Bérangère Vantusso, une belle carcasse !

Au lendemain de son succès au récent Mondial des marionnettes de Charleville, Alors Carcasse, dans une mise en scène de Bérangère Vantusso, poursuit sa route. Un spectacle étonnant et déroutant sur notre rapport au monde, dehors et dedans. Sans oublier Qui croire, sur les planches de la Comédie de Béthune (62) et L’histoire d’une femme au Rond-Point (75).

 

Déroutante, surprenante Bérangère Vantusso, la metteure en scène et directrice du Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine ! Après son original Longueur d’ondes-histoire d’une radio libre, elle ose battre les planches avec une pléiade de bâtons ou tiges de bois, tout autant désarticulés qu’ordonnés. S’emparant avec audace du texte de Mariette Navarro, elle le morcèle et le dissèque sans désemparer à coups de barre finement orchestrés. Quid de cette étrange Carcasse, subtilement désossée, au cœur ou en lisière de la scène du monde ?

Cinq comédiens sur les planches, bâtons d’équilibriste en main… Qui se croisent, virevoltent au fil de la narration, s’entrechoquent, composent ou brisent des lignes aussi expressives qu’énigmatiques ! Symbole fantasmagorique d’un squelette en dé(re)composition, membres éparpillés, la parole surgissant outre-tombe ou autre monde de ce ballet décharné : le choc est puissant, les lumières évanescentes, l’esthétique bouleversante pour le spectateur fort de son seul imaginaire pour braver la radicalité du questionnement. Qu’en est-il de notre monde et de notre temps ? Le fuir ou l’affronter, franchir le pas ou s’en abstenir, s’en mêler ou l’ignorer, s’emmêler ou jouer au solitaire ? « Carcasse nous ressemble étrangement », assure Bérangère Vantusso, « qui cherche maladroitement une présence au monde, avide d’humanité dans sa demande incertaine et naïve ». Un squelette qui se veut figure pensante et aimante, pas qu’un assemblage d’os sans chair ni vie, en quête d’une humanité à remodeler.

Un théâtre d’objets au lyrisme affiché, une mise en scène hardie pour donner à voir et entendre autrement le bruit des catacombes ou la petite musique du monde, une surprenante chorégraphie d’images aussi belles que déroutantes pour extraire la substantifique moelle d’un peu banal corps-texte et/ou cortex. Yonnel Liégeois

Les 14 et 15/11 au Festival International de Marionnettes de Neuchâtel. Du 27 au 29/11 au Théâtre de Sartrouville, CDN des Yvelines. Les 5 et 6/12 au Manège, Scène nationale de Reims. Du 4 au 6/02/20 au NEST, CDN de Thionville-Lorraine. Du 12 au 14/02/20 au TJP – CDN de Strasbourg, Grand Est. Le 4/03/20 au Théâtre Jean Arp – Clamart, scène territoriale pour la marionnette et le théâtre d’objet, en partenariat avec le Festival MARTO. Du 12 au 15/03/20 à La Manufacture des Œillets, CDN d’Ivry.

 

À voir aussi :

 – Seule en scène, aujourd’hui sur le plateau de la Comédie de Béthune (62), auréolée d’un halo de lumière tout aussi oppressant qu’envoûtant, une femme soliloque. Plus qu’un corps, une voix impose sa présence. Obsédante. En quête d’une voie à suivre ou à fuir, celle de la foi et de ces mystiques qui ont marqué de leur empreinte l’histoire des religions… Avec ces questions lancinantes : la religion est-elle cancer du monde ? Les mystiques sont-ils de grands psychotiques ?

Impressionnante Sophie Engel qui se demande Qui croire, se marie corps et âme avec le texte de Guillaume Foix, psalmodie sa quête telle une prière adressée à un hypothétique créateur, fait figure de revenante en proie à de multiples doutes existentiels ! Qui est-elle vraiment, une femme parmi tant d’autres reconnue seulement lorsqu’une société foncièrement patriarcale et aliénante lui confère figure emblématique ou banale usurpatrice, fausse messagère et vrai travesti, à l’image de l’historique Delores Kane prétendue réincarnation de Jésus ? De belle facture, un spectacle hors norme, dérangeant et surprenant. Y.L.

Une autre femme, seule en scène aussi, cette fois au Théâtre du Rond-Point (75) ! Venue conter son Histoire … Qui débute par ce cycliste lui administrant en roulant une violente claque sur les fesses, au point de la faire chuter sur la chaussée ! De cet instant, des passants penchés sur son sort à tous les autres (le pompier, le marchand de tabac, le collègue de bureau, le voisin de palier, le vendeur du supermarché, le médecin, son compagnon et même son père…), aucun homme n’échappera à sa vindicte incendiaire.

Une intarissable litanie sur ces maudits mots dits par ceux-là très fiers de leur « gros paquet » entre les jambes. Un monologue écrit et mis en scène par Pierre Notte, bien avant que plus de la moitié du genre humain soit invitée à balancer son porc !  Dont Muriel Gaudin s’empare avec délectation, faisant défiler la gente masculine au banc des accusés… Le verdict est sans appel, aucune lueur d’espoir pour ces hommes qui refuseraient pourtant de sombrer dans la phallocratie ou la misogynie. D’un humour grinçant, la mise en mots souvent juste d’une dénonciation féminine, pas vraiment la mise en actes d’un combat féministe. Y.L.

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