une préface de Marie-George Buffet. « Destin… et tout peut basculer », de Sylvie Albou-Tabart, illustrations de Sarah Ourahmoune.

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