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Libraire, aimer les livres et les gens

Libraire à Folies d’encre, à Montreuil (93), Antonin Bonnet raconte son métier au quotidien. Entre passion de la lecture, manutention et tout le travail effectué autour des livres. Plongée au cœur d’une profession qui mêle gestion, échange d’idées et contacts humains.
 

Folies d’encre à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, une librairie qui, bien que située au-delà du périphérique, a su s’imposer dans le milieu parisien. Née il y a 44 ans, devenue aujourd’hui une institution, elle est la première librairie généraliste indépendante à avoir été créée dans le 9-3. L’organisation de rencontres avec des auteurs et des personnalités – Mona Chollet, Amélie Nothomb, Christiane Taubira ou même François Hollande – lui confère une notoriété de librairie engagée comme le suggère son adresse, avenue de la Résistance. En témoignent les rayonnages avec un large choix d’ouvrages sur les problématiques sociétales. L’évènement de la veille est encore à l’affiche : l’accueil de l’historien Patrick Boucheron, spécialiste du Moyen  Âge, qui présentait son dernier livre Libertés urbaines (CNRS éditions). « J’anime les rencontres avec le public. Ça implique de lire l’ouvrage, de connaître l’auteur, mais ce n’est pas un travail de journaliste », note Antonin Bonnet, « on assure la promotion et il n’y a pas de questions pièges ».

Antonin le libraire est arrivé au métier par des détours inattendus. Inscrit à la fac en philo, puis en histoire, il a tenté de concilier études et travail. « Ce n’était pas tenable. J’ai fait plein de métiers : sondages, vendanges, débardage dans la forêt, technicien de surface… Ensuite, durant plusieurs années, j’ai effectué des remplacements comme concierge. À un moment donné, je me suis inscrit à Pôle emploi. En raison de mon goût pour la lecture, on me conseille un brevet d’apprentissage de libraire. C’est ainsi qu’en 2015, j’ai 25 ans, je postule comme apprenti chez Folies d’encre ». Après deux ans d’apprentissage et l’obtention de son diplôme en 2017, le jeune homme est embauché.

Assez rapidement, l’apprenti creuse son sillon et se spécialise dans les sciences humaines et les essais. Grand lecteur, il rédige des notules à destination des clients sur de petites fiches cartonnées accrochées sur les livres. Et devient chef de rayon. « La responsable de la littérature est partie en retraite, le collègue des sciences humaines l’a remplacée ». En parallèle, il donne des cours à « Clermont-Ferrand ou Laval sur l’histoire de la librairie, la loi Lang (qui a instauré le prix unique du livre en 1981, ndlr) ou encore sur ce qu’on appelle les livres de fonds (ceux qu’on distingue des nouveautés) en ethnologie, sociologie et psychologie… ».

Le livre est un objet qui exige beaucoup de manutention : la réception, les retours, la mise en rayon…. « Si on n’amène pas de l’énergie en permanence, ça peut vite tourner au chaos ». Il y a la gestion des offices (nouveautés, sorties du jour) et le réassort. « Ce sont des principes qui s’appliquent à tous les magasins, car la librairie, c’est aussi un commerce qu’il faut gérer, et le mieux possible pour durer », explique Antonin. Avant de conclure : « Venir à ce métier par idéal n’est pas suffisant. Ce n’était pas mon cas, car j’avais aussi besoin de manger. De toute façon, si tu ne gères pas l’aspect commercial, tu ne vends pas et tes idées ne passent pas non plus ». Sa conviction profonde ? « Être libraire, c’est d’abord et surtout aimer les livres et les gens ». Régis Frutier, photos Bapoushoo

Librairie Folies d’encre : 9 avenue de la Résistance, 93100 Montreuil (Tél. : 01.49.20.80.00). Ouverture : lundi (12h-19h), du mardi au samedi (10h-19h).

Avec un réseau de près de 3 500 librairies, la France est l’un des pays où le nombre de librairies est le plus important au monde. Elles représentent 40% du marché devant les grandes surfaces culturelles, la grande distribution et Internet. Elles souffrent aujourd’hui de l’explosion du prix de l’immobilier, et de la concurrence acharnée des plateformes numériques. Leur atout majeur ? Le dialogue et le conseil au lecteur. Le secteur de la librairie emploie 14 000 salariés. Le salaire moyen dans la profession est de 1720€ net. Près de 75 000 nouveautés paraissent chaque année (Source : Syndicat de la librairie française).

Pennac et les droits du lecteur

Professeur de français, écrivain (La saga Malaussène), Daniel Pennac a publié un roman autobiographique, Chagrin d’école (prix Renaudot 2007), dans lequel il raconte son parcours de cancre. Un bouquin émoustillant pour des élèves qui ont des difficultés en classe malgré leur volonté de bien apprendre. Outre cet ouvrage, il a transmis ses « 10 commandements » de lecture dans un essai paru en 1992, Comme un roman. En fait, il s’agit bien plutôt de « droits » que le lecteur peut s’accorder de sa propre autorité :

1. Le droit de ne pas lire

2. Le droit de sauter des pages

3. Le droit de ne pas finir un livre

4. Le droit de relire

5. Le droit de lire n’importe quoi (même s’il y a des bons et des mauvais romans)

6. Le droit au bovarysme (c’est-à-dire à la passion quand on lit)

7. Le droit de lire n’importe où

8. Le droit de grappiller (commencer un livre par le milieu !)

9. Le droit de lire à haute voix

10. Le droit de nous taire (taire nos sentiments à l’égard du livre)

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Les suppliques, lettres mortes

Au théâtre de la tempête (75), le Birgit ensemble (Julie Bertin et Jade Herbulot) propose Les suppliques. La mise en lumière de six lettres, sur des centaines envoyées aux autorités françaises, de familles juives durant l’occupation. Poignantes, émouvantes dans leur incarnation. Plus qu’une évocation historique, un appel à la vigilance face au fascisme et au totalitarisme.

Cernés par le public installé en un dispositif bi-frontal, ils n’ont aucune échappatoire. Comme pris au piège de l’histoire, deux couples, deux jeunes et deux adultes, quatre personnages entre l’hier et l’aujourd’hui : hier adressant des lettres angoissantes au Commissariat général aux questions juives ou directement au maréchal Pétain « protecteur de la Nation » pour avoir des nouvelles d’un proche ou plaider leur statut de citoyen français, aujourd’hui donnant corps et voix sur un plateau de théâtre à leurs Suppliques et supplices, l’horreur et l’effroi face au funeste destin des leurs.

L’intrigue se joue entre documentaire et fiction. Auteur d’une thèse sur la période de l’occupation, l’historien Laurent Joly découvre au fil de ses recherches des centaines de lettres envoyées aux autorités de Vichy entre 1941 et 1943. Des familles, des mères ou des épouses juives, des couples mixtes ne comprenant pas les mesures dont ils sont victimes, tentant de plaider leur cause : un ancien de 14-18 déchu de sa nationalité, une jeune fille embarquée durant une rafle pour son manteau à l’étoile jaune porté à son bras, la boutique confisquée d’une commerçante dont l’époux est juif…

Stupéfaction, incompréhension, désillusion nourrissent leurs propos face aux ordonnances gouvernementales, à la solde de l’occupant nazi ou anticipant-amplifiant leurs desiderata, qui les privent de leurs droits élémentaires. Six lettres dont nous connaissons les auteurs, raflés au Vel d’hiv, parqués à Drancy, exterminés à Auschwitz, victimes d’un régime tricolore qui se révèle intransigeant dans la mise en œuvre d’une impitoyable et sinistre politique : l’élimination des juifs de France, sans parler des réfugiés de Pologne ou d’ailleurs fuyant la barbarie allemande.

Les quatre comédiens (Vincent Winterhalter et Marie Bunel, Salomé Ayache et Pascal Cesari), tour à tour narrateurs ou enquêteurs, sont émouvants d’authenticité et de vérité. Sortant des housses du passé empoussiéré vêtements et petits papiers, meubles et poste de radio, chaussures et ustensiles de cuisine… Qui tournent en rond d’une situation l’autre, tels des reclus entre les quatre murs de leur cellule, se refusant à croire aux injustes tourments qui leur sont assignés. La vie quotidienne entre inquiétudes et pleurs, drames et douleurs, s’impose alors à notre imaginaire et nous emporte dans un torrent de questions au cœur d’un temps présent qui voit renaître la bête immonde.

Au terme de cette poignante incarnation, applaudir ou faire silence ? Applaudir, oui, pour que la raison l’emporte sur l’exclusion, applaudir pour saluer ce magistral théâtre de mémoire autant que d’histoire, applaudir pour refuser de sombrer dans le désespoir de la gente humaine, applaudir pour le futur à construire de ces lycéens nichés sur les travées et embués d’émotion. Yonnel Liégeois, photos Simon Gosselin

Les suppliques : jusqu’au 16/02, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Théâtre de La Tempête, la Cartoucherie, Route du champ de manœuvre, 75012 Paris (Tél. : 01.43.28.36.36).

Tournée :  les 12 et 13/03, ZEF, Scène nationale de Marseille. Les 18 et 19/03, Théâtre & Cinéma, Scène nationale de Narbonne. Les 26 et 27/03, Théâtre de Sartrouville, CDN. Du 23 au 26/04, Les Quinconces & l’Espal, Scène nationale du Mans. Les 14 et 15/05, L’Azimut, Châtenay-Malabry.

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Trois hommes à la question

De l’ouvrage paru aux éditions de Minuit en 1958, Laurent Meininger adapte et met en scène La question. Une mise en bouche fulgurante du récit-brûlot d’Henri Alleg, relatant sévices et tortures que lui infligea l’armée française durant la guerre d’Algérie. Avec Stanislas Nordey sous les traits de l’ancien journaliste d’Alger républicain, impressionnant de naturel et de vérité.

Un clair-obscur oppressant, un étrange rideau tremblant en fond de scène… Le décor, sobre, est posé. Un homme s’avance, la voix calme et puissante tout à la fois, un halo de lumière pour éclairer des mots criant souffrance et douleur. Sur le plateau, s’immiscent angoisse et détresse. Face au public, figé comme sidéré par les paroles dont il use pour narrer son interminable supplice, Stanislas Nordey impose sa présence. La question ? Les sombres pages d’une histoire de France où des tortionnaires, soldats et officiers d’une armée régulière, couvrent de rouge sang leurs ignobles forfaitures.

En cette Algérie des années de guerre, depuis novembre 1956, le journal Alger républicain est interdit de parution. Contraint à la clandestinité, Henri Alleg, son directeur, est arrêté en juin 1957. De sa prison, entre deux séances de torture dirigées par les hommes des généraux Massu et Aussaresses, il rédige La question. Sorti clandestinement de cellule, un texte bref mais incisif et dense, limpide presque, qui dissèque hors tout état d’âme les sévices endurés : la « gégène » (des électrodes posées sur diverses parties sensibles du corps), la « piscine » (la tête plongée dans l’eau jusqu’à l’asphyxie), la « pendaison » (le corps suspendu par les pieds et brûlé à la torche)… Sans omettre les coups, les injures, les humiliations quotidiennes, les menaces de mort à l’encontre de la femme et des enfants du supplicié !

Un témoignage d’autant plus émouvant et percutant qu’Henri Alleg le rédige tel un rapport d’autopsie, celle d’un mort vivant qui n’ose croire en sa survie. Les commanditaires de ces actes barbares ? Les militaires français du « Service action » qui s’octroient tous les droits, usent et abusent de sinistres manœuvres pour extorquer des renseignements et sauver l’Algérie coloniale des griffes de l’indépendance. Leur doctrine fera école, le général Aussaresses ira l’enseigner aux États-Unis, ensuite en Argentine et au Chili. Sur la scène du théâtre, point de salle de tortures, non par économie de moyens mais pour que le texte seul, sans pathos superflu, prenne son envol hors les frontières. Hier comme aujourd’hui, pour dénoncer dictateurs et tortionnaires en tout pays.

« Ma première rencontre avec le livre d’Henri Alleg ? Un choc », reconnaît Laurent Meininger, « qui m’émeut toujours autant au fil de mes lectures ». D’autant qu’il s’emploie, depuis la création de sa compagnie théâtrale en 2011, à mettre en scène des textes forts qui parlent aux consciences d’aujourd’hui. Formé à l’école de l’éducation populaire par des maîtres es tréteaux, tel Jean-Louis Hourdin, il s’inscrit au nombre de ceux qui ont fait entrer le théâtre dans les hôpitaux et les prisons. Face à la montée des nationalismes et à l’émergence de « petits chefs » aux discours haineux, Laurent Meininger en est persuadé, La question conserve son pouvoir d’interpellation en ce troisième millénaire. « Croire que liberté et démocratie sont acquises à tout jamais ? Une attitude suicidaire ! Il nous faut rester vigilants, ne jamais se départir d’un esprit critique, le combat contre l’injustice est permanent ».

« Aujourd’hui encore, La Question demeure une référence », écrit en 2013 dans les colonnes du Monde Roland Rappaport, l’avocat qui sortit feuille par feuille le manuscrit écrit sur du papier toilette. « C’est ainsi, qu’en 2007, aux USA, lors des débats sur l’usage en Irak de ce qui était désigné comme « des interrogatoires musclés », en réalité de véritables tortures, l’Université du Nebraska a publié, en anglais, La Question. Dans la préface, signée du professeur James D. Le Sueur, on lit « La Question est et demeure, aujourd’hui, une question pour nous tous », rapporte le juriste en conclusion de son témoignage.

Alleg, Meininger et Nordey ? D’une génération l’autre, trois hommes aux convictions enracinées pour un même devoir de mémoire. Trois hommes à la question pour un message de vigilance certes, plus encore pour un message de paix et de fraternité entre les peuples. Sur la scène, à La question posée dans le clair-obscur, lumineuse et flamboyante s’impose la réponse ! Yonnel Liégeois, photos Jean-Louis Fernandez

La question : le 21/01/25, Le Cratère, Alès (30). Du 24/01 au 01/02, Théâtre de la Concorde, Paris (75). Du 18 au 22/03, Théâtre des Bernardines, Marseille (13). Du 01 au 03/04, Comédie de Picardie, Amiens (80).

Question interdite

Publiée en février 1958, La question d’Henri Alleg est la première à dénoncer publiquement sévices et tortures perpétrés en Algérie. Jean-Paul Sartre, dans les colonnes de L’Express, salue à l’époque la portée du texte. Huit réimpressions dans les cinq semaines suivant la sortie… Le 25 mars, le livre est saisi puis interdit, à la demande du tribunal des forces armées de Paris. Malraux, Mauriac et Sartre protestent et dénoncent la censure. Devenu succès littéraire et référence internationale, l’ouvrage est traduit en pas moins de trente langues (éd. de Minuit, 6€90).

Une rencontre saisissante

La Question a été pour moi une rencontre saisissante. Ce texte dénonce l’utilisation de la torture par l’armée française durant la bataille d’Alger. Il fut longtemps censuré par l’État français. J’ai été totalement happé, interpellé par les mots de Henri Alleg. Ils font écho à des émotions qui me traversent depuis longtemps : mon grand-père fut résistant pendant la seconde guerre mondiale. Certes, il ne s’agit pas de la même guerre, mais la guerre d’Algérie soulève des questions que soulevait également, à peine plus d’une décennie auparavant, la seconde guerre mondiale : la torture, la résistance, la censure… Elle interroge en 1957 sur ces enseignements que notre pays n’a pas su tirer des atrocités subies par son propre peuple entre 1939 et 1945. Ce récit autobiographique parle d’un homme qui reste fidèle à ses convictions ; quel qu’en soit le prix pour lui-même. Son refus, son courage, sa dignité, ses valeurs fraternelles me touchent profondément. Que signifie résister ? Comment réagir face à la peur ? face à la douleur physique ? Jusqu’où est-on capable d’aller pour défendre un idéal ? Dans La Question le récit comme la torture sont implacables. On ne peut s’y soustraire. Le choc est d’autant plus rude que le récit est clinique, il ne fait jamais appel à l’émotion. Henri Alleg dresse le procès-verbal des exactions que lui ont fait subir les parachutistes français sur ordre du gouvernement français. Il sait que le silence est le plus fidèle allié de la torture. Il sait que pour défendre nos valeurs, il faut témoigner de ce qui se passe quand elles s’effondrent.

Monter La Question, c’est rappeler que la torture existe toujours, que les principaux tortionnaires et assassins sont les États, hier comme aujourd’hui. Aucun d’entre eux « n’est à l’abri de consentir » à la torture, à « l’exécution extra-judiciaire », à l’utilisation de peines, de conditions de détention ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants Pas même les grandes démocraties, pourtant supposées garantir le respect des droits de l’homme… La liste est longue, effroyablement longue, des pays qui ont recours à la torture de manière systématique pour obtenir des informations, arracher des « aveux », menacer. La liste est longue, effroyablement longue, des pays où « l’exécution extra-judiciaire » fait taire la voix dissidente. Ces horreurs font écho aux tortures subies par Henri Alleg en 1957 ; à la « corvée de bois » des parachutistes en Algérie, assassinant sur ordre du gouvernement français les militants indépendantistes Maurice Audin, Ali Boumendjel et bien d’autres ; au massacre de « Français musulmans d’Algérie », le 17 octobre 1961 à Paris, par des policiers français sur ordre d’un préfet déjà impliqué dans la rafle de 1600 juifs à Bordeaux entre 1942 et 1944. Au regard de la place qu’elle tient dans la littérature minimaliste, au regard du rôle qu’elle a tenu hier dans le « tressaillement » des consciences, OUI il est juste que La Question conserve son statut de référence internationale. Mais NON, il n’est pas acceptable que tant de pays, tant de gouvernements dans le monde restent encore tortionnaires et que La Question conserve ainsi malheureusement toute son actualité. Laurent Meininger, metteur en scène

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Michel Simonot, une brûlante froideur

Aux éditions Espaces 34, Michel Simonot a publié Traverser la cendre. Un texte d’une puissante force tragique, aujourd’hui mis en scène par Nadège Coste. Entre les lignes et sur le plateau, la mise en abîme de la Solution finale fomentée par les nazis.

Michel Simonot a écrit Traverser la cendreun texte d’une intensité tragique hors du commun, judicieusement mis en scène par Nadège Coste qui anime, dans la région Grand-Est, la Cie des Quatre Coins. Il revient à l’actrice Laëtitia Pitz d’énoncer, froidement, ce poème brûlant tissé de cris sourds et de documents irréfutables, lequel parvient, en une heure de temps scénique, à tout signifier de l’univers concentrationnaire organisé par les nazis.

Une citation a offert à Michel Simonot la clé idéale de son dessein. Elle est de Heiner Müller (1929-1995). N’affirmait-il pas que « le dialogue avec les morts n’a pas le droit de se rompre tant qu’il ne restitue pas la part d’avenir qui a été enterrée avec eux » ? Au début, dans un espace savamment neutre, qui sera imperceptiblement soumis à des variations lumineuses (Emmanuel Nourdin), Laëtitia Pitz est assise, côté jardin, devant une petite table où sont rangés des papiers. Chemin faisant, la voici debout, elle se tient droite, mince silhouette couronnée de cheveux blonds, sans gestes intempestifs, au cours de l’exercice permanent d’une retenue exemplaire. Ce qui compte essentiellement est ce qui sort de sa bouche. Ce qu’elle formule va du « tu » au « je », depuis l’évocation d’un corps humilié, brisé, rampant sous les coups, jusqu’à l’adresse au martyr imaginé : « Je t’ai cherché, trouvé dans les décombres. Je te dis “tu“ pour que tu puisses dire “je“ ».

La partition s’étoffe d’informations concrètes, sur les responsables désignés de la solution finale, l’abjecte hiérarchie des étoiles aux couleurs multiples imposées sur les hardes, les actes de résistance ici et là, l’horrible besogne assignée aux Sonderkommandos chargés de sortir les cadavres des fours crématoires, les longues marches meurtrières vers la fin de la guerre… Ainsi, tout est reconnu et rapporté de la géhenne historique qui a souillé à jamais le XXe siècle, en un bouleversant mouvement, à la fois divinatoire et de remémoration, avec la participation assumée, ici et là, de paroles d’Edmond Jabès, Samuel Beckett, Jacques Derrida ou Paul Celan, tandis que la musique du compositeur Gilles Sornette, sensiblement spectrale, contribue à l’imprégnation du dol monstre infligé à l’humanité tout entière. Jean-Pierre Léonardini

Traverser la cendre : Le 12/12, 20h, au Casino des Faïenceries de Sarreguemines (57). Le 03/04/25, 19h, à la chapelle des Trinitaires, La Cité Musicale de Metz (57). Le texte est publié aux éditions Espaces 34 (62 p., 13,50€).

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Ailleurs, partout : un film à découvrir !

Au cinéma MK2-Bibliothèque (75), le 01/12 à 13h40, est projeté Ailleurs, partout d’Isabelle Ingold et Viviane Perelmuter. Réalisé à partir d’images de caméras de surveillance, le film retrace le parcours de Shahin, un jeune Iranien parti pour l’Angleterre. Un usage original de l’image et du son, étonnant et bouleversant. Entrée gratuite, sur inscription, dans le cadre du festival Vrai de Vrai.

J’ai vu une première fois le film Ailleurs, Partout au  Lavoir Numérique de Gentilly, en  mai passé. Je l’ai beaucoup aimé. Il m’a beaucoup touché, profondément bouleversé. Pourtant il ne cherche pas  à nous subjuguer, à nous laisser submerger par l’émotion. Au contraire, il nous délivre de ces pièges en renouvelant et en élargissant nos capacités d’attention, de présence, notre vocabulaire sensible. Il nous rend « voyant ». Tout est là, bien en germe dans le réel mais encore nous faut-il  le voir et saisir pour s’y rendre présent. Ce cinéma-là le fait excellemment. On marche et piétine sur tant de débris que l’on n’imagine même pas ce qui pousse, germe. Ce n’est pas un film qui nous la fait à l’estomac : ni sentimentalisme, ni pathos ni même d’empathie du moins comme on l’entend trop souvent, mais plutôt l’écoute.

Qu’est ce que voir, écouter vraiment le monde d’aujourd’hui, y  compris et peut-être même dans ces déchets (récupération sublime des images des caméras dites de sécurité), dans les plis des déserts urbains ? Ici, ces déchets nous disent des choses belles et dures, ils parlent. Il se dégage une poésie nouvelle, inédite, qui ouvre sur une  joie spacieuse. Qui  a dit que le bonheur était  gai ?, relevait  un jour  Godard. La joie,  c’est autre chose encore. Elle se révèle dans la parole, cette espèce de foi en la parole et l’écoute du monde jusque dans sa respiration, ses silences,  ses spasmes… Le monde n’est pas muet. Il est riche de virtualités, pour autant qu’on s’y rende présent. Juste une présence, juste le pur accompagnement sur le chemin. Je considère Ailleurs, partout comme un très grand film. Il change  notre regard sur le monde parce qu’il  fait du  cinéma de notre temps avec les images-mêmes que ce monde produit et qu’habituellement  on ne voit pas vraiment. Et pourtant elles en disent des choses !

Ce film n’est pas un documentaire ou, justement, il l’est  pleinement parce que c’est aussi une création plastique. Pas dans l’ornement, le décor ou l’accompagnement musical… La poésie est une poignée de main, de mémoire, affirme Paul Celan. Au cœur de ce film, tout est dans le regard que la caméra porte, dans  le montage des images, dans le phrasé et le ton, le grain des voix. Jean-Pierre Burdin

Ailleurs, partout (2020, 63mn, couleur), d’Isabelle Ingold et Viviane Perelmuter : projection gratuite le 01/12 à 13h40, dans le cadre du Festival Vrai de Vrai 2024. Cinéma MK2-Bibliothèque (128 / 162 avenue de France, 75013 Paris).

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Rancière et la littérature

Aux éditions La Fabrique, Jacques Rancière publie Au loin la liberté, essai sur Tchekhov. Le philosophe s’interroge : l’art d’écrire révèle-t-il la capacité à dire la vérité des choses ? Paru dans le mensuel Sciences Humaines (N°373, novembre 24), un article de Léo Fabius.

Que peut la littérature ? Dans ce court et vif essai, le philosophe Jacques Rancière aborde le problème à partir d’une lecture croisée de plusieurs nouvelles de l’écrivain russe Anton Tchekhov. Ce qui l’intéresse n’est pas l’engagement personnel de Tchekhov, ni la manière dont l’écrivain aborde la société et ses structures au fil de ses récits. Dans la veine d’un précédent essai (Politique de la littérature, 2007), Jacques Rancière assigne à un certain art d’écrire la capacité de dire la vérité des choses, « à la manière dont les fossiles ou les stries de la pierre portent leur histoire écrite ».

Chez Anton Tchekhov, cette vérité porte l’empreinte de la servitude. C’est elle qui marque les corps et les esprits des personnages. Mais la servitude est moins l’effet d’une force étouffante venant du dehors qu’une habitude ancienne inscrite chez chacun, comme une atmosphère diffuse qu’on respire. C’est le cas chez Laptev, héros de la nouvelle Trois années. Destiné aux succès insignifiants de la vie bourgeoise, il prend soudain conscience que la vraie vie est ailleurs : « Il n’y avait qu’un portillon à ouvrir, commente Jacques Rancière, mais Laptev ne l’a pas franchi ». Pourtant, il aurait pu. C’est le genre de situation qui intéresse le philosophe. Pour un temps, la mécanique de la servitude est suspendue et tout se conjugue au conditionnel : quelque chose pourrait arriver. Il n’y a pas de raison à cette interruption et il n’y a pas lieu de la comprendre. Ce qui importe, c’est qu’elle ait lieu – même si elle se solde apparemment par un échec. Car elle manifeste alors une faille dans la fausse nécessité de la servitude, « qui ne se laisse plus oublier ».

Le livre est construit de manière à suivre, d’un chapitre à l’autre, le déroulement d’une sorte d’intrigue philosophique : que peut bien la littérature si la servitude se confond avec l’air qu’on respire ? Tchekhov, montre Jacques Rancière, n’est jamais là où on croit pouvoir l’investir d’un message ou d’un rôle. C’est l’antileçon de cette « politique de la littérature ». Léo Fabius

Au loin la liberté, essai sur Tchekhov, Jacques Rancière (éditions La Fabrique, 128 p., 13€)

Le dossier du n° 373 de Sciences Humaines s’intéresse à la mécanique de l’addiction et sur les moyens de reprendre le contrôle. Cigarette et vin, drogues et comportements compulsifs : de l’accoutumance au sevrage… Sans oublier l’entretien avec Robert Darnton, l’historien américain spécialiste du siècle des Lumières qui décrypte l’humeur des révolutionnaires de 1789. Dès sa création, Chantiers de culture a inscrit le mensuel sur sa page d’ouverture au titre des Sites amis. Un magazine dont nous conseillons vivement la lecture. Yonnel Liégeois 

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Éloge de l’objection en actes

Les 19 et 20/09, Matthieu Marie a donné lecture de La visite du chancelier autrichien en Suisse. Un texte de Michel Vinaver (1927-2022),écrit en 2000. Le 3 juin de cette année-là, le grand auteur dramatique y explique son refus de participer aux journées littéraires de Soleure organisées par les autorités culturelles helvètes.

Sans oublier, toujours au 100 (75), du 16 au 19/10 par Matthieu Marie et Valentine Catzéflis, Cher Franz, sous-titré Dialogue « amoureux » autour de Kafka.

Deux mois plus tôt, le chancelier Wolfgang Schüssel, allié au FPÖ, parti néonazi de Jörg Haider, était reçu à bras ouverts par les autorités helvétiques. Michel Vinaver expose à ses hôtes déçus son point de vue sur le ton de la courtoisie inflexible. Il ne se situe pas sur le terrain de l’engagement proprement dit. En 1951, avec le soutien d’Albert Camus, il publiait chez Gallimard son second roman, l’Objecteur. Son retrait est de cet ordre. Il rappelle que, lors de son service militaire, il s’était un jour assis au sol, à côté de son fusil. De la même façon, dirait-on, c’est plus fort que lui, il ne peut admettre d’agréer la cécité des gouvernants suisses sur la louche alliance de celui dont ils serrent la main.

Une certaine manière de voir en politique…

L’auteur donne alors des clés sur son autobiographie. Son père est né à Kiev, sa mère à Saint-Pétersbourg. En 1941, suite aux lois de Vichy sur les juifs, la famille doit quitter Annecy, où elle vit, pour les États-Unis. Il y poursuivra ses études. Un parallèle s’impose à lui, avec la montée du Front national et la progression du FPÖ en Autriche, pays qui se voit fallacieusement victime du nazisme. Il rappelle les étapes de l’accession de Hitler au pouvoir. Il argumente, en toute subtilité, sur son idée de voir les choses en politique, non pas en ayant recours à une opposition « frontale » (c’est son mot). Michel Vinaver se réclame, paradoxalement, d’une attitude « oblique », la même revendiquée et assumée dans son théâtre.

Ce texte, prémonitoire par la force des choses, d’une prodigieuse intelligence dialectique, Matthieu Marie le prononce livre en main, le plus simplement du monde. Des coupures de journaux sont projetées, ainsi que des tableaux bibliques de Chagall. En bonne logique civique, par les temps qui courent comme on dit, Matthieu Marie devrait être invité à révéler la Visite du chancelier dans les lycées, collèges, bibliothèques, librairies et théâtres. Jean-Pierre Léonardini

C’était les 19 et 20/09 au 100, établissement culturel solidaire (100 rue de Charenton, 75012 Paris. Tél. : 01.46.28.80.94). Du 16 au 19/10 à 20h, Matthieu Marie et Valentine Catzéflis joueront, toujours au 100, Cher Franz, sous-titré Dialogue « amoureux » autour de Kafka.

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Ouvrier, en être ou pas ?

Aux Presses universitaires de Rennes, Pauline Seiller publie Un monde ouvrier en chantier, hiérarchies ouvrières dans l’industrie contemporaine. Sur le modèle des travailleurs des chantiers navals de Saint-Nazaire, un éclairage sur les membres d’une « aristocratie ouvrière » en déclin. Paru dans le mensuel Sciences Humaines (N°371, septembre 2024), un article de Frédérique Letourneux.

Au tournant des années 2000 paraît le célèbre ouvrage des sociologues Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Le Retour de la condition ouvrière éclairant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs de l’usine Peugeot de Sochaux. La thèse était dans le titre : le groupe des ouvriers de l’industrie n’a pas disparu et il importe d’y prêter attention. Pourtant, si aujourd’hui les ouvriers représentent encore le cinquième de la population active, c’est en bonne partie dans le secteur des services tandis que le noyau d’ouvriers industriels, figures historiques et symboliques de ce groupe social, se réduit. En s’intéressant aux travailleurs des chantiers navals de Saint-Nazaire, un des derniers bastions de l’industrie métallurgique française, la sociologue Pauline Seiller éclaire de façon singulière la condition d’ouvriers syndiqués et qualifiés, rares représentants d’une « aristocratie ouvrière » en déclin.

Pour autant, Pauline Seiller montre également de quelle manière ce groupe est traversé par de fortes tensions, avec d’un côté les « ouvriers maison » qui revendiquent un savoir-faire spécifique et les ouvriers des entreprises sous-traitantes, moins qualifiés et surtout plus précaires. Ces entreprises ont en effet de plus en plus recours à une main-d’œuvre internationale, via le statut de travailleur détaché qui permet d’embaucher des travailleurs européens à des conditions économiques beaucoup plus favorables.

L’analyse de ces mutations des conditions de travail et d’emploi permet en creux de souligner comment le groupe des « métallos » s’ingénie à défendre une légitimité professionnelle fondée sur la qualification. L’identité ouvrière se structure alors fortement autour de la valorisation d’une norme de virilité qui met à l’épreuve le corps, symbole de l’investissement dans le travail. L’identification au groupe est si forte que beaucoup recourent à la rhétorique de « la famille » pour décrire la vie sur les chantiers. Une identité liée à un fort ancrage territorial : « À Saint-Nazaire, tout le monde connaît quelqu’un qui bosse aux chantiers ». Frédérique Letourneux

Un monde ouvrier en chantier, hiérarchies ouvrières dans l’industrie contemporaine, Pauline Seiller (Presses universitaires de Rennes, 180 p., 20€).

Très éducatif, le dossier du n° 371 de Sciences Humaines : que masque la violence de l’enfant, comment y faire face ? Sans oublier, signé Frédéric Manzini, le décryptage bien instruit du parcours de Frantz Fanon, ce psychiatre né à Fort-de-France en 1925, solidaire de la cause algérienne et en révolte contre le colonialisme. Une pensée toujours ignorée et méprisée en France, « Je ne suis pas esclave de l’esclavage (…) Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose : que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme (…) Le Nègre n’est pas, pas plus que le Blanc » (in Peau noire, masques blancs), une icône aux USA instrumentalisée aujourd’hui par les mouvements identitaires… Dès sa création, Chantiers de culture a inscrit le mensuel sur sa page d’ouverture au titre des Sites amis. Un magazine dont nous conseillons vivement la lecture. Yonnel Liégeois

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Stains et son Studio Théâtre

Dans l’une des banlieues les plus pauvres au nord de Paris, à Stains (93) est implanté le Studio Théâtre. Depuis quarante ans, un lieu de convivialité et de partage aujourd’hui dirigé par la comédienne et metteure en scène Marjorie Nakache.

Tout commence en 1983, à l’Espace Paul-Eluard de Stains, une salle phare du département. Xavier Marcheschi en prend la direction et fonde le Studio Théâtre en 1984 avec Marjorie Nakache, alors toute jeune comédienne. Les espoirs qu’avaient fait naître l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 sont en train de s’effilocher, mais l’époque reste à la lutte et à la débrouille. Enraciner le théâtre dans la société et en faire un espace de partage et de confrontation prendra une forme plus active en 1989 avec leur installation dans une maison de ville attenante à un cinéma, à l’origine ouvert par un artiste de cirque, puis transformé en garage. Rejointe par l’administrateur Kamel Ouarti, la compagnie entreprend de l’investir. À la mort de son propriétaire, la ville le rachète à ses héritiers et en préserve l’esprit. Il sera entièrement occupé par des artistes et dédié à une culture « élitaire pour tous » au service de la population.

Cette année, le Studio Théâtre aura 40 ans. La ville de Stains, l’une des plus pauvres du département, n’accordera guère plus de moyens pour marquer cet anniversaire historique. Habituée à faire beaucoup avec peu, la compagnie a toujours compensé la faiblesse des ressources par l’énergie de l’engagement et de la créativité. Marjorie Nakache, devenue directrice du lieu, a choisi de monter le Roman d’une vieadapté par Xavier Marcheschi d’après l’œuvre de Victor Hugo et plus particulièrement des Misérables. Un choix en phase avec notre époque « où la coupure entre le pouvoir et le peuple semble tout aussi réelle qu’à celle de Hugo », souligne-t-elle. Cette adaptation parcourt l’épopée de ce siècle tourmenté qui a vu éclater la Commune. Les acteurs portent haut et juste le verbe épique et poétique de Victor Hugo. On entend le combat pour l’émancipation du peuple et les enjeux de la pièce sortent du cadre historique pour apporter une réflexion dynamique avec la salle. C’est mené avec une joie battante dans une scénographie où peintures et musique donnent à voir et à ressentir la puissance et l’actualité du texte hugolien.

Cette manière de faire théâtre, pour les habitants et avec eux, est une clé de voûte du Studio Théâtre, sa marque de fabrique. On le perçoit dès que l’on en pousse la porte d’entrée. Il y a d’abord cette piste aux couleurs chaudes, d’où pendent tissus, cerceau et trapèzes, utilisée pour des spectacles mais surtout dédiée aux ateliers annuels de cirque proposés aux enfants et adultes, depuis vingt ans. Un peu plus loin, un foyer chaleureux avec fauteuils et petites tables, tableaux et marionnettes, ouvre sur un jardin, comme une respiration entre dedans et dehors. Un lieu enchanteur, ouvert 7 jours sur 7 jusqu’à tard le soir, avec son activité de programmation et ses 24 ateliers hebdomadaires, que les habitants, de génération en génération, investissent tant ils s’y sentent bien.

Fabien Belkaaloul y a suivi un atelier théâtre de 12 à 16 ans et reste marqué par son approche du clown et du personnage de Charlie Chaplin. Aujourd’hui, à 22 ans, il ambitionne d’intégrer une école d’art parce qu’il a « pris de l’assurance et appris à parler en public ». Hind Ajrodi, fondatrice de l’association Chez Ailes, y conduit en ce jour d’avril 24 femmes et enfants pour la représentation de Balerina, Balerina de Jurate Trimakaité. « J’encourage les femmes à fréquenter le Studio Théâtre car il est pensé pour elles et pour leurs enfants. Elles y ont une place, tout comme les jeunes et les personnes âgées. C’est un véritable lieu de sociabilité et d’émancipation par la culture ».

L’accès au Studio est aussi largement ouvert aux compagnies. « On en accueille plutôt le double que ce que requiert notre cahier des charges », précise Marjorie, « on ne dit jamais non aux projets. On reçoit tout le monde et après, on voit ce que l’on peut faire ensemble ». Une manière de faire et d’être. Malgré les difficultés. « Nous avions plus de moyens pour la création il y a dix ans. L’administratif aujourd’hui a pris le pas et les spectacles sont devenus de plus en plus coûteux ». Soutenue par la ville, le conseil général, la Drac Île-de-France et, depuis 2006, la Région Île-de-France, la compagnie parvient cependant à réaliser une création quasiment chaque année et à faire tourner les spectacles. Elle s’appuie également sur un travail solide avec le réseau associatif local et départemental. En 1995, la pièce Féminin Plurielles, d’après le livre de l’association du clos Saint-Lazare Femmes dans la cité, a ainsi fait figure de pièce emblématique et a énormément tourné, ou encore Valse n° 6 de Nelson Rodrigues, créé en 2004, un texte renforcé par les témoignages de femmes victimes de violence recueillis par la compagnie.

Ces dernières années, surtout après la crise du Covid, à Stains comme ailleurs, le réseau associatif s’étiole, asséché par les coupes budgétaires successives. L’équipe ne baisse pas les bras. Fêter son quarantième anniversaire, ce n’est pas seulement regarder dans le rétroviseur de l’histoire, c’est aussi aller de l’avant. « On a toujours cherché à être cohérents avec l’idée qu’on avait d’une action et l’endroit où on était », conclut Marjorie, fidèle à la philosophie de l’éducation populaire, « Faire avec les gens et pour les gens ». Marina Da Silva

Studio Théâtre, 19 rue Carnot, 93240 Stains (Tél. : 01.48.23.06.61).

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Delon, les mauvaises fréquentations

Le dimanche 18/08, en sa demeure de Douchy-Montcorbon (45), Alain Delon est décédé à l’âge de 88 ans. Amitié avec Le Pen père, propos homophobes et sexistes, apologie de la peine de mort : telle est la face sombre de l’acteur. Qui n’a jamais caché ses engagements à droite toute et son goût pour l’ordre et les codes virils.

Il aurait été facile de titrer Mort d’un pourri, le film de Georges Lautner sorti en 1977. C’était faire fi de toutes les ambiguïtés du personnage à la personnalité double, trouble. Magnifique acteur à la beauté captivante, politiquement, Alain Delon s’est toujours situé sur une ligne de crête, entre gaullisme nostalgique et droitisme viriliste. Acteur et voyou, mauvais garçon, il a tout d’un jeune Rastignac, prêt à tout pour décrocher ses premiers rôles, y compris coucher. Il jouera de sa beauté, de cette plastique sublime pour gravir les échelons qui le conduiront au sommet. Et de ses amitiés dont il ne se défera jamais, par fidélité. Chez Delon, on ne trahit pas. On scelle des pactes à la vie à la mort aussi bien avec ses maîtres en cinéma (Visconti, Clément, Melville) qu’avec des êtres peu recommandables, croisés au cours de virées nocturnes en Indochine ou dans les arrière-salles de cafés malfamés. La découverte du cadavre de son garde du corps Stevan Markovic, en 1968, jettera une ombre sur son aura.

L’honneur et l’ordre

Fasciné par les codes « d’honneur » du milieu qu’il fréquente dès son plus jeune âge, il aime l’ordre, la discipline, qu’il apprend à l’armée, lors de fréquents séjours au cachot pour désobéissance ou pour quelques menus larcins. Il se prononcera pour la peine de mort jusqu’à son abolition. Sa vision de la femme est d’une misogynie décomplexée. À l’image de certains des personnages qu’il incarnait à l’écran, ses partenaires féminines étaient bonnes à baiser ou à gifler. Quant à l’homosexualité, il l’a toujours considérée « contre-nature ». Précisant sa pensée, il ajoutera à propos des homosexuels : « Qu’ils se marient entre eux, je m’en fous complètement ! Ce que je ne veux pas, c’est qu’ils adoptent. » Blessure d’enfance ? Quel Delon parlait ? Celui abandonné par ses parents après leur divorce ? Obsédé par l’idée de famille, il soutiendra Christine Boutin dans sa croisade contre le mariage pour tous.

En politique, à droite toute

Ses fréquentations politiques se déploient sur un éventail à droite toute. En 1974 et 1981, l’acteur appelle à voter Valéry Giscard d’Estaing, puis Raymond Barre en 1988 et Nicolas Sarkozy en 2007. Il votera François Fillon au premier tour de la présidentielle de 2017 et déclarera être « resté chez (lui) » lors du second entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il préférait, de loin, le père de cette dernière – « un ami de longue date » – à la fille, disait-il. Pris en flagrant délit d’amitiés lepénistes, il parlera de « points d’accord et de désaccord » qu’il aurait eus avec le chef de l’extrême droite française d’alors. Son amitié avec l’homme au bandeau faisait « jaser » mais « j’emmerde les gens« , affirmait-il sur un ton à la fois goguenard et provocateur.

À l’instar d’Éric Ciotti, premier à dégainer sur les réseaux sociaux pour saluer « un patriote sincère et homme de droite (…) qui a toujours défendu une certaine idée de la France », tous les opportunistes rivalisent d’hommages franchouillards, tandis que l’étoile s’éclipse avec sa part d’ombre et de secrets. Marie-José Sirach

Michelangelo Antonioni, Bertrand Blier, René Clément, Jacques Deray, Jean-Luc Godard, Joseph Losey, Jean-Pierre Melville, Luchino Visconti… Sous la conduite des plus grands maîtres du septième art, Alain Delon a construit son univers à travers une centaine de films, dont quelques chefs d’œuvre : La piscine, Le cercle rouge, Le guépard, L’éclipse, Mélodie en sous-sol, Monsieur Klein, Nouvelle vague, Rocco et ses frères. Au côté de stars du grand écran : Claudia Cardinale, Annie Girardot, Jeanne Moreau, Romy Schneider, Simone Signoret, Monica Vitti… « On me demande de mettre des mots, mais la tristesse est beaucoup trop intense (..) Le bal est fini, Tancredi s’en est allé danser avec les étoiles. Per sempre tua, à toi pour toujours, Angelica », pleure Claudia Cardinale à l’annonce de la mort du Guépard. « J’étais très heureux quand j’étais Alain Delon au cinéma. Très heureux », déclare-t-il en 2020 dans un entretien à Paris-Match. Y.L.

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La meilleure façon de courir

Tandis que s’élance ce 10/08 le marathon hommes des Jeux olympiques de Paris, Andrea Marcolongo publie Courir. De Marathon à Athènes, les ailes au pied. Italienne de passeport, Française d’adoption et helléniste de formation, l’auteure s’est frottée à ce mythe grec. Paru dans le mensuel Sciences Humaines (N°370, juillet-août 2024), un article de Jean-Marie Pottier.

En matière de course à pied, l’humanité a mis deux millénaires à gagner quatre cents mètres. Ceux qui séparent les très codifiés 42,195 kilomètres du marathon olympique des 41,8 kilomètres parcourus, paraît-il, au 5e siècle avant notre ère par le messager nommé Philippidès (ou Euclès selon certains) venu annoncer aux Athéniens leur victoire contre les Perses à Marathon : « Nous avons gagné ! », s’exclama-t-il avant de s’écrouler, épuisé à en mourir. Italienne de passeport, Française d’adoption et helléniste de formation, Andrea Marcolongo s’est frottée à ce mythe grec en s’entraînant, des mois durant, pour courir un marathon à Marathon – d’une certaine manière, juge-t-elle, « l’expérience la plus “grecque” » d’une carrière déjà riche de plusieurs ouvrages sur cette « langue géniale ».

Publié en italien sous le titre De arte gymnastica, qui est aussi celui d’un célèbre traité du philosophe Philostrate, son livre alterne récits intimes d’entraînement et chapitres thématiques explorant ce qui a changé dans la course à pied (la participation des femmes, le régime des coureurs, le rôle de la technologie…) et ce que nous venons y chercher d’immuable. Qu’est-ce qui nous pousse à enfiler nos baskets pour accomplir des trajets qui nous ramènent le plus souvent au point de départ ? C’est, selon elle, que la course, malgré les contraignantes routines d’entraînement, nous libère. Elle nous fait sentir le temps, dans toute sa consistance, plutôt que bêtement l’occuper ou le perdre. En sortant notre corps de sa confortable immobilité, elle apaise notre esprit. Elle nous inflige une « douleur immense », certes, mais qui nous protège « des éclats violents de l’existence ». Bref, elle nous aide à combattre l’angoisse de mourir : je cours, donc je suis en vie.

« L’instant après le marathon, nous devons immanquablement cesser de jouer à la course et marcher enfin bien sagement, au pas toute la vie jusqu’à la tombe ». Le mérite de ce livre enlevé et érudit est de nous donner envie de méditer cette leçon avant, après, voire pendant quelques kilomètres de course. Jean-Marie Pottier

Courir. De Marathon à Athènes, les ailes au pied, Andrea Marcolongo (Gallimard, 256 p., 22 €).

Décoiffant, le dossier du numéro 370 de Sciences Humaines frappe fort : Avoir la niaque, une psychologie de la persévérance. Avec, aussi, une analyse du vote en faveur du Rassemblement national lors des élections européennes, l’ethnographie d’une lame de fond. Sans oublier l’entretien de Frédéric Manzini avec la philosophe Fabienne Brugère qui s’interroge sur le désamour avec son Manuel d’un retour à la vie. Dès sa création, Chantiers de culture a inscrit le mensuel sur sa page d’ouverture au titre des Sites amis. Un excellent magazine dont nous conseillons vivement la lecture. Yonnel Liégeois

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De Gaulle connaissait Cyrano par cœur

Aux éditions La rumeur libre, André Désiré Robert publie le Théâtre des présidents. Un ouvrage riche en informations révélatrices, et anecdotes parlantes, sur les représentations théâtrales prisées par les successifs locataires de l’Élysée, de 1959 à 2022. L’auteur, universitaire-archiviste-critique dramatique, offre toutes les garanties quant au sérieux de sa recherche.

À tout seigneur, tout honneur : Charles de Gaulle, c’est « dix ans de théâtre national » (1959-1969) ; la Comédie-Française avec Tête d’or, de Claudel, Racine, Marivaux, garde républicaine au garde-à-vous dans les soirées offertes aux chefs d’État étrangers, entre autres, Bokassa, ce « soudard » dit le général, dont on apprend qu’il connaissait par cœur Cyrano de Bergerac. Sous Pompidou (1969-1974), agrégé de lettres, voilà le « théâtre embourgeoisé », de l’Avare de Molière au Français jusqu’au boulevard, avec Canard à l’orange et Oscar…

Du côté de Giscard d’Estaing (1974-1981), on a une « pincée de théâtre » ; Hernani, d’Hugo, par Robert Hossein à Marigny, par le Français, dont la salle Richelieu est en travaux. Plus tard, il y aura Eugène Scribe, Marivaux, Musset. C’est François Mitterrand (1981-1995) à « l’éclectisme novateur », qui récolte la palme du spectateur éclairé. Il se rend au Festival d’Avignon, fréquente le Théâtre du Soleil, apprécie Cripure, de Louis Guilloux, par Marcel-Noël Maréchal ; assiste, à Gennevilliers, à une représentation de Nathan le Sage, de Lessing, mis en scène par Bernard Sobel…

Les quatre autres présidents (1995-2022) sont regroupés dans une sorte de filet garni. Si l’on sait que Chirac cachait avec soin sa dilection pour les cultures asiatiques, l’auteur n’a pas trouvé sur lui de traces propres au théâtre, sauf à lui prêter, sans preuve, une connaissance du théâtre nô, Japon oblige.

De Nicolas Sarkozy, manifestement peu enclin à une culture classique ou pas du tout, à part la chanson, par alliance, on apprend néanmoins qu’il a pu voir, à l’Atelier, la pièce médiocre de Bernard-Henri Lévy, Hôtel Europe, à laquelle François Hollande assistera à son tour. Du moins, ce dernier se rendra-t-il au Festival d’Avignon et deviendra familier du Théâtre du Rond-Point, dirigé par son ami Jean-Michel Ribes. Emmanuel Macron, qui put tâter du théâtre sous le regard de sa future épouse, s’il sut rendre hommage à Michel Bouquet, c’est dans les salles privées qu’il se rend volontiers (Jean-Marc Dumontet, son conseiller en langage corporel en 2017, en possède six).

Le livre d’André Désiré Robert, écrit d’une main sûre dans le ton de l’humour feutré, reproduit maintes critiques sur les pièces citées, en propose de précieux résumés et se clôt sur les spectacles consacrés aux figures des présidents en question. Jean-Pierre Léonardini

Le théâtre des présidents, André Désiré Robert (préface de Bernard Faivre d’Arcier) : La rumeur libre, 310 p., nombreuses illustrations (photos, dessins de presse et repros de documents officiels), 18€.

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Ralite, l’amoureux du théâtre

Les 14-15 et 16/07, à la Maison Jean Vilar d’Avignon (84), Christian Gonon propose La pensée, la poésie et le politique. Paroles, écrits et convictions de Jack Ralite, l’amoureux du théâtre et de la poésie. Un « seul en scène » d’après les entretiens réalisés par Karelle Ménine avec l’ancien élu et ministre communiste, une pensée d’une vitalité salutaire et d’une actualité brûlante.

Il aurait été heureux, l’ami Ralite. Lui qui fréquentait sans relâche les salles de théâtre, se rendait au Festival d’Avignon – on entend dans la salle les cigales et les bruissements d’ailes des martinets -, toujours curieux de voir des spectacles, bien sûr, mais aussi de rencontrer et dialoguer avec les artistes, les comédiens, les metteurs en scène qu’il croisait dans les ruelles mal pavées d’Avignon, de rester des heures durant à l’annexe de la BNF de la Maison Jean Vilar, où il lisait et relisait des ouvrages de théâtre, d’histoire, de poésie, noircissant des pages de notes qui s’entassaient dans sa fidèle sacoche de cuir noir.

« Il nous manque, Ralite »

Il aurait été heureux, Ralite. Cela fera six ans le 12 novembre prochain qu’il est mort. Sa disparition a créé un manque. Combien d’artistes, d’intellectuels, de médecins, de chercheurs le disent : « Il nous manque, Ralite. » Il nous manque mais ses discours, ses prises de parole constituent un héritage précieux : ses multiples interventions au Sénat, à l’Assemblée nationale, à Aubervilliers, aux états généraux, au comité central du PCF comme on disait alors. Tout comme ses entretiens ou ses tribunes parus, ici et là, dans la presse. Le spectacle conçu et interprété par Christian Gonon, 517ᵉ sociétaire de la Comédie-Française, a été imaginé à partir du livre d’entretiens réalisés par Karelle Ménine, La pensée, la poésie et le politique (Dialogue avec Jack Ralite), publié aux Solitaires intempestifs.

 « Comment dirais-je… » Ainsi commence le spectacle, par cette politesse de langage dont Ralite usait sans en abuser et qui annonçait une idée, un argument, une pensée. Un signe annonciateur pour susciter chez son interlocuteur l’attention mais surtout la concentration. Alors Ralite, tel le peintre sur le motif, dessinait à voix haute les contours d’une réflexion en mouvement, aux aguets. Le découpage opéré par Christian Gonon, son parti pris, principalement axé sur les rapports que Ralite entretenait avec les poètes, les artistes ou les présidents de la République, à qui il écrivait de longues lettres pour plaider, d’une plume courtoise mais ferme, la cause des artistes, ce parti pris, donc, donne toute la mesure de la personnalité de Ralite. Un homme politique d’envergure qui avait une haute idée de la politique et constatait la dérive – ce glissement sémantique – où le mot « politicien » s’est substitué insidieusement au mot « politique ».

L’acteur évite l’écueil du biopic

Seul en scène, une petite table recouverte de feuilles éparses, une simple lampe et une chaise pour tout accessoire, Gonon donne une amplitude intérieure à son « personnage ». En réajustant sa cravate, en tripotant ses lunettes ou en consultant fiévreusement des notes prises sur des bouts de papier, l’acteur évite l’écueil du biopic et parvient à glisser quelques signes comme autant de preuves d’existence. Christian Gonon recrée des instantanés de vie, parsemant le spectacle de réflexions, d’indignations devant l’assèchement des politiques culturelles joyeusement mêlées à des souvenirs d’enfance, à son admiration pour Robespierre l’Incorruptible, à ses premières émotions au théâtre, à son adhésion « au parti », à ses désaccords critiques et sa fidélité à l’idéal communiste, jusqu’à évoquer ses complicités affectives avec Rimbaud, Baudelaire, Vilar, Vitez, Hugo, Aragon, Picasso, René Char, Bernard Noël, Julien Gracq…

On entend soudain l’Affiche rouge

Aragon occupe une place importante, particulière dans le spectacle. Il était, disait Ralite, un « camarade de briganderie culturelle, mais aussi de lucidité politique ». On entend soudain l’Affiche rouge, dit sobrement, sans effet de manche. Mais aussi Étranges étrangers de ce même Prévert qui avait écrit les Enfants d’Aubervilliers, ces « gentils enfants des prolétaires/Gentils enfants de la misère/Gentils enfants du monde entier/Gentils enfants d’Aubervilliers ». Ralite était né à Châlons-sur-Marne mais il était devenu un de ces enfants d’Aubervilliers, à jamais.

 « Je cite souvent les poètes parce qu’ils m’ont éclairé. Je me dis que puisqu’ils m’ont éclairé, ils peuvent en éclairer d’autres. Un politique qui se prive de cela mutile sa pratique », disait-il encore. Lorsque tous les acteurs de la troupe forment un chœur sonore où les voix s’entrechoquent pour lire cette fameuse adresse au président de la République, on mesure combien toute la pensée de Ralite demeure d’une vitalité et d’une actualité brûlantes. Marie-José Sirach, Photos Christophe Raynaud de Lage

La pensée, la poésie et le politique, Christian Gonon : les 14-15 et 16/07, 15h. Maison Jean Vilar, 8 Rue de Mons, 84000 Avignon (Tél. : 04.90.86.59.64).

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Le 1000ème article, quel chantier !

Une date à saluer pour Chantiers de culture : le 30/04, la mise en ligne du 1000ème article ! Sans bruit ni fureur, en une décennie, le site a tissé sa toile sur le web et les réseaux sociaux. Un succès éditorial adoubé par ses lecteurs et contributeurs.

Quelle belle aventure, tout de même, ces insolites Chantiers de culture ! En janvier 2013, était mis en ligne le premier article : la chronique du roman de Lancelot Hamelin, Le couvre-feu d’octobre, à propos de la guerre d’Algérie. Ce même mois, suivront un article sur l’auteur dramatique Bernard-Marie Koltès, un troisième sur Le Maîtron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Le quatrième ? Un entretien avec Jean Viard, sociologue et directeur de recherches au CNRS, à l’occasion de la parution de son Éloge de la mobilité. Le ton est donné, dans un contexte de pluridisciplinarité, Chantiers de culture affiche d’emblée son originalité… 39 articles en 2013, 176 pour l’année 2023, près d’un article tous les deux jours, le millième en date du 30 avril : un saut quantitatif qui mérite d’être salué !

Au bilan de la décennie, le taux de fréquentation est réjouissant, voire éloquent : un million six cent mille visites, plusieurs centaines d’abonnés aux Chantiers ! Nulle illusion, cependant : Chantiers de culture ne jalouse pas la notoriété d’autres sites, la plupart bien instruits et construits, ceux-là assujettis cependant à la manne financière ou aux messages publicitaires. Au fil des ans, Chantiers de culture a tissé sa toile sur le web et les réseaux sociaux. Tant sur la forme que sur le fond, la qualité du site est saluée fréquemment par les acteurs du monde culturel. Des extraits d’articles sont régulièrement publiés sur d’autres média, les sollicitations pour couvrir l’actualité sociale et artistique toujours aussi nombreuses.

Une progression qualitative, nous l’affirmons aussi… Des préambules énoncés à la création du site, il importe toujours de les affiner. En couvrant mieux certains champs d’action et de réflexion : éducation populaire, mouvement social, histoire. Un projet fondé sur une solide conviction, la culture pour tous et avec tous, un succès éditorial à ne pas mésestimer pour un outil riche de ses seules ambitions, indépendant et gratuit ! Chantiers de culture ne sert ni dieu ni maître. Sa ligne de conduite ? La liberté de penser et d’écrire sur ce que bon lui semble, comme bon lui semble. L’engagement pérenne et bénévole d’une équipe de contributrices et contributeurs de belle stature et de haute volée signe la réussite de cette aventure rédactionnelle, les félicitations s’imposent.

Pour les mois à venir, se profile un triple objectif : ouvrir des partenariats sur des projets à la finalité proche des Chantiers, développer diverses rubriques journalistiques (bioéthique, septième art, économie solidaire…), élire cœur de cible privilégiée un lectorat populaire tout à la fois riche et ignorant de ses potentiels culturels. Au final, selon le propos d’Antonin Artaud auquel nous restons fidèle, toujours mieux « extraire, de ce qu’on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim » ! Yonnel Liégeois

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Paris et la trêve olympique

Le 16 avril, jour de l’allumage de la flamme à Olympie en Grèce, le Mouvement de la Paix a lancé une pétition en vue d’une trêve lors des Jeux Olympiques 2024 à Paris. Un appel en accord avec la résolution de l’assemblée générale de l’ONU adoptée le 21 novembre 2023.

La première torche du relais de la Flamme Olympique de Paris 2024 a été allumée le 16 avril lors d’une cérémonie à Olympie, en Grèce, où se déroulaient les Jeux antiques. Depuis le Péloponnèse, la Flamme Olympique rejoindra Athènes, traversera la mer Méditerranée pour arriver à Marseille le 8 mai 2024 et poursuivre son parcours à travers la France jusqu’à Paris pour marquer officiellement le début des jeux olympiques. Le Mouvement de la Paix a lancé ce même jour, date du départ de la flamme olympique d’Olympie à destination de Paris, une pétition mondiale pour qu’ensemble les peuples du monde entier exigent de leurs dirigeants, dont ceux de la France, État organisateur des Jeux, qu’ils agissent avec détermination pour la mise en place, pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, de la trêve olympique selon la résolution adoptée par l’ONU le 21/11/2023.

Si le Mouvement de la Paix se réjouit de ce vote, il serait inconcevable qu’il ne reste qu’un vœu pieu et que cette résolution ne soit pas suivie d’effets et d’initiatives concrètes de la part de chaque État. L’enjeu est de mobiliser les populations, les associations, les partis politiques, les élues et les élus, les syndicats, les sportives et sportifs, les artistes, éducatrices, éducateurs, du monde entier pour faire pression auprès des chefs d’État, afin qu’ils agissent pour que la trêve Olympique devienne une réalité. Le Mouvement de la Paix remercie par avance toutes celles et ceux, organisations, citoyennes et citoyens de tout âge qui en France et à travers le monde feront connaître par tous les moyens à leur disposition cette campagne mondiale qui participera à l’émergence d’une insurrection des consciences pour avancer dans la construction d’un monde de paix et d’amitié entre les peuples.

Chacune et chacun, là où il-elle est, peut agir pour contribuer à faire que la belle idée de l’arrêt des combats sur l’ensemble de la planète, héritée des premiers Jeux Olympiques en Grèce au 9ème siècle avant JC, devienne une réalité et contribue à la construction d’un monde pacifique et meilleur grâce au sport et à l’idéal olympique. Ce même jour, alors que le Mouvement de la Paix demandait en urgence une audience au président de la République pour avancer des propositions concrètes et obtenir des actes politiques, Emmanuel Macron déclarait dans la presse régionale sa volonté d’agir pour une trêve olympique. Philippe Gitton

Le Mouvement de la Paix, 9 rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen (Tél. : 01.40.12.09.12).

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